Keeper de Guillaume Senez

Il y a quelques temps sur Format Court, on vous faisait découvrir Guillaume Senez, un jeune réalisateur belge, l’une des promesses de sa génération. On l’avait rencontré et on avait apprécié ses courts métrages pour leurs sujets audacieux, leur mise en scène réaliste et leur direction d’acteurs particulièrement originale. Un ensemble qui trouve, selon nous, son paroxysme dans « U.H.T », un très beau court métrage sur un couple d’agriculteurs confronté aux difficultés du métier.

Avec « Keeper », son premier long-métrage sorti en 2015,  édité en DVD chez Blaq Out, et ayant obtenu son lot de récompenses et appréciations dans divers festivals de part le monde et nominé aux Magritte du cinéma 2017 (récompenses du cinéma belge) dans pas moins de sept catégories dont celle du “Meilleur film”, Guillaume Senez reprend un thème qui lui est cher, celui de l’adolescence. Après avoir approché la question du suicide chez les jeunes (« La Quadrature du cercle ») ou celle de la relation père-fils (« Dans nos veines »), il aborde ici l’hypothèse des “ados-parents”.

Maxime et Mélanie s’aiment passionnément comme on peut s’aimer à 15 ans. Certes, ils ne sont pas les premiers et ne seront pas les derniers. Sauf qu’ici, Mélanie tombe enceinte et par un subtil jeu de “pile ou face”, ils décident de garder l’enfant. Car après tout, n’est-ce pas l’unique “chose” qu’ils ont faite ensemble.

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Senez aime l’idée de mettre en scène une situation exceptionnelle au sein d’une réalité banale. Le propos du film n’est certainement pas de juger le fait d’être parent tôt ou encore celui d’avorter ou pas mais plutôt de poser les questions de la responsabilité sans nécessairement apporter de réponses toutes faites. Son mérite est de prendre le point de vue de Maxime qui, du haut de ses 15 ans, veut garder le bébé et d’y confronter le regard de la société au travers de personnages secondaires archétypaux: la mère de Mélanie veut qu’elle avorte pour ne pas qu’elle fasse la même “connerie” qu’elle avec Mélanie: être mère trop jeune et se retrouver à devoir endosser de grandes responsabilités trop tôt, la mère de Maxime accepte la situation, le père qui a été absent tente de se rattraper par le biais du football. Sport qui cristallise cette relation père-fils et qui donne un sens à l’adolescence de Maxime.

La maîtrise rencontrée dans « U.H.T » trouve néanmoins ici ses limites dans « Keeper » et l’on peut regretter une mise en scène moins probante. Les personnages déploient leurs palettes plus ou moins variée dans un ensemble de scènes qui, selon nous, s’éloignent quelque peu de la justesse de ton tant appréciée auparavant. Et pourtant ce n’est pas faute d’avoir essayé. On peut effectivement admirer la performance sans faille de Maxime (Kacey Mottet Klein, remarqué dans les films de Ursula Meier dont l’excellent court métrage documentaire « Naissance d’un acteur » ) et de Catherine Salée. Devenue l’actrice fétiche de Senez, celle-ci est une habituée des courts métrages belges qu’on a également pu apercevoir dans « La Vie d’Adèle » de Abdellatif Kechiche.

Et pour les amateurs, sur le DVD édité par Blaq Out, on peut découvrir les débuts du réalisateur belge grâce à deux de ses courts métrages « Dans nos veines » et  « U.H.T ». On l’a dit plus haut, « Dans nos veines » traite de la relation père-fils. Il serait en quelque sorte le pendant court de « Keeper » puisqu’il aborde également la future paternité d’un jeune ado si ce n’est que s’ajoute ici la question de l’hérédité. Le jeune Lionel, se demande s’il sera aussi violent avec son fils comme son père l’a été avec lui. Jouant subtilement sur les non-dits et les hors-champs, Senez arrive à nous interpeller avant son long sur une question cruciale.

Marie Bergeret

« Keeper » de Guillaume Senez. DVD, entretien avec le réalisateur, scènes coupées & courts-métrages. Edition : Blaq Out

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