La Nuit américaine d’Angélique de Joris Clerté et Pierre-Emmanuel Lyet

Un lent fondu du gris au noir, des taches blanches, quelques murmures et accords à la guitare ouvrent « La Nuit américaine d’Angélique », sélectionné en compétition nationale à Clermont-Ferrand cette année. C’est un peu comme si les réalisateurs Joris Clerté et Pierre-Emmanuel Lyet étalaient leurs ingrédients bruts sur un plan de travail avant de préparer une recette.

Dans ce film d’animation de 7’30″, la recette est élaborée et complexe. Suivant le ressenti d’Angélique, devenue scripte après avoir vu « La Nuit américaine » de François Truffaut, les concepts s’enchainent. Le film est une adaptation d’un des récits de l’ouvrage d’Olivia Rosenthal, Ils ne sont pour rien dans mes larmes, paru en 2012 aux éditions Verticales. Reprenant la recherche de l’écrivain sur la réalité sensible et intime du cinéma, le film donne à ce récit une forme… de cinéma justement.

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« Le cinéma amplifie la puissance des drames humains en les redoublant », écrit Olivia Rosenthal. On trouve dans « La Nuit américaine d’Angélique » un dispositif de récit appelant un film, celui de Truffaut, mais le transmettant par un autre, celui de Clerté et Lyet. Alors que l’exercice pourrait donc paraître doublement tautologique, il permet, au contraire, par la limpidité du parcours du récit, de se concentrer sur l’indicible et le sensible.

L’indicible s’exprime ici grâce à une animation minimaliste, un retour à l’une des premières projections, celle des ombres chinoises tout autant que par la présence de l’écran dans l’écran et par la belle voix off de Louise Bourgoin.


Angélique inscrit le souvenir du personnage de la scripte du film de François Truffaut dans son histoire personnelle. Tout au long de son récit, elle donne ses raisons d’aimer le cinéma plus que la vie. Dépassant la simple mécanique d’appropriation d’un film, « La Nuit américaine d’Angélique » réussit à recouper les réflexions de tout cinéphile et au-delà, de tout spectateur ayant eu un film qui l’a un jour influencé dans sa vie.

Dans une scène importante de « La Nuit américaine », Truffaut fait dire à son personnage que « les films avancent comme des trains dans la nuit. » La phrase est au cœur de sa discorde avec Godard, comme on a pu le voir dans le documentaire d’Antoine De Baecque « Deux de la vague ». On peut dire aujourd’hui, qu’avec le film de Clerté et Lyet, le train a trouvé son phare.

Georges Coste

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