Divines d’Houda Benyamina

Depuis le 3 janvier dernier, Diaphana propose une édition de « Divines » d’Houda Benyamina, avec de nombreux bonus. Le DVD donne accès à des entretiens avec l’équipe, aux scènes coupées et au dessous du tournages jusqu’à la consécration cannoise avec le prix de la Caméra d’or.

« Divines », récompensé aux Cesar dans les catégories Meilleur premier film, Meilleur espoir féminin (Oulaya Amamra) et Meilleure actrice dans un second rôle (Déborah Lukumuena), met en avant l’histoire de Dounia, une jeune femme à la recherche de pouvoir et de réussite. Dans un ghetto où se côtoient trafics et religions, elle décide, avec sa meilleure amie Manouna, de suivre les traces de Rebecca, une dealeuse respectée. Toutefois, sa rencontre avec Djigui, un jeune danseur, va bouleverser son quotidien.

Pour son premier long-métrage, Houda Benyamina livre une vision neuve et singulière de la cité en se débarrassant de tous les clichés que l’on retrouve dans certains films plus récents. Elle n’hésite pas a utiliser certaines originalités filmiques qui sont propres à la jeunesse d’aujourd’hui, comme des vidéos tournées à partir d’un téléphone, pour illustrer l’amitié entre les deux adolescentes, qui est la force du film. Cette fresque sociale met en avant la misère collective et cette envie de réussite qui ne passe qu’à travers l’argent et la reconnaissance, propre à une partie de la jeunesse actuelle.

Le DVD propose différents entretiens avec les membres de l’équipe technique et la réalisatrice, qui permet au spectateur de comprendre plus en détails la construction du film. 
Par exemple, Romain Compingt le scénariste, explique sa rencontre avec Houda Benyamina. Ils avaient tous les deux ce désir d’universalité dans l’écriture, avec une volonté de mettre en avant des enjeux thématiques comme le sens du sacré, la politique et la notion de beauté. Le personnage de Dounia est en quête de sa dignité et de la beauté à l’état brut. Cette beauté, elle la retrouve dans le corps du danseur qu’elle rencontre, qui est parfait dans ses gestes et incarne d’une certaine manière le sacré.

De plus, le making-of du DVD, « Du tournage à la consécration cannoise » permet de plonger le spectateur dans les dessous du film. On y observe toute la direction d’acteur d’Houda Benyamina dirigeant sa soeur, Oulaya Amamra (nommée aux Cesar en tant que Meilleur espoir feminin), qui incarne Dounia, dans une envie d’obtenir le meilleur dans chaque prise.

Par ailleurs, la sortie DVD de ce premier long-métrage, nous permet de revenir sur le travail d’Houda Benyamina, en s’intéressant à ses deux précédents courts-métrages : « Ma poubelle géante » et « Sur la route du paradis » (projeté en novembre 2012 dans le cadre de nos séances mensuelles, en présence de la réalisatrice).

« Ma poubelle géante » réalisé en 2008, raconte l’histoire de Yazid Belkacem qui rentre chez sa mère, à son retour du Japon, sûr de décrocher une bonne place. Mais de désillusion en désillusion, Yazid s’englue dans la cité de son enfance, sa « poubelle géante », happé par une famille déjantée et des jobs bidons.

On retrouve l’univers de la cité et cette idée de dénoncer l’impuissance aux jeunes pour s’en sortir socialement. Houda Benyamina arrive à sortir le meilleur de ses acteurs : Mounir Margoum qui interprète Yazid, montre bien la désillusion de la jeunesse française. Comment trouver un emploi lorsque la société ne donne pas les moyens d’en avoir un ?

« Sur la route du paradis », réalisé en 2011 et présélectionné aux César 2013, raconte l’histoire de Leila et ses deux enfants, Sarah et Bilal, qui ont quitté leur terre natale afin de s’installer en France. Sans papiers, et à la recherche de son mari réfugié en Angleterre, Leila, qui souhaite offrir à ses enfants une vie meilleure, tente de survivre et d’élever ses enfants dans la clandestinité. Alors qu’elle retrouve enfin la trace de son époux et dispose de l’argent nécessaire pour le rejoindre, leur vie se complique : la police est à leur recherche et le père ne répond plus à leurs appels.

Le personnage de la mère (Majdouline Idrissi) et de l’oncle travesti (Mounir Margoum), les deux personnages forts du court-métrage, sont présents dans le long-métrage « Divines ». Ils représentent le monde des adultes, un monde violent et sans pitié.

Contraints de vivre dans un bidonville entre le périphérique et les tours, ils peinent à s’en sortir entre le travail et les enfants. Houda Benyamina livre sa vision politique et sociale des conditions de vie dans l’agglomération parisienne. La jeunesse est invisible aux yeux de la société : il y a un manque de travail, un manque de logements et d’aides dans les cités. Ces jeunes malmenés par la vie, cherchent une reconnaissance individuelle, mais aussi dans la communauté. Ils visent un idéal de vie qui tourne autour de l’argent et de la popularité : par exemple, Dounia se met à travailler pour une dealeuse. La force des personnages vient de leurs familles et de leurs cercles d’amis qui les soutiennent et essayent de s’en sortir aussi. Une vision de la réalité sociale actuelle, qui se concrétisera avec la réalisation de « Divines ». De plus, on retrouve dans les trois films d’Houda Benyamina, un univers personnel, notamment cette justesse dans l’écriture. Elle recherche un réalisme dans la fiction et connaît le milieu où elle fait évoluer ses personnages. La volonté d’aller au bout de toutes les possibilités narratives de la mise en scène, fait de Houda Benyamina, une cinéaste à part entière, qui apporte un renouveau intéressant au cinéma français.

Lila Toupart

Divines d’Houda Benyamina. Edition Diaphana. Films, entretiens & bonus

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