Danse Macabre de Pedro Pires

« Requiem pour une déesse chaste »

Un alignement de lave-mains émaillés, un long couloir obscur, le plafond d’une église baroque, des fragments d’espaces vides, un vol de pigeons, et une lumière matinale laissant apercevoir les derniers instants d’une jeune femme suicidaire articulent le début de « Danse Macabre ». Sélectionné au Festival de Namur et primé pour la meilleure image au Festival de Lille, le film expérimental de Pedro Pires explore le subtil passage de l’être charnel à l’être spirituel.

Sarabande d’origine médiévale, la danse macabre emmène dans sa folle farandole aussi bien le riche que le pauvre, devenus égaux devant la grande faucheuse. Thème repris au 19ème siècle en poésie (Cazalis, Baudelaire) et en musique (opéra de Saint-Saens), la mort y est perçue de façon joyeuse et positive. Dans le film de Pedro Pires, celle-ci n’est pas qu’enjolivée, elle est est littéralement sublimée.

Véritable poème audio-visuel, cette réalisation canadienne se présente comme une oraison funèbre chorégraphiée. Parmi des moments figés, le corps, hideux tas de chair et d’os, se transforme, se meut pour s’offrir à la lumière. Baignée dans le clair-obscur, « Danse Macabre » use de contrastes allégoriques : face à l’inertie de la matière répond la cadence du cadavre exquis, face à la froideur clinique du vide répond la chaude harmonie de l’âme.

Dans son œuvre, Pedro Pires établit une relation au corps à la fois sensuelle et distanciée. Il décortique le rite funéraire en s’appuyant sur la métamorphose de la chair adulée de son vivant et réduite en cendres après sa mort. Ce passage délicat vers l’abstraction est étiré à l’extrême et les images assemblées les unes aux autres forment un contenu narratif au style éthéré. Esthétisés à leur comble, les plans montés soigneusement, agissent comme des arrêts sur images où chaque détail amplifié met en évidence la délicatesse des choses et la fugacité du temps.

À la lisière du cinéma et de la danse, ce ballet posthume interprété majestueusement par la chorégraphe Anne Bruce Falconer, avance doucement sur l’air du Casta Diva de Bellini. Le timbre cristallin de La Callas magnifie la décomposition du corps en mouvement, la rendant légère et terriblement romantique. Mêlant volupté profane et spiritualité religieuse, le court métrage de Pires se regarde et s’interprète comme une ode à la vie et comme un hymne à la mort.

Marie Bergeret

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