Philipp de Fabian Möhrke

Sous le soleil printanier de Brive, Fabian Möhrke parle de sa fille de deux ans en confiant : « J’espère que j’arriverai au point où je laisserai ma fille me voir comme un con », constat clairvoyant de l’impossible relation fusionnelle ado-parents pourtant souvent fantasmée dont le réalisateur allemand s’est emparé avec maestria pour son film présenté en compétition lors du Festival corrézien. « Philipp » n’aura pas volé son prix du public au Festival de Brive. Également récompensé cette année à Angers, ce moyen métrage impressionne immédiatement par la maîtrise narrative et l’acuité de son jeune auteur qui réalise là son film de fin d’études.

2010 aura été une année riche en portraits adolescents, l’âge cinématographique roi. On se souvient entre autres du documentaire musical d’Antoine Parouty « Des rêves pour l’hiver », de l’amour estival du « Bel été » de Catherine Paillé, de l’âge ingrat décrit dans « Aglaée » de Rudi Rosenberg ou même du désir impossible avec « La dame au chien » de Damien Manivel. Pourtant peu de films courts réussissent à capter aussi frontalement la complexité de l’adolescence comme le fait « Philipp ».

Du haut de ses quinze ans, Philipp arbore tous les stéréotypes de l’adolescent européen, des caractéristiques physiques (la mèche dans les yeux, le jean slim, la peau boutonneuse) au comportement tour à tour mutique et sarcastique. Tout y est sauf les clichés. L’heureux twist du film vient de la description du noyau parental et notamment du père qui se comporte plus comme un copain qu’une figure autoritaire dans une tentative de partage et de compréhension factice de son fils. Dans ce qui semble une course vouée à l’échec vers une jeunesse retrouvée, Bernd joue au père cool et blagueur, compréhensif et jamais répressif se refusant à être mal vu par sa progéniture. Même lorsque Philipp vole de l’argent dans sa veste, il lui propose en retour d’augmenter son argent de poche avant d’engager la conversation sur les expériences sexuelles de son fils. La maison familiale située au bord d’un lac et protégée par les bois- sorte d’endroit rêvé pour des vacances- devient vite une zone anxiogène et de non-dits. La fête d’anniversaire de Philipp dont l’organisation introduit le film tourne court lorsque ce dernier gifle sa petite amie devant l’assemblée médusée.

Dans un plan séquence final glaçant où Philipp se jette sous un train, Fabian Möhrke clôt son film de la même façon que son héros, dans le silence, sans explications ni pathos.

Amaury Augé

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