Maike Mia Höhne. Court, radicalité et sensation à la Berlinale

Maike Mia Höhne est réalisatrice et responsable des courts-métrages à la Berlinale depuis 10 ans. Cette année, assistée par son comité de sélection, elle a retenu 24 films venant de 19 pays différents. Aux abords du festival, nous lui avons demandé de nous soumettre son film de la semaine (son choix a porté sur « Better than friends », un documentaire vietnamien de de Tuan Nguyen que nous vous invitons à découvrir sur notre site web). Nous l’avons également interrogée sur la place du court à Berlin, son travail de programmatrice et son intérêt pour la prise de risques.

En tant que réalisatrice, comment juges-tu le travail des autres ?

Pour moi, les courts sont comme des diamants. J’adore cette forme ! Quand on vient de la réalisation et de la production, on comprend bien les difficultés vécues par les courts-métragistes. Notre but, dans le cadre du festival, est de s’approcher le plus des sensations. Pour nous, l’histoire n’est pas ce qui compte. L’important, ce qui nous touche le plus, c’est la radicalité. Le film doit être beau, dense, relier l’individu à soi. Quand je programme, ce qui compte, c’est l’expérience vécue, le fait que le film me fasse réfléchir sur le monde.

Qu’est-ce qui a changé en 10 ans de programmation ?

Pour moi, il y a une vraie césure avec les années 90. Aujourd’hui, il y a une multitude de possibles. Le niveau technique, la forme, les partis pris par les réalisateurs ont été très intéressants à suivre. Quand j’ai commencé dans les années 90 à Buenos Aires et à Hambourg, on tournait seulement en 16 mm. Quand je regarde les travaux d’aujourd’hui, le niveau des courts s’est vraiment amélioré de manière générale.

Il y a 10 ans, quand je programmais, j’étais souvent à la recherche d’histoires et de points de vue féminins, mais il me manquait toujours quelque chose.

Le court métrage peut offrir plusieurs perspectives. Il faut se montrer plus consistant que dans le long-métrage, savoir pourquoi on raconte telle histoire et de telle manière. C’est très facile d’une certaine manière via les courts de toucher les gens avec des histoires personnelles, mais comment faire la différence ? J’aime bien l’idée de l’essai, de la liberté qui s’en dégage, des personnes ouvertes d’esprit. Je cherche des auteurs qui développent vraiment une écriture contemporaine. Jonathan Vinel [co-réalisateur de « Tant qu’il nous reste des fusils à pompes »,  Ours d’Or à Berlin 2014, en sélection cette année avec « Martin pleure »], par exemple, est différent, il est capable de parler de ses sentiments, et c’est quelque chose qui m’intéresse.

Quelle est la place du court-métrage à la Berlinale ?

C’est un festival de longs-métrages, incontestablement, mais on donne quand même des prix aux courts-métrages dont un Ours d’Or. Le directeur du festival, Dieter Kosslick, aime le court et me fait confiance en ce qui concerne la programmation. Plus de 1.000 personnes se déplacent aussi pendant le festival pour voir des courts, à raison de 3 séances par jour. Comme il est difficile en temps normal de les voir, les spectateurs se saisissent de l’opportunité de la Berlinale pour les découvrir.

Parallèlement à notre compétition, la section Génération accueille des films racontés dans une perspective d’enfant. Nous avons de très bonnes relations avec les sélectionneurs et leur recommandons parfois des films qui ne correspondent pas à notre ligne mais qui pourraient trouver une place chez eux.

La Berlinale fait partie des festivals de type A. Les mêmes règles s’appliquent pour le court-métrage que pour le long-métrage : les films font leur première internationale chez vous. Qu’est-ce que ça implique comme responsabilité ?

Je reçois beaucoup de films. J’en prends peu. Je sais que j’endosse une responsabilité en ne programmant qu’une variété restreinte d’idées. J’aime bien prendre des risques en termes de programmation en sachant que les films bénéficieront de la visibilité du festival et attireront l’attention d’autres programmateurs qui les sélectionneront peut-être après. Un film bon, c’est un film que je ressens. Parfois, je ne suis pas d’accord sur certains films. On discute beaucoup avec mes collègues autour de la forme, de la morale. Qu’est-ce qu’on veut montrer et qu’est-ce qu’on ne veut pas montrer à la Berlinale ? C’est là que se situe tout l’enjeu de notre travail.

Propos recueillis par Katia Bayer

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