Aliocha Schneider : « Je cherche la vie dans l’image »

Aliocha Schneider, au casting de Family Therapy de Sonja Prosenc, présenté au Jeu de Paume fin août dans le cadre de nos rendez-vous « Format Court/Formats Longs », pioche tour à tour du côté du jeu, de la chanson, du mannequinat et de la réalisation. Du court-métrage qu’il tourne à 17 ans à ses clips où il s’implique derrière la caméra, en passant par ses albums nourris de folk et de pop, il construit une œuvre plurielle, où l’authenticité occupe une place importante. Rencontre avec un artiste qui voit ses créations comme des instantanés de vie, des étapes de parcours.

© Nyllschs

Format Court ; Tu as réalisé ton premier court-métrage à seulement 17 ans. Qu’est-ce qui t’a poussé à te lancer ?

Aliocha Schneider : Le film s’appelait Nous irons ensemble, ça parlait de deuil. C’était très spontané. J’avais un groupe d’amis au Québec qui se lançait en même temps dans des projets. L’un d’eux, comédien, avait trouvé de jeunes producteurs grâce à l’école de cinéma l’INIS (Institut national de l’image et du son). J’étais impressionné par cette énergie et j’ai voulu suivre le mouvement. Avec très peu de moyens, on a fait un film et je l’ai envoyé en festival. Cette expérience m’a donné confiance pour la suite, notamment pour me lancer dans la musique. Je me suis rendu compte que j’étais capable de créer. A cet âge-là, on n’a pas d’expérience, mais on a de l’audace. Avec mes disques aussi, c’était ça, je me suit dit : « j’y vais ». Mon premier album est sorti quand j’avais 23 ans, je ne le ferais plus du tout comme ça aujourd’hui. Mais je suis heureux de l’avoir publié, car il représente une photographie de qui j’étais à ce moment-là, il correspond à un moment précis dans mon parcours artistique.

Cette idée de photographie, c’est une manière d’accepter l’imperfection ?

A.S. : Exactement. Un film ou un disque, c’est une trace. Bien sûr, on évolue et parfois on se dit qu’on aurait fait différemment. Mais je préfère voir ces œuvres comme un album photo. On tourne les pages avec nostalgie et on se dit : « ça, c’était moi à cet instant-là ».

Tu réalises souvent toi-même tes clips. Pourquoi ?

A.S. : Parce que j’ai une idée très claire de ce que je veux. J’ai réalisé aussi plusieurs clips avec mon petit frère, Vassili. Je pense que dans un clip, l’image doit avant tout servir la musique, pas l’inverse. Certains réalisateurs veulent imposer leurs images et relèguent la chanson à l’arrière-plan. Moi, je pars toujours de la musique : elle m’inspire des images précises.

J’ai vu que tu as collaboré avec Kristof Brandl qui a bossé sur Falcon Lake de Charlotte Le Bon…

A.S. : Oui, c’est un super chef opérateur. Il va travailler sur Dune 2, il a un talent incroyable. Pour mon premier clip, Sarah, j’ai travaillé avec quelqu’un d’autre, Jérémy Compte, qui a fait un court métrage génial que tu as probablement vu parce qu’il était aux Oscars à l’époque (Fauve), l’histoire d’un gamin qui s’enfonce dans le sable. Pour notre clip, on n’avait pas énormément d’argent, mais on a réussi à faire des trucs géniaux. On est parti à Los Angeles tourner dans le désert. C’était en plein hiver, on avait à la fois ces images mais aussi celles de champs enneigés à Montréal. On a aussi tourné dans un petit bar où des gens nous ont beaucoup aidés. Ça a été très chouette. Si je propose à un réalisateur le projet, j’ai envie de lui laisser toute la liberté.

Comment décrirais-tu ton univers ?

A.S. : J’aime la musique qui me fait du bien, qui m’apaise, qui fait appel à mon intériorité. Quand je parle de choses intérieures, j’ai peur de plomber donc, j’aime mettre du rythme. J’aime les belles mélodies. Je suis inspiré par la folk des années 60, Bob Dylan, Leonard Cohen, Simon et Garfunkel. Et je cherche la vie dans l’image. J’aime quand ça bouge, quand ça respire. J’ai toujours un appareil photo sur moi, et je capture ce qui me frappe sur le moment : un inconnu seul dans un café avec sa petite bière, une ambiance de rue, une lumière particulière.

Tu as commencé très jeune, comme acteur. Qu’est-ce qui reste de tes débuts dans les courts-métrages ?

A.S. : Beaucoup de souvenirs. À 14 ans, je me levais à 4 heures du matin pour rejoindre une équipe d’adultes sur un plateau. C’était souvent des tournages à la débrouille, où tout le monde mettait la main à la pâte, travaillait deux fois plus. Cette énergie, cette rage me plaisait. Je ne faisais pas la fine bouche, je prenais ce qui venait. Plus tard, en France, j’ai été frappé par la hiérarchie plus stricte des plateaux. Ce côté aventure me manque parfois.

Tu aimerais réaliser à nouveau un court aujourd’hui ?

A.S. : Oui, bien sûr. Mais ce n’est pas dans mes plans immédiats. Entre la musique, les tournées, la promo, c’est difficile de trouver le temps. Pourtant, j’aime cette liberté qu’offre le court : plus de risques, plus d’expérimentation.

Comment nourris-tu ton inspiration ?

A.S. : En allant au cinéma, au théâtre, en lisant… Mais aussi dans la vie quotidienne : marcher dans la rue, prendre le métro, tomber amoureux, avoir le cœur brisé. Il faut vivre entre deux vies, non ? Tout est matière à création.

Dans ce milieu où l’exposition est permanente, comment arrives-tu à te préserver ?

A.S. : En m’entourant de mes proches. Mon cercle, c’est ma famille, mes amis. Ils me stabilisent. Le reste, ça fait partie du jeu, mais je veille à ce que ça ne me détourne pas de l’essentiel. Il faut rester sincère, et ne pas croire qu’on est arrivé au bout. Malgré tout, ça reste tellement incertain. On ne sait pas ce qu’on va faire l’année prochaine, on peut se dire que tout va s’arrêter. Rien n’est jamais acquis dans ce métier.

Propos recueillis par Katia Bayer

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