Mélodies en sous-sol de Sébastien Cools

Programmé hors compétition au festival Millenium cette année, « Mélodies en sous-sol » est un documentaire haut en couleur (locale), qui transmet avec justesse et au travers de la musique, l’atmosphère de cette cosmopolis qu’est Bruxelles.

Improvisé et discret, le ciné-œil de Cools se balade dans les bureaux de la STIB (Société des transports intercommunaux de Bruxelles) où s’organisent périodiquement des auditions pour des musiciens de métro dans le but de rendre le réseau plus convivial. À l’épreuve, des candidats devant un jury composé lui-même de musiciens-fonctionnaires. Cools filme avec perspicacité la rencontre des juges et jugés, des fonctionnaires et artistes, mais surtout des individus.

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Lorsque deux chanteuses, toutes deux retenues aux auditions, se croisent, le film donne lieu à un double-témoignage à la fois personnel et universel. À travers une gamme émotionnelle allant de la modestie à la fierté, de la fragilité à l’espoir, Cathy Zeroug et Minata Traoré, d’origine marseillaise et burkinaise respectivement, racontent leur passion commune pour la musique, leur parcours, leur implication active dans la société précarisée et leurs expériences de première main en tant qu’artistes de métro attitrées. Le spectateur partage alors un moment d’intime confidence avec ces deux personnalités qui nous invitent à oser regarder les gens dans cet océan déshumanisé et impersonnel qu’est le métro.

Créé spontanément à partir d’un moment fortuit et décisif autant pour le réalisateur que pour les personnes filmées (car c’est de personnes et non pas de personnages qu’il s’agit ici), « Mélodies en sous-sol » est un documentaire hors ligne. Cools parvient à doter son film d’un réalisme et d’une immédiateté caractéristique du reportage, mais d’un regard artistique digne du documentaire dans sa forme la plus délectable : responsable et sincère.

Adi Chesson

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Les blogs des artistes :
http://www.myspace.com/minatatraore
http://www.myspace.com/cathyzeroug

Shooting with Mursi de Ben Young

« L’homme à la caméra et au Kalachnikov»

Pour sa troisième édition, le Millenium International Documentary Festival qui s’est clôturé à Bruxelles le 14 juin dernier a rassemblé pas moins d’une cinquantaine de films documentaires réalisé par des cinéastes indépendants. Parmi eux, « Shooting with Mursi», sélectionné en compétition internationale et lauréat de l’Objectif de Bronze, Meilleur message de la diversité culturelle (Prix UNESCO). Un film fort, original et engagé du réalisateur britannique Ben Young.

Les Mursis sont un peuple semi-nomade, originaire du sud-ouest de l’Ethiopie. Ils vivent en autarcie, loin de la civilisation, en parfaite harmonie avec la nature mais subissent les assauts de tribus voisines (Bodis), c’est pourquoi chaque homme arrivé à l’âge adulte ne se sépare jamais de son Kalachnikov. Olisarali Olibui est l’un d’entre eux. Ayant eu l’occasion de partir en Australie pour y étudier l’anglais, il en revient équipé d’une caméra mini DV, d’un ordinateur portable et d’un chargeur solaire, habité par l’envie de filmer les siens.

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A bien des égards, « Shooting with Mursi » rejoint les ambitions des grands documentaristes tels que Flaherty ou Rouch. Cependant, cette ethno-fiction s’en écarte par le fait qu’elle offre un point de vue différent, dévoilant avec humour le quotidien de la tribu à travers les yeux et le commentaire d’Olisarali lui-même. On assiste donc au conseil des hommes où chacun est libre de parler, du plus jeune au plus ancien, à la préparation du repas ou encore à la punition des jeunes par les plus vieux.

C’est un regard descriptif et compréhensif qui respecte une distance égale entre le filmé et le filmeur ce qui est plutôt rare dans les documentaires anthropologiques où réside encore trop souvent une vision en œillère sur une réalité analysée selon des codes occidentaux provoquant une interprétation biaisée par un sentiment de supériorité d’une culture à une autre. La réalité filmée est davantage un objet de curiosité qu’une découverte faite d’échanges égaux. C’est ainsi qu’aujourd’hui encore, les femmes Mursis, connues pour porter des labrets labiaux (les « femmes-plateaux ») demeurent incomprises par l’Occident qui voit dans cette pratique un acte de barbarie innommable.

Avec le film de Ben Young, il n’en n’est rien grâce à l’usage de la caméra participative qui devient un personnage au même titre qu’Olisarali ou son frère. Comme cette vieille femme qui s’adresse à nous en un plan en face caméra édifiant, déclarant que les Mursis sont des êtres humains comme tous les autres et non des animaux. Olisarali Olibui a compris la force des images et comme il le dit lui-même « ce que je filme aura bien plus d’impact que les balles de mon kalachnikov ». D’où le choix du titre qui, en anglais, joue sur une double acceptation du terme shooting (tourner/tirer).

« Shooting with Mursi » est un portrait authentique, intime, original et inédit d’une tribu, d’un peuple, d’hommes et de femmes qui vivent différemment. Olibui a su grâce à l’aide de Ben Young leur donner une voix, la leur.

Marie Bergeret

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Millenium 2011 : Festival international du Film Documentaire

milleniumLe Festival Millenium propose depuis 2009 un lieu de rencontres et d’échanges d’idées sur le rôle que le cinéma documentaire pourrait jouer aujourd’hui dans la compréhension et l’expression des individus et des communautés. Ce festival met à l’honneur le travail de documentaristes du monde entier dont l’œuvre cherche à explorer des objectifs qui sont le reflet des grands idéaux de l’humanité, tels que ceux-ci ont été définis par les Nations Unies au début du millénaire.

Pour sa troisième édition, qui s’est déroulé du 8 au 14 juin derniers à Bruxelles, le festival a accueilli de nombreux artistes et personnalités dont journaliste Ignacio Ramonet, l‘écrivain Gilles Lipovetzky, les réalisateurs Cheick Oumar Sissoko, Mohamed Al-Daradji, Gilles Remiche, et Noa Ben Hagai.

Retrouvez dans ce focus :

La critique de « L’Orient à petit feu » de Jacques Debs (Liban, France, 2001)

La critique de « Molf-e Gand » de Mahmoud Rahmani (Iran, 2009)

La critique de « Shooting With Mursi » de Ben Young (Royaume-Uni, 2009)

La critique de « Mélodies en sous-sol » de Sébastien Cools (Belgique, 2010)

Le palmarès du 3ème Festival Millenium

Cartoon d’Or 2011, les 6 nominés

Le Cartoon d’Or est le prix européen pour le meilleur film d’animation court. La cérémonie des prix 2011 se déroulera lors du Cartoon Forum Polska le jeudi 15 Septembre à Sopot (Pologne). Les 6 courts métrages nommés seront projetés devant les participants au Forum Cartoon; le gagnant recevra un trophée accompagné d’une aide financière de 10.000 euros. Cette année, le jury était composé de Stéphane Bernasconi (France), Tony Loeser (Allemagne) et Victor Maldonado (Espagne).

Les candidats

* Mobile de Verena Fels – Allemagne, 2010, 6’25 »- Prod: Filmakademie Baden-Württemberg

* Chemins de la haine de Damian Nenow – Pologne, 2010, 10 ‘- Prod: Image Platige

* Pivot de André Bergs – Pays-Bas, 2009, 5 ‘- Prod: Productions Luster Il

* Le monde extérieur de David O’Reilly – Irlande, 2010, 17 ‘- Prod: David OReilly Animation & DETAiLFILM

* The Gruffalo de Jakob Schuh & Max Lang – UK / Allemagne, 2009, 27 ‘- Prod: Magic Light Pictures en association avec Studio Soi

* Le petit garçon et la Bête de Johannes Weiland & Uwe Heidschötter – Allemagne, 2009, 6’30 »- Prod: Studio Soi

P comme Les Parallèles

Fiche technique

Synopsis : Paris, aujourd’hui. Les destins croisés de trois personnages, réunis malgré eux à cause du retour en France d’un homme d’affaire. Edgard, impliqué dans une affaire de corruption. Simon, son fils, tourmenté. Benjamin, un compositeur solitaire. Et une jeune femme, Louise. Quatre vies vont ainsi basculer et finiront par se croiser de manière inexorable.

Genre : Fiction

Pays : France

Année : 2004

Durée : 31′

Réalisation : Nicolas Saada

Scénario : Nicolas Saada

Image : Yorick Le Saux

Son : Brigitte Taillandier

Montage : Julien Leloup

Musique : Nicolas Errera

Interprétation : Géraldine Pailhas, Mathieu Amalric, Jonathan Zaccai, Frédéric Epaud, Edouard Lehman, Agathe Natanson, Bernard Verley

Production : 4 A 4 Productions

Article associé : la critique du film

Ouverture des inscriptions de la 20ème édition du Festival du film de Vendôme

La 20ème édition du Festival du film de Vendôme se déroulera du 2 au 9 décembre 2011. Les inscriptions en ligne sont ouvertes jusqu’au 9 septembre 2011. Les conditions pour postuler sont les suivantes :

Compétition nationale :

1- Film terminé après le 1er janvier 2010
2- Durée maximum : 59 min
3- Support de projection : 35 mm (son optique), Beta SP, Beta Num, DV, DV Cam
4- Pays de production : France (pays de production principal et coproduction)
5- Genres acceptés : fiction, documentaire, animation, expérimental, essai
6- Seuls les films ayant reçu une aide sélective des collectivités territoriales ci-dessous peuvent participer à la compétition nationale.

Région: Alsace, Agence culturelle d’Alsace, Aquitaine, Auvergne, Basse-Normandie, Bourgogne, Bretagne, Centre, Champagne-Ardenne, Corse, Franche-Comté, Guadeloupe, Ile-de-France, Arcadi, Haute-Normandie, Languedoc-Roussillon, Limousin, Lorraine, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais, Pays de la Loire, Picardie, Poitou-Charentes, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Réunion, Rhône-Alpes, Rhône-Alpes Cinéma.

Départements : Alpes-Maritimes, Ardèche, Charente, Charente-Maritime, Corrèze, Côtes d’Armor, Deux-Sèvres, Eure, Finistère, Haute-Savoie, Isère, Loire-Atlantique, Lot, Sarthe, Seine-Saint-Denis (cinéma93, périphérie), Val-de-Marne, Vosges.

Villes et Communautés urbaines : Paris, CU de Strasbourg.

Vous serez amenés à compléter des informations concernant les aides à la production (étape 4.2)

Compétition européenne

1- Film terminé après le 1er janvier 2010
2- Durée maximum : 40 min
3- Support de projection : 35 mm son optique, Vidéo (Beta SP, Beta Digital, DV, DV Cam)
4- Pays de production : Etats Membres de l’Union Européenne
(27 pays de l’UE sauf France), pays de l’espace économique européen (Islande, Liechtenstein et Norvège) ainsi que Suisse et Croatie.
5- Seuls les films ayant reçu une aide sélective d’une collectivité territoriale peuvent participer à la compétition européenne
6- Genres acceptés : fiction, documentaire, animation, expérimental, essai

Postulez en ligne sur www.filmfestplatform.com
Toutes les informations sur le site du festival : www.vendome-filmfest.com

Les Parallèles de Nicolas Saada

La rétrospective organisée dans le cadre du festival Côté Court de Pantin a donné l’occasion de (re)découvrir les films courts de réalisateurs « prometteurs » qui sont devenus, grâce notamment à leur passage au long-métrage, des cinéastes français réputés. C’est le cas de Nicolas Saada, critique de film aux Cahiers du cinéma dont la carrière en tant que cinéaste débute en 2004 avec « Les Parallèles » et qui se poursuit en 2009 avec un premier long-métrage au titre tout aussi évocateur : « Espion(s) ».

« Les Parallèles » raconte le destin parallèle de deux hommes et d’une femme à Paris. Benjamin (Jonathan Zaccaï) est un artiste dépressif, Simon (Mathieu Amalric) le fils désenchanté d’un escroc, et Louise (Géraldine Pailhas) vendeuse dans une parfumerie. Tellement rien ne semble les rapprocher a priori que le film organise leur rencontre de manière trop systématique pour être crédible. Mais ne serait-ce pas aussi ce « tellement rien » qui rappelle la vie, où la rencontre fortuite paraît à ce point inattendue qu’elle se pare d’artificialité ?

Un tel dispositif narratif (appuyé par un titre qui le dénonce sans équivoque) pousse à comparer les parcours et la richesse de caractère des personnages. On se lasse rapidement de Benjamin dont le problème est exposé dès la première scène : c’est un dépressif hypocondriaque. Le reste des séquences ne fait que creuser les caractéristiques d’un « personnage-type », déterminé par quelques traits de caractère exacerbés, sans profondeur psychologique, dont le parcours semble être uniquement tourné vers l’acte final si étrange que le réalisateur n’ose même pas le filmer.

Mais c’est au personnage de Simon que revient le statut de protagoniste du film. La présence de Mathieu Amalric donne accès au conflit intérieur de son personnage, à la peur qui ne cesse de le secouer et au danger qui pèse sur lui. C’est son besoin d’agir pour survivre que l’on suit alors que chaque geste l’expose un peu plus au malaise que suscite son père. Malgré sa paranoïa, sa solitude trouve écho dans celle d’un personnage figé, celui de Louise. Celle-ci intervient comme une échappatoire à cette situation inéluctable lors de leur moment partagé au comptoir d’un café. On se serait d’autant plus passé de la seconde fin, qui semble être la seule justification à la présence de Benjamin dans ce film.

L’interprétation majestueuse des acteurs ne peut nous faire oublier qu’outre son dispositif il montre les trajectoires fragiles, délibérément truffées de trous et de vides, pour mieux se concentrer sur de purs moments de communion (dans le café entre Simon et Louise). Même s’il pèche à combiner l’épaisseur matérielle et olfactive (Simon vole un manteau, la charmante Louise vend du parfum) avec l’épaisseur psychologique, le film rend visible l’insoutenable phénomène de rapprochement/éloignement qui relie les êtres. A défaut d’extraire la valeur de ce phénomène, il en laisse planer l’odeur.

Vincent Arbez

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