Félix Moati. Un film, un rapport au monde

Révélé dans les années 2010 en tant qu’acteur, Félix Moati s’est tourné vers la réalisation avec un premier court Après Suzanne (qui était en compétition officielle à Cannes en 2016) et un premier long-métrage Deux fils, sorti deux ans plus tard. Il fait partie du jury de courts-métrages et de la Cinef de cette édition cannoise 2022.

© Victor Moati

Est-ce que tu visionnes les courts-métrages de La Cinef et ceux de la compétition officielle différemment ?

Félix Moati : Les films de La Cinef sont présentés par des jeunes réalisateurs·rices. C’est impossible de ne pas prendre en compte que ce sont des films d’école, donc produits à un stade encore embryonnaire de leur carrière par rapport aux réalisateurs qu’on évalue pour l’officielle. Un film, ça se contextualise forcément et à la Cinef, l’âge est un paramètre important. Dans la compétition officielle, les réalisateurs ont déjà plus d’expérience, ils ont fait plusieurs films. Par exemple, Bi Gan s’était déjà fait beaucoup remarquer en 2018 avec son film Un grand voyage vers la nuit (Un Certain Regard 2018), il revient cette année avec le court A short story.

Ton court Après Suzanne avait été sélectionné à l’officielle en 2016. Qu’avais-tu ressenti à ce moment-là ?

F.M. : J’étais hyper fier, c’était vraiment de la fierté. Il y avait évidemment de l’appréhension et du trac, c’est évident. J’avais beaucoup de curiosité pour les autres films aussi. Il y avait un film suédois, dont je ne me rappelle plus du titre, qui était extraordinaire. Bon après, je ne cache pas que ça pouvait être un peu tendu parfois entre nous, il y avait une sorte de compétition. C’est dommage d’ailleurs, nous n’avons pas gardé contact…

Ta filmographie compte de nombreux courts-métrages, qu’as-tu appris en tant qu’acteur et réalisateur à travers les courts, notamment ceux des autres ?

F.M. : Je pense que j’ai plus appris en tant que réalisateur. C’est une économie qui est très petite, très légère, des équipes de personnes qui commencent. L’énergie est différente. Dans la fabrication, il y a une dimension plus artisanale donc c’est très instructif. Je recommande à tous ceux et celles qui veulent faire de la mise en scène soit de réaliser de nombreux courts-métrages soit de garder cet esprit artisanal.

« Après Suzanne »

Mais toi, tu es passé assez vite au long-métrage ?

F.M. : Oui. En fait, mon long-métrage était déjà écrit quand j’ai présenté mon court. Après, j’ai mis deux ans à le réaliser car j’étais déjà engagé sur plusieurs rôles. J’aurais pu le faire plus rapidement.

Est-ce que les jeunes auteurs te contactent pour que tu joues dans leur courts ? Est-ce c’est quelque chose qui t’intéresse ?

F.M. : C’est toujours une question de temps. Et malheureusement, je l’ai de moins en moins, ce temps. Et en plus, comme je suis devenu père, dès que j’ai un peu de temps libre, je reste en famille pour voir grandir mon fils. Mais c’est vrai que cette année, j’ai reçu beaucoup de propositions pour des courts-métrages, ce qui est toujours flatteur. J’aime bien l’idée que ces jeunes soient sensibles à mon travail et qu’ils pensent à moi pour des rôles.

Qu’est-ce qui avait déterminé le projet du court Après Suzanne ?

F.M. : J’avais surtout envie de raconter une histoire courte. Par ailleurs, c’est vrai qu’il faut aussi respecter certaines étapes pour accéder au long-métrage. Il y a beaucoup de pression, beaucoup d’enjeux financiers. J’ai préféré réaliser Après Suzanne avec des amis, des professionnels et des techniciens que j’ai rencontrés sur des tournages,  mais finalement avec très peu d’argent. Je m’étais fait recaler de Canal +, du CNC, de la région. On a dû tourner avec un budget de 3.000€. Et ma carrière d’acteur ne m’a pas spécialement aidé, je pense même que ça a pu me desservir car on pensait que je n’avais pas besoin de financements pour le film. Et puis, je crois que personne n’était vraiment emballé par le scénario. C’est bizarre d’ailleurs car quand j’ai été nommé à l’officielle à Cannes et aux César, certaines personnes sont revenues me voir.

Pour revenir à ton rôle de juré à Cannes justement, quelles sont les qualités que tu associes à la forme courte ?

F.M. : Courte ou longue, pour moi, c’est la même chose. Je demande à un film de m’exposer un rapport au monde. Ce n’est pas une question de morale, mais vraiment d’éthique. C’est d’ailleurs ce qui m’a totalement séduit avec le film de Valerio Ferrara [qui a remporté le Premier Prix de la Cinef avec Il Barbiere Complottista]. Dans son film, on comprend où il veut aller dès les premiers plans, on capte l’articulation des personnages, leur façon de s’exprimer. C’est captivant. Le réalisateur a une vision. C’est ce qui est le plus compliqué, le plus tenu à avoir, particulièrement dans un court-métrage.

Propos recueillis par Katia Bayer en collaboration avec Anne-Sophie Bertrand.

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