À l’occasion de la 16e édition du Festival de La Roche-Sur-Yon, Lettres à mon ami Yohei Yamakado depuis son pays natal, le nouveau court-métrage documentaire d’Olivier Cheval, diplômé aux Beaux-Arts de Paris et du Fresnoy, a été diffusé dans le cadre de la compétition “Nouvelles vagues”, qui laisse la place à quatre courts-métrages aux formes variées (fiction, documentaire, art et essai), parmi des longs-métrages. Format Court revient sur ce coup de cœur de la sélection.
« Cela fait presque dix ans que mon ami Yohei Yamakado, cinéaste et musicien, n’est pas retourné au Japon. Je suis allé au pays de son enfance avec une caméra 16 mm, pour lui donner des nouvelles de son pays, des lieux où il a vécu et des gens qu’il y a aimés. Le film est un carnet de voyage, un recueil de lettres, une enquête intime sur l’enfance et une ode à l’amitié. »
Tels sont les mots du réalisateur, qui nous entraîne, le temps de 25 minutes, dans un parcours à destinations multiples. Il s’agit d’abord du récit d’un voyage, chronique entre vie citadine japonaise constamment en mouvement, et quiète ruralité, paisible et verdoyante. Olivier Cheval capte ici l’anecdotique, ou plutôt les anecdotes, celles d’un autre, omniprésent en pensée, mais absent dans l’image. Entre les cadres fixes aux tons grisâtres dans le silence d’une chambre d’hôtel sans nom, et les douces saccades d’un train aérien en pleine ville, il nous lit des lettres adressées à son cher ami, lui contant son voyage dans son pays natal. Mais surtout, il lui redonne sa propre parole, de cet être silencieux, qui semble le guider à distance, dans les différentes étapes de son excursion.

Difficile de regarder ce portrait fantôme sans songer à News from home, de Chantal Akerman, où on retrouve un regard similaire sur l’effervescence urbaine, seulement ici à un autre bout du monde, et la citation des paroles d’une autre personne, proche et chère. Au fond, et le titre l’indiquant explicitement, le court-métrage est un récit qu’Olivier Cheval offre à son ami. En y mêlant les souvenirs de jeunesse de celui-ci, récits mythologiques et historiques, lieux anonymes et monument bouddhique, on est témoin ici d’un mouvement, d’un parcours de la mémoire, qui part de l’ordinaire, quelques commentaires sur l’arrivée du cinéaste au Japon, sur les endroits que son ami lui a conseillé de visiter ; pour ensuite évoluer vers un récit plus intime, dans sa région d’enfance, à la rencontre de spectres du passé, et de ceux qui demeurent.
Lettres à mon ami Yohei Yamakado depuis son pays natal est un récit d’une poésie douce, à la recherche de la mémoire première, et aussi, de l’essence des choses. En fin de parcours, ayant quitté la ville pour la campagne, nous voilà chez une ancienne connaissance de Yohei, un photographe marxiste-léniniste vivant dans une cabane au milieu de la forêt. Parmi les images éternelles d’un 16 mm convoquant l’hier et l’aujourd’hui, jusqu’alors oscillant entre mouvement et immobilité des instants de douce mélancolie, le cinéaste choisit pour la conclusion de son voyage la beauté simple des fleurs d’un cerisier, d’un paysage entre reliefs montagneux et lisseté d’un lac, de blancs nuages poussés par un léger vent rendant leur course presque imperceptible.
Ces choses simples, synthèse contemplative d’une quête entreprise par amitié, le cinéaste peut-être nous en donne la clé. Mais surtout, il nous accorde le temps et l’envie de voir, penser et rêver le monde et la mémoire, le temps d’un court voyage, tel un regard mélancolique qui s’attarde à une fenêtre, en attente d’y revenir.

