Les Parallèles de Nicolas Saada

La rétrospective organisée dans le cadre du festival Côté Court de Pantin a donné l’occasion de (re)découvrir les films courts de réalisateurs « prometteurs » qui sont devenus, grâce notamment à leur passage au long-métrage, des cinéastes français réputés. C’est le cas de Nicolas Saada, critique de film aux Cahiers du cinéma dont la carrière en tant que cinéaste débute en 2004 avec « Les Parallèles » et qui se poursuit en 2009 avec un premier long-métrage au titre tout aussi évocateur : « Espion(s) ».

« Les Parallèles » raconte le destin parallèle de deux hommes et d’une femme à Paris. Benjamin (Jonathan Zaccaï) est un artiste dépressif, Simon (Mathieu Amalric) le fils désenchanté d’un escroc, et Louise (Géraldine Pailhas) vendeuse dans une parfumerie. Tellement rien ne semble les rapprocher a priori que le film organise leur rencontre de manière trop systématique pour être crédible. Mais ne serait-ce pas aussi ce « tellement rien » qui rappelle la vie, où la rencontre fortuite paraît à ce point inattendue qu’elle se pare d’artificialité ?

Un tel dispositif narratif (appuyé par un titre qui le dénonce sans équivoque) pousse à comparer les parcours et la richesse de caractère des personnages. On se lasse rapidement de Benjamin dont le problème est exposé dès la première scène : c’est un dépressif hypocondriaque. Le reste des séquences ne fait que creuser les caractéristiques d’un « personnage-type », déterminé par quelques traits de caractère exacerbés, sans profondeur psychologique, dont le parcours semble être uniquement tourné vers l’acte final si étrange que le réalisateur n’ose même pas le filmer.

Mais c’est au personnage de Simon que revient le statut de protagoniste du film. La présence de Mathieu Amalric donne accès au conflit intérieur de son personnage, à la peur qui ne cesse de le secouer et au danger qui pèse sur lui. C’est son besoin d’agir pour survivre que l’on suit alors que chaque geste l’expose un peu plus au malaise que suscite son père. Malgré sa paranoïa, sa solitude trouve écho dans celle d’un personnage figé, celui de Louise. Celle-ci intervient comme une échappatoire à cette situation inéluctable lors de leur moment partagé au comptoir d’un café. On se serait d’autant plus passé de la seconde fin, qui semble être la seule justification à la présence de Benjamin dans ce film.

L’interprétation majestueuse des acteurs ne peut nous faire oublier qu’outre son dispositif il montre les trajectoires fragiles, délibérément truffées de trous et de vides, pour mieux se concentrer sur de purs moments de communion (dans le café entre Simon et Louise). Même s’il pèche à combiner l’épaisseur matérielle et olfactive (Simon vole un manteau, la charmante Louise vend du parfum) avec l’épaisseur psychologique, le film rend visible l’insoutenable phénomène de rapprochement/éloignement qui relie les êtres. A défaut d’extraire la valeur de ce phénomène, il en laisse planer l’odeur.

Vincent Arbez

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