Hiver à Sokcho de Koya Kamura

Ce 8 mai, Diaphana Distribution sort en DVD Hiver à Sokcho, avec Bella Kim et Roschdy Zem. Sélectionné au Festival International du film de Toronto et au Festival de San Sebastian en 2024, le premier long-métrage du réalisateur franco-japonais Koya Kamura est tiré du roman du même nom de l’écrivaine Elisa Shua Dusapin. Format Court vous propose de remporter 3 exemplaires de ce DVD.

Le récit a lieu dans la ville balnéaire de Sokcho, en Corée du sud, où Soo-Ha, 23 ans, vit depuis toujours. Son quotidien monotone est bouleversé lorsqu’un dessinateur français, Yan Kerrand, débarque dans la petite pension où la jeune femme travaille. Cette rencontre se révèle être l’occasion pour elle de questionner sa propre identité, et enquêter sur son père français qu’elle n’a jamais connu.

Koya Kamura, juré au dernier Festival Format Court, explore le thème de la double culture et du déracinement dans un film extrêmement sensible et subtil. Restant au plus près du visage et des gestes de Soo-Ha, sa caméra capte le ressenti de la protagoniste par rapport à elle-même et aux gens qui l’entourent. L’acceptation de son propre corps et la fascination envers les autres occupe une place centrale dans le film : Soo-Ha observe les formes des femmes dans les bains, touche la peau de son petit ami, scrute les gestes impétueux de Yan Kerrand en train de dessiner… et dans l’une des plus belles scènes du film, elle se regarde dans un miroir terni par la vapeur, sur lequel apparaît progressivement son visage « imparfait » selon les standards de son pays, où l’injonction à la chirurgie esthétique est un phénomène très répandu.

Les émotions et les pensées de Soo-Ha sont aussi représentées par des scènes d’animation réalisées par Agnès Patron (à l’origine de L’heure de l’ours), qui ponctuent le récit. Ses dessins aux traits stylisés représentant le corps de la protagoniste, dansent et se déforment sur un fond noir, rappelant (en négatif) les illustrations à l’encre noir réalisées par le personnage de Kerrand. Ce dialogue entre animation et prise de vue réelles est très bien calibré, parvenant à surprendre le spectateur sans pourtant paraître forcé.

L’allusion à la scission des deux Corées fait écho dans le film au sentiment d’instabilité du personnage de Soo-Ha, qui est divisé entre deux patries : l’une connue, la Corée, et l’autre inconnue, la France. L’arrivée d’un étranger dans la pension, coïncide avec un moment de sa vie où elle se retrouve bloquée, sans savoir quoi faire de son avenir. Sa fascination pour Kerrand, réveille en elle une sorte d’énergie vitale, mais également la frustration liée au manque et au rejet, lorsqu’il refuse de manger les repas qu’elle prépare. Si Soo-Ha semble chercher dans Kerrand la figure du père qu’elle n’a jamais rencontré, la relation entre les deux personnages n’est jamais romancée. Il s’agit de deux personnes qui s’observent, le temps d’un hiver, sans jamais vraiment se trouver.

La force d’Hiver à Sokcho réside justement dans la fragilité de ce lien, incarné avec justesse par Roschdy Zem et Bella Kim, épatante dans son premier rôle de cinéma. À travers leurs regards, nous découvrons un endroit à la fois familier et exotique, chaleureux et glacial. Sokcho devient ainsi la métaphore de ce sentiment, parfois déroutant, parfois libérateur, de n’appartenir à aucun lieu.

Le DVD des éditions Diaphana propose plusieurs bonus : un making-of inédit où l’on apprend le processus de réalisation du film, des storyboards à la composition de la musique originale, des scènes coupées commentées par le monteur Antoine Flandre, un entretien avec Koya Kamura (lauréat 2022 de la Fondation Gan), ainsi que son premier court-métrage Homesick (sélection officielle aux César 2021).

Tourné au Japon, Homesick, sélectionné au Festival Format Court 2020, se déroule deux ans après la catastrophe nucléaire de Fukushima. Muni d’une combinaison anti-radiations, Murai se rend dans la « no-go zone » à la recherche de la balle de baseball de son fils Jun, qui le rejoint du passé. Pendant ses missions, il retrouve et rend à leurs propriétaires des objets perdus suite au tsunami.

Au premier abord, le paysage que Murai parcourt avec sa voiture a l’air anodin, mais en regardant de plus près, on y on aperçoit des détails surréels : un navire échoué et recouvert de lichens, une maison écrasée, une voiture renversée au côté de la rue… . Adoptant un style narratif qui rappel le cinéma de Kore-Eda, le réalisateur nous conduit progressivement dans un monde aux allures de science-fiction, et pourtant terriblement réel. La tragédie collective se mêle au drame intime du protagoniste, dont l’ambiguïté entre réalité et imaginaire donne lieu à des moments poétiques. Avec sa mise en scène envoutante, qui laisse place à l’émotion sans jamais tomber dans le pathos, Homesick prouve déjà le talent d’un cinéaste à suivre de près.

Margherita Gera

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