Festival du film coréen à Paris. Place au mélange des genres

Le Festival du film coréen à Paris a investi pour sa dix-huitième édition les Champs-Elysées. Il nous a présenté au Publicis cinéma une programmation diversifiée qui, entre quelques longs-métrages, a fait la part belle au court. Le choix a été fait cette année d’accorder une place de choix à l’animation et aux réalisatrices féminines.

Le dessin animé était très clairement surreprésenté parmi les films d’animation : sur les neuf films projetés lors de cette séance, huit étaient des dessins animés. À cette surreprésentation technique répondait une surreprésentation thématique : la question de l’enfance et de l’adolescence. Les rapports aux adultes apparaissaient ainsi dans Minseo and her grandpa, de Chung Hui-bin ou Seungja and me de Kim A-young. Toutefois, comme chacun∙e sait, ce sont les relations entre pairs qui sont les plus difficiles. Aussi Oolang oolang, de Jo Yeseul, raconte-t-il la timidité maladive d’une petite fille surnommée « Jieun la Gerbe », qui vomit quand elle est gagnée par l’émotion. Son acquisition – progressive – de la confiance en soi nous est racontée avec humour.

C’est toutefois The Armpit hair girl, de Jeong Da-hee et Kwon Young-seo qui joue avec le plus de distance des difficultés, à l’adolescence, à accepter son nouveau corps. Le film commence ainsi avec une situation connue de toute personne passée par l’adolescence : la survenue de poils au niveau des aisselles et la recherche frénétique de ruses pour les cacher.

Le dessin animé bascule ensuite avec malice dans le fantastique. Les poils s’avèrent rebelles à toute tentative de les dompter ou de les couper. Des yeux apparaissent. Les poils gagnent en autonomie et continuent de pousser jusqu’à concurrencer les longs cheveux de leur propriétaire… Si la parabole est un peu facile – on pourrait la résumer par une morale enjoignant chacun et chacune à s’aimer tel∙le qu’il ou elle est – l’humour fonctionne et le public entre de plain-pied dans l’imaginaire.

Le mélange des genres et des formes apparaît dans The Playground, de Rhee Grace Nayoon. Ce film de six minutes nous présente les rêveries d’adolescent∙es. L’intérêt de ce court-métrage réside toutefois bien plutôt dans sa – ou ses – formes que dans son histoire. Les jeunes sont ainsi représenté∙es par des poupées filmées en stop motion, dont les traits évoluent au fil du film.

La césure entre le réel et l’imaginaire, qui semble dans un premier temps répondre à des oppositions nettes entre le noir et blanc et la couleur ou entre le dessin animé et le stop motion, est progressivement réduite à néant, le spectateur et la spectatrice étant bien en peine d’affirmer avec certitude où se situe le départ entre réalité et fiction. Les différentes esthétiques se contaminent alors l’une l’autre, avec des incrustations de dessins dans des images à prise de vue réelle. À moins que ce ne soient les prises de vue réelles qui s’incrustent peu à peu dans le dessin : au public de faire son choix.

Cette séance, qui faisait la part belle à l’imagination, est un prélude à la séance nocturne « strange cuts ». Ou comment, deux jours après Halloween, se faire peur en regardant des courts-métrages. Se faire peur, vraiment ? Rien n’est moins sûr : les courts-métrages projetés étaient moins des films d’horreur que des films qui jouent des codes de l’horreur.

Certes, certains films, comme A Spider, de Paeng So-yeh ou Long for the missing, de Kim Jaehong, nous embarquent jusqu’au bout dans l’univers de la mort et des insectes inquiétants. D’autres, toutefois, affichent clairement leur caractère parodique.

All your fault, PD, de Kim Sun-yeun, joue par exemple avec les codes des films de zombies : une équipe de jeunes cinéastes se voit piégée par un premier zombie. Alors qu’une partie de l’équipe trouve refuge dans un van, le reste, mordu par le monstre initial, devient zombie à son tour. Il reste alors, pour cette petite équipe sans argent, à récupérer le matériel qui se trouve à présent au milieu des zombies… Quitte à sacrifier la productrice. La réussite du film repose sur l’importance du second de gré et le jeu distancié des acteurs et actrices.

Hole, de Hwang Hyein, joue également des codes des films d’horreur en nous faisant suivre une agente des services sociaux enquêtant sur l’absentéisme scolaire de deux enfants. Quand elle se rend chez eux, les parents sont absent∙es, mais les enfants lui désignent un énorme trou dans lequel se trouveraient ceux-ci. Comme dans les films d’horreur traditionnels, la catastrophe arrive par celles et ceux qui incarnent l’innocence et la protagoniste avait été prévenue : son chef lui avait bien dit de ne pas croire les enfants. Là encore, l’intérêt du film repose sur cette mise à distance des ingrédients topiques du film de genre.

Les courts-métrages vus au Festival du film coréen à Paris ont ainsi montré ainsi une réelle diversité de genre et d’esthétique. S’il eût été bienvenu de ne pas limiter – à l’exception d’un film – l’animation au dessin animé, la sélection a néanmoins témoigné de la possibilité, pour cette forme, de s’illustrer dans différentes thématiques. L’importante place accordée au court a également permis de mettre en valeur la multiplicité des genres du cinéma coréen : horreur, comédie romantique… Une sélection qui, sans épuiser le sujet, participe d’une appréhension globale du cinéma coréen.

Julia Wahl

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