5 segundos de David González Rudíez

Tourné en seulement trois heures à Madrid par David González Rudíez (Bilbao, 1980), « 5 segundos » est un court-métrage d’une durée de près de trois minutes et demie qui raconte comment un homme prépare une surprise à sa femme afin de lui présenter ses excuses pour son étrange comportement survenu quelques jours auparavant. Ce court-métrage minimaliste, sélectionné au Festival Court Métrange 2016, joue avec le suspense et la paranoïa à travers une réflexion sur la violence de genre et la confiance au sein du couple. Grâce à une excellente utilisation de la voix-off et de l’off screen, le réalisateur nous confronte à trois minutes de réelle détresse émotionnelle.

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Le désir de diriger un couple d’acteurs, avec lesquels González Rudíez avait déjà travaillé précédemment, la longueur imposée par le festival online Notodofilmfest (3:30 minutes maximum) et la réalisation d’un scénario au coût abordable ont été les ingrédients à l’origine de ce film zéro budget. En réalité, David González Rudíez loue l’efficacité du projet à l’heure d’en aborder un nouveau : « 5 segundos » repose sur deux acteurs, un seul lieu de tournage (chez l’actrice), une paire de lampes Ikea, une caméra et un microphone. Dans une production aussi simple, ce qui compte finalement est la contrainte de durée et le matériel disponible.

Le film repose sur l’idée de la surprise, les yeux bandés de la jeune femme permettent de donner vie à « l’inquiétante étrangeté », une situation aussi familiale que sinistre. Le spectateur se retrouve confronté à l’angoisse et à l’incertitude de la protagoniste en premier plan, car comme elle, il ne voit pas ce qui se passe autour d’elle. Le sentiment de tension est très vite palpable dès que l’on quitte la sphère de la surprise romantique d’un homme à sa femme, l’attente d’un cadeau de réconciliation suite à leur dispute, se basant sur une seule règle : la promesse de ne pas ouvrir pas les yeux pendant les derniers préparatifs. À partir de ce-moment, la surprise va se transformer en désarroi et la femme va passer de l’étonnement à l’inquiétude. L’impuissance va petit à petit s’installer au vu des questions persistantes de l’homme, de quelques bruits de tiroirs et des silences volontaires qui vont contribuer à mettre en lumière les angoisses de la jeune femme et l’empathie du spectateur.

Le réalisateur David González Rudíez, qui a obtenu le Prix du Meilleur Réalisateur à la 13º édition du Festival Notodofilmfest, est un touche-à-tout depuis 16 ans en tant que réalisateur, scénariste, monteur, cadreur et producteur (Rojocamaleón Productions).

Auteur de nombreux courts primés en festival, ce réalisateur espagnol cherche à continuer à faire ce qu’il aime : à être heureux et à joindre les deux bouts. Attiré au départ par les premiers travaux de Tarantino ou  « El Mariachi » de Robert Rodríguez, il prouve qu’avec peu de moyens, il est possible de faire un bon film.

En tant que créateur, il s’intéresse particulièrement à l’ambiguïté et aux films non linéaires. Avec « 5 segundos », son spectateur se retrouve en effet obligé de combler les ellipses, ce qui le rend complice et co-auteur du film. Son court joue sur les nuances de la psychologique humaine, grâce à la combinaison de premiers plans, d’un personnage désorienté et de bruits mystérieux. « 5 segundos » peut être considéré comme un brève histoire de terreur quotidienne, comme un moment d’angoisse distillé
en quelque minutes, à la mise en scène austère et efficace, ne laissant le spectateur ni indifférent ni très tranquille.

Adriana Navarro Álvarez

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One thought on “5 segundos de David González Rudíez”

  1. Analyse sans faille de cette œuvre déroutante. Son minimalisme technique plaide pour le talent du réalisateur. Il a su s’emparer des contraintes artistiques qui lui étaient imposées et les a transformées à son avantage. Le récit bref, incisif, est parcouru d’une tension remarquable. Le spectateur, malmené, en est réduit à devoir remplir lui-même les blancs laissés par un  » hors-champ  » scénaristique et visuel parfaitement calculés pour le déranger. Autre élément à apporter au crédit de cette réussite : l’intelligence maîtrisée de l’interprétation de la comédienne qui transmet graduellement son angoisse au spectateur, asticotant ses nerfs par petites touches successives.

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