The Life and Death of Henry Darger de Bertrand Mandico

Quel peut bien être le résultat lorsqu’un réalisateur audacieux décide de réaliser un film en une journée, dans un pays et dans une langue qui lui sont étrangers? « The Life and Death of Henry Darger », c’est un peu tout cela à la fois.

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Bien embêté à l’idée d’écrire un scénario pour une histoire se déroulant en Islande, un pays qu’il ne connaît pas, Bertrand Mandico a décidé de guetter ses rêves, une méthode qui est ici plutôt efficace. À la manière des surréalistes, le réalisateur s’inspire de ses apparitions nocturnes et fait le choix de réaliser « The Life and Death of Henry Darger », sa première auto-production, sur une courte durée, presque comme s’il s’agissait d’une écriture automatique, laissant libre cours à la rêverie, aux pulsions et aux fantasmes.

Cet objet étrange s’ouvre sur des plans de fesses battues à coups de plumes, dans un montage en alternance avec des plans d’un homme errant sur une route déserte, plans si courts qu’ils pourraient passer pour des images subliminales, extraits de pensées et de rêves que l’on oserait à peine dévoiler. Henry Darger, ce vieil homme au visage profondément marqué et au regard tendre, se déplace lentement sur les routes d’un pays hostile. Vent qui souffle, neige qui vole et isolation suprême révèlent une Islande proche d’un no man’s land peu accueillant et loin des cartes postales, un choix revendiqué par Bertrand Mandico.

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Au bout du chemin se trouve une maison bleue dans laquelle se trouve une femme bleue. Henry Darger vient à sa rencontre afin de savoir combien de temps il lui reste à vivre. L’inquiétante femme soulève sa robe pour qu’Henry Darger puisse apercevoir son destin. Ce n’est pas son sexe que l’on découvre alors mais des ailes d’oiseau qui se déploient en même temps que les cuisses de la voyante. Plumage et nudité du corps humain s’entremêlent et interpellent, comme dans ces plans d’ouverture un brin frivoles. À la question posée, la voyante répond : « Deux heures » . Tel un oiseau, l’homme au crépuscule de sa vie s’apprête à prendre son envol et partage son dernier vœu avec l’ange de la mort, dans une une ultime danse. Henry Darger dansera donc toute la nuit sur les routes, en état de transe.

La voix-off nous raconte l’histoire de cet homme comme s’il s’agissait d’une légende oubliée ou d’une fable. Le souffle permanent du vent et ce voile blanc transparent qui, balancé par le vent, s’interpose entre l’objectif de la caméra et l’objet filmé, participent à créer une atmosphère mystérieuse propre au rêve, et véhiculent une impression de mirage, instaurant une distance avec le réel. Le fantasmagorique et le poétique caractérisent ce film pourtant simple, sans effets spéciaux particuliers. Lorsque l’homme et la femme dansent, la caméra danse avec eux et le voile recouvre subtilement l’image, afin de ne nous laisser entrevoir la beauté mêlée à la simplicité.

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Malgré le peu de temps imparti pour le tournage du film, rien n’est laissé au hasard. Bertrand Mandico a utilisé de la pellicule couleur pour les intérieurs et de la pellicule noir et blanc pour les extérieurs, afin de se concentrer sur l’essentiel et de ne pas se dissiper en filmant les paysages islandais. Ce n’est pas le lieu où nous sommes qui compte mais l’endroit où nous allons, ou peut-être même la façon dont nous nous y rendons. Henry Darger, lui, a fait le choix d’avancer vers la mort en dansant.

La maison qui a servi de décor au film était celle d’un peintre qui peignait des femmes bleues, esprits par lesquels il était visité et qui lui inspiraient ses tableaux. « The Life and Death of Henry Darger » est donc né de la rencontre posthume de deux esprits rêveurs, ceux d’un peintre et d’un cinéaste, tous deux habités par des images oniriques.

Agathe Demanneville

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