Under Twilight de Jean-Gabriel Périot

Avec «  Under Twilight » (« Sous le crépuscule » en français), Jean-Gabriel Périot réalise en 2006 un film expérimental explosif où éclate son immense talent de monteur et de manipulateur d’images. Utilisant des archives de vues embarquées à bord de bombardiers américains de la Seconde Guerre mondiale, Périot exécute un travail sur la forme saisissant pour livrer un spectacle visuel qui transfigure des scènes de destruction guerrière dans une émotion confuse de fascination à la limite du surréalisme.

Le film démarre sur une image panoramique qui rogne sur les hauteurs et nous renvoie au format d’un certain cinéma américain tout en largeur. On y découvre dans un noir et blanc marqué par le temps, des bombardiers B17 prenant leur envol pour un lâcher de bombes en terres ennemies. Le traitement de l’image est puissant et bouleverse notre perception du réel. Périot mystifie le spectateur en appliquant à son montage un effet miroir qui reproduit la moitié de l’image en l’inversant verticalement. Dès lors, les machines de guerre aériennes se transmutent en monstres irréels et presque extra-terrestres qui déshumanisent leur objet, leur raison d’être et leur objectif. Sur cet effet s’ajoute un traitement en syncope qui inverse encore les pans du miroir image par image et contribue à un ressenti perturbé et chaotique mais dont la cadence et le rythme régulier confèrent à la scène un tempo implacable. Entre sons métalliques grinçants et grésillements entêtants, les bombes planent dans les cieux et se démultiplient dans un balai fantomatique ensorcelant pour s’abattre en explosant sur des sols géométriquement enflammés où semblent transparaître les figures apocalyptiques d’idoles démoniaques.

Jean-Gabriel Périot apparaît comme un cinéaste de la mémoire. Il aime manipuler l’Histoire pour en souligner l’horreur. « Under Twilight » fait partie de ces films coup de poing où l’on se trouve coincé entre l’esthétisme expérimental de la forme et la monstruosité historique du fond. Dans « Under Twilight », la guerre devient une divagation visuelle hallucinatoire, comme un aveuglement qui nous laisse avec un goût amer et étrange d’hypnose morbide.

Xavier Gourdet

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