Tempête dans une chambre à coucher ou quand l’animation se lâche !

C’est au Festival National du Film d’Animation de Bruz que Juliette Marchand, l’une des réalisatrices de « Tempête dans une chambre à coucher »,  nous a livré ses secrets de fabrication. Après des études à l’ENSAD, elle nous livre ici son troisième film d’animation en tant que réalisatrice. Alors qu’un vent frais et humide souffle sur la région bretonne, c’est dans la chambre à coucher du couple Cleveland, personnages du film de marionnettes animées de Juliette Marchand et Laurence Arcadias, que la véritable tempête a lieu.

Suzan et Duayne Cleveland, couple branché d’une banlieue chic des Etats-Unis, ont apparemment tout pour être heureux : une belle maison, une belle voiture et une belle garde-robe. Pourtant, il apparaît dès le début que leur vie sexuelle est sur le déclin. Les deux réalisatrices de « Tempête dans une chambre à coucher », film déconseillé aux moins de seize ans, ne font pas les choses à moitié : afin d’être sûres que tout le monde a compris, la première scène du film introduit le couple dans la fameuse chambre à coucher où souffle non pas un vent chaud mais un calme plat à mourir d’ennui, et cela malgré le costume coquin qu’arbore Suzan, et le film pornographique qui défile sur l’écran de télévision.

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Pour faire face à cette impasse, le couple décide de s’offrir un voyage dans le désert afin de mettre du piquant dans leur relation. Du piquant, Consuela, sorte de cliché de la femme de ménage mexicaine qui garde la maison des Cleveland en leur absence, elle, n’en manque pas ! Lorsqu’elle entre dans la chambre du couple, elle ne peut résister à l’envie d’essayer les vêtements sexys et luxueux de Suzan. Elle se met alors à danser et à se trémousser devant le miroir tandis que le plombier, qui passait par là, se rince l’œil. Commence alors une aventure torride entre le couple d’employés de maison qui vont se livrer à divers jeux sexuels. D’une situation cocasse à l’autre, le film de Juliette Marchand et Laurence Arcadias nous fait sourire et, avouons-le, nous émoustille quelque peu.

Pendant ce temps, les Cleveland parcourent les paysages désertiques d’un Ouest américain fantasmé, dont la sécheresse ne fait que renvoyer à la nature même de leur relation. La chaleur et l’exotisme du paysage ne parviendront pas à réchauffer le couple, tandis que même les cactus perdent leurs piquants et s’écroulent sous le passage de la voiture. Image plus qu’évocatrice, la subtilité n’est pas toujours de mise pour révéler la frustration sexuelle d’une Amérique puritaine, et plus particulièrement des habitants d’une banlieue chic aux aspects convenus. Les oppositions sont claires : le géométrisme froid de la maison des Cleveland s’oppose à l’effervescence de couleurs du quartier mexicain dans lequel demeure Consuela ainsi qu’aux courbes et à la chaleur des paysages de l’Ouest américain. Ces décors, constitués de maquettes ainsi que de photos agrandies et mises bout à bout, sont directement inspirés du voyage de Juliette Marchand et Laurence Arcadias aux Etats-Unis.

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Après une résidence à Baltimore, où Laurence Arcadias enseigne au département Animation du Maryland Institute College of Art, les deux réalisatrices se sont entourées d’une équipe d’animateurs, d’acteurs, et de compositeurs afin de concrétiser ce petit film coquin. La conception des marionnettes de « Tempête dans une chambre à coucher » s’est étalée sur plus d’un an. Il a fallu trouver les bonnes matières afin de permettre une liberté de mouvement des personnages. En effet, si on veut s’amuser avec le genre pornographique, il faut bien permettre aux personnages de se déhancher et aux corps de tissu de s’exprimer.

Lorsque l’on manipule les marionnettes que Juliette Marchand a apporté, on découvre qu’elles ont, pour office de bouche et d’yeux, de simples croix qui servent de repères. Ce sont des acteurs, filmés au préalable, qui ont prêté leurs yeux et leur bouche aux marionnettes, et dont les expressions du visage ont été fusionnées par ordinateur, permettant ainsi de donner une réelle expressivité aux personnages. Il est évident, lorsqu’on écoute Juliette Marchand, que les deux réalisatrices ont pris un malin plaisir à faire un film d’animation pornographique avec des marionnettes (mais du porno « soft » tout de même), et que leur projet plein de malice est à la fois un clin d’œil et un regard nostalgique vers l’Amérique.

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Réalisé en France, le film est emprunt d’une imagerie proprement américaine. Il réinvestit cette image du suburb typiquement américain où règne uniformité et conformisme, un ensemble fait, littéralement ici, de boîtes en cartons collées les unes aux autres et peuplées de couples frustrés, grands consommateurs de Prozac, ces petites « pilules du bonheur » auquel il est fait référence ici. Ces banlieusards, c’est ceux que l’on a pu voir dans des films au propos virulent comme « American Beauty » ou « Little Children », qui explorent le mal-être d’une Amérique en mal de rêve et d’émotions intenses. Cependant, « Tempête dans une chambre à coucher » est un film plus léger, drôle et ironique, peut-être parce qu’il dépasse les limites de la comédie dramatique. Il joue avec les codes de la comédie romantique et pousse les limites jusqu’à la pornographie. Tout cela agrémenté d’une musique d’ascenseur qui accompagne les personnages dans leurs mouvements et leurs fantasmes, de cris, de gémissements, et de gloussements, qui rappellent au spectateur que le plaisir n’est pas loin, il suffit de savoir, comme Consuela, saisir l’instant.

Agathe Demanneville

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3 thoughts on “Tempête dans une chambre à coucher ou quand l’animation se lâche !”

  1. un bon ramassis de cliches ,il est triste de voir a quel point le cinema français ne se renouvelle absolument pas.
    Sans parler de la question raciale , bien entendu les personnages de couleurs sont forcements de bêtes sexuelles
    c’est triste

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