Thomas Rosso : « Pensez tout de suite à l’Europe ! »

Responsable de l’édition DVD chez Why Not Productions, Thomas Rosso a encadré le Village des Ecoles au festival des Arcs, un projet passerelle entre le monde protégé et replié des écoles et le monde inconnu et extérieur des professionnels, à destination des apprentis réalisateurs et producteurs européens. Entretien.

Pourquoi le festival a t-il eu envie de mettre les écoles de cinéma en avant ?

Dès le début du projet, les fondateurs ont eu envie qu’une partie du festival soit consacrée aux écoles de cinéma européennes. Une des spécificités de l’Europe est d’avoir un réseau très dense d’écoles où une bonne partie des professionnels ont été formés. Du coup, on a tout de suite essayé de réfléchir à un événement autour des écoles de cinéma qui ne serait pas juste un autre festival du film d’écoles. On voulait développer un lieu de travail et d’échange qui soit lié aux événements professionnels, notamment au Village des Coproductions, que le festival accueille.

On a eu envie d’inviter des élèves ou d’anciens élèves récemment diplômés des grandes écoles de cinéma européennes pour qu’ils rencontrent aux Arcs des professionnels plus chevronnés, pour qu’ils leur montrent les films qu’ils ont réalisés et leurs projets peut-être déjà écrits, en cours d’écriture, de développement ou de financement. L’idée, c’est qu’ils pensent tout de suite à l’Europe, qu’il envisage une optique européenne plutôt qu’une optique nationale -souvent celle des écoles de cinémas.

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Vous invitez des réalisateurs mais aussi des producteurs issus de ces écoles. Pour quelles raisons ?

Il se trouve que je viens de la production. En travaillant à la Fémis, j’avais remarqué que c’étaient toujours les réalisateurs qui étaient invités dans les festivals, mis en avant, et primés, alors que les producteurs, censés avoir de l’argent, étaient obligés de se payer leurs billets de train et de dormir sur les canapés ! Comme ce sont de jeunes producteurs qui ne sont souvent pas encore producteurs au sens exact, qui n’ont souvent pas encore de société, qui sont encore en formation, ils n’ont pas encore tous les attributs qu’on peut imaginer d’un producteur c’est-à-dire justement l’argent.

L’intérêt de ces gens, en venant aux Arcs, c’est de rencontrer un certain nombre de distributeurs européens, d’agents, de vendeurs internationaux, de fonds régionaux, d’institutionnels, de mécanismes d’aides, de sources de financement, … Comme le festival est petit et qu’on est tous logé au même endroit pendant une semaine, ils vont avoir des rendez-vous avec des gens importants et les recroiser sur un télésiège, au dîner, au bar, …. Tout de suite, un autre rapport va se mettre en place et des liens vont se nouer.

Le Village des écoles regroupe la Fémis, la London Film School, l’Académie de Cinéma et d’Art Dramatique de Budapest et l’École nationale du Film Danois. Comment se fait-il que ces quatre écoles soient liées alors qu’il y a énormément d’écoles de cinéma et parfois plusieurs dans leurs pays respectifs ?

De plus en plus d’échanges, de programmes dans les festivals ou les écoles se mettent en place. En ce qui concerne les Arcs, on accueille cette année le Low Budget Film Forum qui est un programme existant depuis trois ans dans plusieurs pays partenaires et qui regroupe ces quatre écoles-là. On ne les a pas choisies, mais on a choisi le programme en lui-même, notamment parce que les écoles nous intéressaient.

Vous pourriez vous ouvrir à d’autres établissements ?

Oui. Je pense que l’année prochaine, on va essayer de faire quelque chose de plus large avec plus d’écoles. Pour l’instant, on expérimente tout un tas de choses, on accumule de l’expérience, on se nourrit les uns les autres.

Vous proposez un certain nombre de courts au Village des Ecoles. Ce ne sont évidemment pas tous les films de ces quatre formations. La sélection s’est-elle faite dans les écoles ?

Oui, chaque école a sélectionné entre deux et quatre projets, plutôt sur les longs que sur les courts.

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Cette année, vous avez noué un partenariat avec Dailymotion. Pourquoi avoir mis des films d’étudiants en ligne et donné la possibilité aux gens qui n’y ont pas accès de les voir ?

Les films d’écoles sont surtout vus par des gens qui sont intéressés par le court métrage. L’idée avec Dailymotion, c’était d’ouvrir cet accès au grand public. De plus, la qualité de l’image s’est révélée hallucinante, du coup, on a eu envie de profiter de ce média-là, de relayer quelque peu le travail de ces écoles sur Dailymotion.

Mais en même temps, toutes les écoles ne jouent pas le jeu d’Internet. Aucun film de la Fémis se trouve sur Dailymotion…

Je pense que c’est lié aux conditions; il y a un an, on n’avait pas la même qualité de visionnage sur Dailymotion que maintenant. Par ailleurs, il y a un problème de droits. Les écoles ne négocient pas forcément les mêmes droits notamment au niveau de la musique, et dans une école publique comme la Fémis, on prend très au sérieux les règles de la profession donc c’est aux élèves de négocier les droits. Et quand il s’agit de le faire avec Universal pour un court, ce n’est juste pas possible !

Il y a encore peu de courts métrages aux Arcs. Pourquoi ne bénéficient-ils pas d’une compétition pareille à celle des longs métrages ?

Le court est présent dans le panorama, dans les films d’écoles, mais n’est effectivement pas mis en avant comme le long. Nous en sommes juste à la deuxième édition du festival et une compétition de courts représente autant de travail qu’une compétition de longs sauf qu’en termes de visibilité et de rapport aux professionnels, ce n’est pas pareil. On essaye de fonctionner par étapes, et j’espère qu’il y aura plus de courts métrages dans les prochaines éditions. Le problème : ça prend deux minutes d’avoir une idée mais des mois de travail pour la concrétiser  !

Propos recueillis par Katia Bayer

Article associé : Le reportage sur le Village des Ecoles : Territoire(s) européen(s)

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