Kaouther Ben Hania : « Chaque film est une nouvelle aventure, un nouveau territoire que j’explore »

Format Court a rencontré pendant le Red Sea International Film Festival, dont la deuxième édition a lieu en ce moment à Djeddah en Arabie Saoudite, la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania. Son dernier film, L’homme qui a vendu sa peau, est le premier film tunisien nominé pour l’Oscar du meilleur film international. En 2017, elle sortait son film La Belle et la meute qui explorait les rapports de violence dans le genre à Tunis. Le film était sélectionné dans la catégorie Un certain regard à Cannes. Présidente du Jury à la Semaine de la Critique 2022, Kaouther Ben Hania continue de réaliser des courts-métrages, entre deux projets de longs-métrages. Au Red Sea, elle est la marraine des Talent Days et membre du jury des longs-métrages en compétition. Elle nous parle de la création dans le monde arable aujourd’hui.

Format Court : Comment percevez-vous les films des jeunes talents arabes représentés au festival ?

Kaouther Ben Hania : Aujourd’hui, ce n’est pas comme au XXème siècle où le cinéma était le roi de l’attention. C’était l’art par excellence, et tout le monde s’y intéressait. Au XXIème siècle, il y a une grande compétition pour capter l’attention des gens. Il y a le cinéma, les télévisions, les plateformes, les réseaux sociaux, YouTube, etc. La sollicitation de l’attention des spectateurs est devenue très difficile. C’est pourquoi les nouveaux talents ont une tache encore plus difficile. Malgré tout, ils doivent raconter de très bonnes histoires pour récupérer ces spectateurs qui s’intéressent à TikTok ou autres. Même la forme, même la manière d’approcher le cinéma et l’écriture, a changé. La tâche est encore plus dure pour les nouveaux talents.

Les jeunes réalisateurs saoudiens ont beaucoup appris via internet, en voyant des courts-métrages, en se servant de YouTube, en imitant, parce qu’il n’y avait pas forcément de formation, de professeurs, de films conseillés. Quels sont les conseils que vous pouvez donner aux réalisateurs qui veulent faire des courts ?

K. B. H : Faites un film ! Aujourd’hui, c’est possible de réaliser un film avec très peu de moyens. Les moyens sont disponibles. Ce métier on ne l’apprend jamais théoriquement. C’est en faisant des erreurs, en restant humble, auto-critique qu’on apprend. Ecouter les critiques, ne pas les jeter, ne pas être dans l’arrogance et le nombrilisme. Et faire. Je pense que la seule manière d’apprendre, c’est de faire, et d’être sur tout le processus, de l’écriture jusqu’au montage.

Qu’avez-vous le sentiment d’avoir appris sur vos derniers films ?

K. B. H : J’apprends tout le temps. Je fais ce métier parce que ça me permet d’apprendre. Chaque film est une nouvelle aventure, un nouveau territoire que j’explore. Je fais des recherches, je compose, je collabore avec des nouvelles personnes. C’est un processus d’apprentissage à vie. Quand j’étais étudiante, j’adorais ça et je me disais que je voulais en faire un métier. Etudier le temps via la réalisation, c’est un métier qui me permet ça.

Comment considérez-vous le court-métrage aujourd’hui ?

K. B. H : J’en fais toujours. Les gens pensent que quand on fait un long-métrage, on arrête mais je continue. J’ai fait un court-métrage en 2019, après mon long La Belle et la meute, qui s’appelle Les Pastèques du Cheikh. J’ai fait un court-métrage, dans un autre cadre « Women in films » pour la marque Miu Miu qui donne chaque année une carte blanche à une réalisatrice pour faire un court-métrage, qui s’appelle I’m the stupid boy. Et j’ai fait un court l’année dernière qui fait partie d’une collection sur Netflix : Love, life and in between. Plusieurs réalisateurs arabes ont réalisé un segment sur la Saint-Valentin dans leurs pays respectifs. Il y a des histoires qui sont courtes et je ne vais pas les rallonger.

Aujourd’hui, quel regard portez-vous sur la situation des films en Tunisie ?

K. B. H : C’est compliqué, comme avant. Il n’y a pas beaucoup d’argent. La seule chose qui a changé c’est qu’il n’y a plus de censure. Avant, sous la dictature, il y avait une censure. La révolution nous a permis de respirer, de parler de tout ce qu’on veut. Ça, c’est formidable. Mais en termes de soutien, de moyens, ce n’est pas génial. On ne donne pas les moyens aux réalisateurs de raconter les histoires qu’ils veulent faire.

Propos recueillis par Katia Bayer. Retranscription : Agathe Arnaud

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