Maxime et Audrey Jean-Baptiste : « Le documentaire, c’est du cinéma avant tout »

Nommé aux César dans la catégorie « meilleur court-métrage documentaire », le film Ecoutez le battement de nos images réalisé par Audrey et Maxime Jean-Baptiste retrace grâce à un montage alliant images d’archives et différentes sources sonores (voix-off et musique) l’histoire de la construction de la base spatiale de Kourou en Guyane. Le film a d’ailleurs été produit par l’Observatoire de l’Espace, le laboratoire culture du CNES.

Ce documentaire au traitement singulier nous rappelle notamment les expropriations dramatiques qui ont eu lieu et nous emmène dans un voyage sensoriel à travers cette époque et ce lieu. À la veille de la cérémonie des César, nous avons rencontré dans un café du 18ème arrondissement de Paris, la sœur et le frère, Audrey et Maxime Jean-Baptiste. Ils évoquent entre autres la façon dont ce projet a vu le jour, leur processus de création et la représentation de la Guyane.

Format Court : Comment en êtes-vous arrivé au cinéma, à l’image ? Comment avez-vous eu l’envie de co-réaliser ce film ?

Maxime Jean-Baptiste : Je suis arrivé au cinéma par le biais de l’art. J’ai fait une école d’art. Après je voulais faire du cinéma depuis extrêmement longtemps parce que nos parents sont passionnés de cinéma et ils nous y ont emmené très souvent. Il y a un rapport qui s’est développé vite. J’ai fait plutôt des projets de films expérimentaux, qui pouvaient se lier parfois à la performance. Quand on a eu cette proposition de faire ce film par le biais d’un appel à projets du Centre National des Etudes Spatiales, on s’est demandé si on allait postuler à deux ou séparément. On a décidé de le faire ensemble. Dans nos travaux, on travaille sur des choses très similaires même si on les traite de manière complètement différente.

Audrey Jean-Baptiste : De mon côté, je viens des sciences sociales, j’ai fait des études d’anthropologie pendant cinq ans. Ensuite, j’ai fait une formation documentaire. Suite à ça, par un heureux hasard, à la fin de mes études, je me suis trouvée en Guyane pour un tournage. J’avais envie de faire du cinéma mais c’était trop tard pour faire une école parce que j’avais déjà fait six ans d’études, il fallait que je travaille. À la fin de mes études, je me trouve en Guyane et j’entends parler d’un énorme tournage, produit par Mandarin pour le cinéma. J’ai fait des pieds et des mains pour travailler sur ce film. J’ai accepté le poste qu’on me proposait à la régie. C’était ma découverte du plateau de cinéma. Suite à ça, comme l’expérience s’est très bien passé, il y a une partie de l’équipe qui m’a fait rencontrer d’autres techniciens. Je voulais faire de la mise en scène. De cette manière, j’ai rencontré une équipe d’assistants en mise en scène en France, dans l’Hexagone, avec qui j’ai fait de l’assistanat, qui m’a formé pendant quatre ans. Parallèlement à ça, j’ai commencé à me former à l’écriture de scénario de fiction à travers différents ateliers, notamment La ruche à Gindou (une résidence d’écriture pour des réalisateur.ices autodidactes), « La Résidence » organisée par Côté Court et Cinéma 93, et d’autres petits modules de formation. Ca m’a permis de me donner confiance en moi parce que je ne venais vraiment pas de ce milieu. Ce n’est pas évident de se lancer dans ce monde qui est quand même très opaque. Ca m’a mis le pied à l’étrier. J’ai rencontré des producteurs qui m’ont fait confiance et qui ont produit mes premiers films.

C’est vrai qu’on a fait chacun nos films de notre côté. Moi, je faisais plutôt des documentaires, des fictions narratives plus classiques et quand on a entendu parler de cet appel à projet, ça ne faisait pas sens de poser deux candidatures différentes. Après avoir portée deux films seule, l’idée de la co-réalisation m’intéressait pour partager cette intensité de fabrication de film. J’étais bien contente de voir ce que ça donnait de partager ces tâches-là.

Par rapport au sujet du film, quelle place occupe les expropriations qui ont eu lieu pour la construction de la base spatiale ? Comment avez-vous construit le sujet avec votre passé  familial et avec les contraintes de l’appel à projet ?

A. J-B. : L’appel à projet est extrêmement libre. Le Centre National d’Etudes Spatiales qui gère toutes les questions du spatial en France donne chaque année des images d’archives à des réalisateurs et réalisatrices. Chaque année, il y a un thème particulier. Pour nous, le thème était la construction du centre spatial à Kourou en Guyane. Quand on a dû présenter un dossier pour candidater avec Maxime, on a tout de suite exprimé le désir de vouloir aborder la conquête spatiale française d’un point de vue guyanais. On a eu trois mois pour faire le film. On a travaillé dessus six semaines. On connaissait cette histoire d’expropriation mais on n’était pas sûr de vouloir l’aborder dans ce film puisqu’on avait peu de temps, qu’on allait peut-être pas pouvoir en parler de manière juste. Il fallait qu’on ait suffisamment de matière, qu’on puisse rencontrer des gens qui avait vécu ça. Dans le doute, on s’est dit que ce serait largement le point de vue guyanais qui serait mis au premier plan mais pour la question de l’expropriation, il fallait attendre de voir la matière qu’on aurait dans le temps imparti. On a rencontré une quinzaine de guyanais.es. On a commencé par notre père, puis des amis, des oncles, des amis d’amis, etc. On est arrivé comme ça jusqu’à deux frères et sœurs, d’une soixantaine d’année maintenant, Christian et Juliana Chocho. Ils ont vécu les expropriations quand ils était enfants. Ils sont encore extrêmement bouleversés par ça. Ils luttent aujourd’hui pour faire reconnaitre et raconter encore cette histoire, surtout Juliana Chocho. Quand on a rencontré Christian, il nous a raconté cette histoire avec tellement d’émotions, de peine et d’intensité que j’ai eu l’impression que ça avait eu lieu la veille. Quand on est sorti de chez lui avec Maxime, on a compris qu’on avait cette histoire-là à raconter, aujourd’hui et maintenant. Il n’y a que ça qui valait la peine d’être dit à ce moment-là dans le cadre de la production de ce film. À ce moment-là, on s’est complètement lancé dans cette histoire. On a construit la voix -off avec une quinzaine d’entretiens, notamment avec une archive sonore d’un ouvrier guyanais qui a construit le centre spatial de Kourou, qui a pu observer tout ça mais avec un point de vue critique. On y a mêlé notre émotion, notre rapport au spatial en Guyane. On n’a pas grandi en Guyane, on a grandi en Seine-et-Marne et on allait en Guyane régulièrement avec notre père et notre mère, pour les vacances. J’y ai voyagé seule plus tard. On a un rapport assez proche. C’est un jeu un peu fictif qui est constitué de toutes ces voix qu’on a récolté et de la nôtre.

Des mots que vous avez donné à mettre en voix par une actrice guyanaise ?

A. J-B. : Ce qui était important, c’était de ne pas choisir n’importe quelle actrice. Ce qui comptait, c’était que la personne qui allait interpréter cette voix ait un rapport intime avec cette histoire. En parlant autour de moi, j’ai rencontré Rose Martine qui est – si je ne dis pas de bêtises – la première comédienne guyanaise formée au Conservatoire national supérieur d’art dramatique et qui est kourouciene. Elle est née en Haïti mais a été élevé et a grandi là-bas. C’était important pour nous d’avoir la voix d’une personne qui avait un rapport direct, intime avec cette histoire-là, que ça puisse résonner en elle pour nourrir son interprétation.

Pouvez-vous nous expliquer le titre de votre film ?

M.J-B : C’est venu quand on a écrit l’appel à projet, de manière instinctive. Il n’y avait pas spécialement de réflexion dessus. On voyait déjà un certain langage audiovisuel dans les images auxquelles ont avait accès, qui posait certaines limites par rapport au langage de film institutionnel. Et il y avait cette idée de voir quelles sont nos images, à nous, en tant que guyanais, que l’on veut trouver pour parler de cette histoire-là, il y avait donc déjà cette idée de « nos images ». Au début, on avait l’idée d’« écouter » de manière large. Par la suite, le mixeur du film, Clément Laforce, nous a dit que ce serait plus intéressant d’écrire « écoutez ». C’est comme ça que le titre est apparu.

On vous a mis des images à disposition, ça représente combien de temps de visionnage en tout ?

M.J-B. : Il devait y avoir trois heures. Il y avait différents types de films. Il y avait des films institutionnels qui étaient plus à visée commerciale, pour faire venir les français en Guyane pour travailler : « C’est génial ici, vous avez tout. Vous avez la gym, le supermarché français… » . Il y avait des films institutionnels plus scientifiques. On ne les a pas vraiment utilisés, ils expliquaient comment sont construites les fusées. Ensuite, des films amateurs tournés par des architectes et des ingénieurs français qui filmaient en super 8 avec un regard qui  ne nous plaisait pas du tout.

Pour ce qui est de la musique, comment avez-vous intégré en plus de la voix-off cette partition sonore dans le montage ?

M.J-B. : Au début, on ne voulait pas forcément de la musique. Pendant le processus de création, on regardait plein d’images, on essayait d’écrire cette voix-off et j’ai pris un temps, j’avais un trop plein. Je voulais monter quelque chose avec des images donc je suis retourné à Bruxelles et j’ai travaillé tout ça. J’ai composé une musique qui se trouve être la musique de fin avec la fusée qui décolle. J’ai montré à Audrey et on s’est dit que c’était pas mal. C’est comme ça que ça s’est construit, en commençant par la musique de fin. La musique du début, on l’a trouvée par des sources. C’est un morceau qui s’appelle Below the surface de Kyle Preston. À chaque fois, il fallait trouver, par le biais de la musique, la bonne note. Très vite, on peut tomber dans soit quelque chose de trop grave soit trop heureux. La musique originale des images est très entraînante. On l’a mise de côté. L’essentiel était de trouver une musique qui rend les images étranges. C’est comme ça qu’a été composée la musique.

A. J-B. : Il y a quand même l’idée de retranscrire la mélancolie d’une façon juste, pas trop emprunté, sans pathos. Ces images avaient été pensées dans un certain sens. Avec cette musique, on a enlevé la substance de la façon dont ces images avaient été pensées. Je pense à un plan très précis du film qui est issu d’un film qui a vraiment une visée à faire venir les gens de l’Hexagone en Guyane. C’est quand même un territoire qui souffre d’une image extrêmement négative, qu’on appelle « l’enfer vert ». Dès qu’on parle de la Guyane, c’est pour dire qu’il y a des bêtes partout, que tu ne fais pas un pas sans mettre le pieds sur une mygale ou un serpent, ce qui est complètement faux. La Guyane est enfermée dans une forme d’exotisme et de folklore assez fort, donc certaines personnes avaient fait une vidéo pour montrer à quel point la vie en Guyane est agréable, parce qu’on peut y faire du tennis, du bateau. À un moment, il y a un plan où des femmes font de la gym au milieu d’une jolie cité. Nous, quand on a regardé ces images avec la musique originale, on avait en mémoire les expropriés. On savait que pour que ça existe, il y avait des gens qui se sont fait dégager en six mois dans des maisons affreuses. Il y a des gens qui sont morts de ça. C’est un drame terrible. Voir ces vidéos positives nous a créé un trouble énorme. On avait besoin d’enlever la substance du pourquoi de ces images en y injectant une autre émotion par cette musique qui donne et incarne ce décalage. On en parle souvent en ce moment. Pacifiction de Albert Serra raconte cette étrangeté qu’entretient la France à ses territoires colonisés. Il ne nous l’explique pas de manière théorique mais nous fait ressentir l’anomalie qu’est la colonisation française, comme quelque chose qui ne va pas de soi. Ca ne va pas de soi que la France possède des territoires outra-marin, ce n’est pas « normal ». Ce sont des choses à interroger. Je trouve ça passionnant quand un film à travers la sensation, à travers l’émotion, nous donne accès à cette étrangeté sous-tendue par une grande violence. Cette musique permet vraiment de donner accès à cette sensation même si on n’explique pas théoriquement l’ensemble des enjeux politiques.

« Diane Wellington »

Est-ce qu’il y a des films qui vous ont particulièrement influencé ?

A.J-B. : Il y en a notamment un qui nous a beaucoup hanté, c’est Diane Wellington d’Arnaud Des Pallières, vraiment l’un de mes courts-métrages préférés. C’est un film qui a été fait avec des images d’archives et qui, en très peu de temps, avec très peu de choses, nous donne accès à travers le destin d’une jeune femme a une réalité de l’histoire américaine, a quelque chose de plus grand de l’Amérique des années 50-60. Il y a une puissance émotionnelle dans ce film. Dans ce cas-là, il n’y a pas de voix-off mais des cartons comme dans un film muet. C’est un film qui nous a extrêmement inspirés. Bouleversant, puissant. On l’a regardé et même on s’est dit qu’on allait plutôt faire des cartons (rires) ! Finalement, on a fait une voix-off mais c’est un film sur lequel on s’est pas mal reposé pour penser l’écriture. Il a entrainé des questions : d’où vient cette voix off ? À qui parle-t-elle ? Comment ? On ne voulait pas que ce soit juste une voix-off comme ça, qui parle de nulle part sans être ancrée dans quelque chose. C’est des questions que l’on avaient : d’où parle cette femme ? Pourquoi à ce moment-là prend-elle la parole ? Diane Welington est un film assez parfait en terme de dramaturgie et de structure de scénario. Je le trouve exceptionnel.

M.J-B. : Il y avait aussi Odyssey réalisé par Sabine Groenewegen. Il nous a influencé parce qu’il se situe au Surinam, qui est ce que l’on appelle la Guyane dite hollandaise, juste au-dessus de la Guyane française. Le film est aussi fait uniquement d’archives. Le point de vue en l’occurrence, ce sont des machines qui voient 600 ans plus tard, donc en 2600, des images d’archives d’une forme de colonisation hollandaise au Surinam. C’était intéressant d’avoir ce film aussi pour créer une étrangeté par rapport à ces images, pour raconter que ce qui est fait, le processus colonial, qui n’est pas normal, normalisé mais complètement abstrait, absurde.

Qu’est-ce que ça représente pour vous d’être sélectionné aux César ? Comme votre film a une forme quelque peu hybride, est-ce que vous assumez pleinement d’être dans cette catégorie du meilleur court-métrage documentaire ?

M.J-B. : Comme pour nous, c’était un film de commande, le film était prévu pour être montré à la Nuit Blanche en 2020 et être ensuite déposé au Musée des abattoirs à Toulouse. Il était plutôt considéré dans un contexte artistique. Nous, on voulait quand même le montrer, donc on a échangé avec l’Observatoire pour le diffuser en festival. C’est nous qui avons principalement fait ce travail de distribution. On a commencé à l’envoyer. On avait une liste d’une dizaine de festivals. On a été pris au début à Clermont-Ferrand en 2021 et deux autres festivals qui ont suivi après mais qui était principalement des festivals de documentaires : CPH:DOX à Copenhague et le festival Hot Docs à Toronto. Ce sont vraiment des festivals importants et depuis, on a eu énormément d’acceptation en festival, pour son histoire mais aussi pour le traitement un peu hybride. Ce n’est pas un documentaire au sens classique de reportage mais il y a un aspect sensoriel. Je ne sais pas si on peut dire expérimental, un rapport très sensoriel à une histoire réelle. C’est vrai qu’on a eu énormément de festivals jusqu’à Sundance, alors là on était… Et aujourd’hui, les César.

A.J-B. : Effectivement, ce n’était pas prévu… Moi, je suis très contente que l’on soit justement dans la catégorie « meilleur court métrage documentaire ». Le documentaire est quand même une forme de cinéma extrêmement riche et protéiforme qui sort d’une vision classique. On ne s’est pas fondu dans le quotidien d’une personne ou d’un groupe de personnes pour révéler quelque chose d’un quotidien. On est à un autre endroit du documentaire. C’est très juste que l’on soit dans cette catégorie. C’est un type de films. Le documentaire est protéiforme par essence. Je suis très contente que l’on puisse donner sa place à un type de documentaires un peu autre dans cette institution que sont les César. Je tressaille quand je vois des formes de documentaires audacieuses. Le court-métrage est quand même là pour ça. On a essayé quelque chose à travers ce documentaire. C’est ce qui est beau dans cette forme. Pour moi, ce qu’il y a au cœur du documentaire, c’est la mise en scène, que ce soit celle des personnages, de soi. Il y a énormément de mise en scène dans le documentaire. Il y a des mythes qui existent ou on croit que dans le documentaire, les personnages oublient la caméra. Je trouve que c’est un mythe et un écueil parce que personne ne peut oublier qu’il y a un cameraman et un ingénieur du son dans son salon, dans sa salle de bain ou au réveil, le matin. C’est impossible. La place de la caméra ou d’une équipe de tournage ou de la caméra pendant le tournage, c’est comme un invité chez soi. L’invité fait tellement partie du quotidien qu’il devient familier. Pour moi, le documentaire c’est ça. Quand un documentaire est réussi, c’est que les gens sont en confiance, qu’ils ont accepté l’équipe de tournage comme un invité chez eux. C’est là que l’on est dans la puissance même de tout ça. Les gens eux-mêmes se mettent en scène, c’est une co-mise en scène entre les personnages, le réalisateur, la réalisatrice. Un de mes réalisateurs de documentaires préférés, c’est Roberto Minervini et quand on voit ses films, on ne sait pas si c’est de la fiction ou du documentaire. C’est très troublant. La question de la mise en scène est puissante dans ses films tellement la ligne entre les deux est trouble. Moi c’est cette ligne entre le documentaire et la fiction que je trouve passionnante. Le documentaire, c’est du cinéma avant tout. Après, on joue avec les formes, on joue avec les degrés de mises en scène, que l’on souhaite révéler ou pas aux spectateurs, aux spectatrices. Tous ces jeux-là sont passionnants.

M.J-B. : Il y a un jeu super intéressant dans le documentaire mais il y a aussi parfois un certain danger quand le documentaire emprunte parfois trop à la fiction. Quand je repense au cinéma de Raymond Depardon que j’adore, c’est magnifique aussi de voir un réalisateur qui prend du temps avec quelqu’un sans qu’il y ait forcément une mise en place, une mise en scène précise empruntant tout de la fiction. Il pose sa caméra quasiment comme un photographe et il fait une photo longue durée en passant du temps avec quelqu’un. Il est sincère dans sa démarche. Il filme le réel, il le construit, le met en scène mais il y a aussi un rapport au temps que j’apprécie et qui ne doit pas toujours paraître trop maitrisé, trop contrôlé.

A.J-B. : Pour ajouter quelque chose sur notre présence aux César, je trouve ça émouvant qu’une histoire qui soit liée à la Guyane y soit représentée. Au-delà du fait que ce soit notre film et que ce soit une histoire de famille car notre père a beaucoup aidé à ce que l’on rencontre ces personnes, ça me touche de me dire que le travail que l’on a fait en famille est aux César. Ce sera cité ne serait-ce qu’une seconde pour les spectateurs et les spectatrices. La Guyane est un territoire qui est peu voire pas représenté. Il y a une série par-ci, un film par-là, qui doit y être tourné. Je dois en permanence quand on me demande d’où je viens – une question récurrente – dire où se trouve la Guyane aux gens, que la Guyane n’est pas une île, que c’est la plus grande frontière terrestre de la France avec le Brésil. C’est toujours bizarre de devoir expliquer pour un territoire français où il se trouve. Je suis donc assez émue que la Guyane soit citée à cet endroit, ça me touche. J’aurais aimé en étant plus jeune ou adolescente, ou dans mon parcours de cinéphile, voir davantage ça. Je suis contente de donner une visibilité sur ce territoire et surtout que ce ne soit pas un regard de l’extérieur. La Guyane est tout le temps représentée pour la forêt, pour le côté « dangereux », « violent ». Pourtant, toutes les histoires intimes, personnelles, les individus qui vivent là-bas, on ne parle pas d’eux. C’est toujours sensationnaliste. J’ai plus envie d’entendre des histoires de la Guyane qui soient proches des gens. Quel est ce territoire ? Qu’est-ce que les gens vivent ? J’espère qu’il y en aura plus après.

Quels sont vos projets pour l’avenir ?

M. J-B. : Je travaille sur un long-métrage qui se déroule aussi en Guyane. Je pars d’ailleurs dans deux semaines là-bas. C’est un projet de long-métrage pour lequel Audrey participe à l’écriture. On travaille donc de nouveau ensemble. C’est une histoire qui a trait à notre famille à travers la mort d’un cousin. Une histoire qui a marqué la Guyane parce que c’était quelques années avant les mouvements sociaux de 2017 qui ont été très marquants sur la question de la violence. Le film est un peu un portrait de ça, de notre famille, de notre cousin qui est mort trop jeune, à 18 ans. Il allait partir en France mais il s’est fait tuer juste avant. L’histoire suit notamment le point de vue de certains personnages, notamment son neveu qui vit aujourd’hui en France à  Stains en région parisienne et qui revient en Guyane avec ce désir de se rattacher à ce pays. Pour moi, c’est aussi une sorte d’alter ego. Il vit entre les deux et il essaye de se rattacher à la Guyane, à ses racines. C’est un film documentaire autour de ça.

A.J-B. : La co-écriture avec Maxime nous a pas mal occupé. Je viens tout juste de finir un film produit par Yukunkun dans le cadre d’une collection en partenariat avec le Conservatoire National Supérieur d’art dramatique. J’ai eu la chance d’avoir une carte blanche et de tourner un court-métrage très vite. C’est génial de pouvoir faire un court-métrage comme un geste ou il n’y a quasiment aucune discontinuité entre l’idée de départ et le tournage. C’est vrai qu’on sait que le court-métrage met en général du temps à se financer, à se monter. Ca peut mettre deux, trois, quatre ans. Là, j’ai pu faire ce film comme ça. J’avais envie d’écrire une histoire d’amour dans un contexte un peu apocalyptique. C’est ma deuxième fiction et j’ai pris un grand plaisir à travailler avec les élèves du Conservatoire qui sont vraiment impressionnants en terme de qualité de travail et d’intelligence émotionnelle de jeu. J’ai été impressionné par ça. Ca me donne envie de continuer à réfléchir à des projets de fiction. Là, je suis en tout début d’écriture d’un long-métrage de fiction et je travaille aussi sur un long-métrage documentaire. Je me focalise du coup plutôt sur l’écriture en ce moment.

Propos recueillis par Damien Carlet

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