Guerre et Paix

Il y aura toujours un champ de bataille pour accoucher des larmes de ceux qui veulent vivre dans la paix et la liberté. A la lumière des révolutions arabes, la guerre montrée à travers trois films sélectionnés au Festival du court métrage de Bruxelle apparaît dans toute sa contradiction. Land of The Heroes de Sahim Omar Kalifa, El Ambidiestro d’Antonio Palomino et El Pozo de Guillermo Arriaga développent tour à tour l’ironie, l’absurdité et la cruauté pour évoquer les sentiments que génère le conflit humain.

Land of The Heroes

1988, au Kurdistan irakien, la guerre contre l’Iran fait rage. Dileeer et sa soeur Zienee s’occupent comme ils peuvent : ils jouent à la guerre. Dileer se prend pour un héros et pour ce faire, arbore non sans fierté un costume de Spiderman. Quand leur cousin vient leur rendre visite, la tranquillité disparaît bel et bien. Et le jeu enfantin se transforme en un rapport de force humiliant et sadique où les enfants recréent la réalité qu’ils voient apparaître à la télévision, cette même réalité qui vient interrompre quotidiennement les dessins animés et qui petit à petit leur enlève un petit coin d’enfance.

Lauréat du Prix Génération Kplus à la 61ème Berlinale, Land of The Heroes touche juste par une mise en scène sensible, par une interprétation authentique des jeunes acteurs mais aussi grâce à l’humour qu’il distille tout au long du récit. Cet humour penche pour l’ironie, la scène où les mères nettoient les armes à feu en est une belle preuve. L’univers développé par Sahim Omar Kalifa rappelle à bien des égards celui de son compatriote Bahman Ghobadi. Comme dans Turtle Can Fly, il raconte la guerre par le prisme de l’enfance. Et l’on constate que celle-ci conditionne le peuple qui la subit au point que les enfants y voient un modèle à suivre. Les soldats de ces guerres reviennent amputés, déchiquetés et meurtris. Qu’à cela ne tienne, ils sont les “héros” que la nation autocrate brandit fièrement en guise d’emblème. Mais si les tortues peuvent voler, il en est de même des araignées.

El Ambidiestro

Le film de l’Espagnol Antonio Palomino installe son action en Andalousie, en 1937 pendant la guerre civile qui oppose la droite nationaliste à la gauche républicaine. Un homme devenu amnésique se réveille sur un champ de bataille, au milieu des deux camps adverses. Il se réfugie dans une tranchée pour échapper aux tirs qui fusent des deux côtés, ne sachant à quel camp il appartient. Cloîtré dans cette espèce de no man’s land, il est amené à répondre de ses convictions auprès des membres des deux camps qui ne savent s’il faut l’épargner ou le sacrifier. S’ensuit un jeu de questions/réponses pour connaître LA vérité. Oui mais voilà, notre amnésique se montre bien habile et quelle que soit la question, sa réponse est ambiguë et empêche les belligérants de le rallier à leur cause. Absolument savoureux, El Ambidiestro montre à quel point les croyances poussées à l’extrême, à l’origine des conflits relèvent souvent de l’aberration. Gauche, droite, l’homme tente de trouver son équilibre. Doté d’un final qui change radicalement de ton, le court métrage du cinéaste andalou est une arme de destruction massive contre le fanatisme dogmatisé. Un sujet sérieux dédié “à tous ceux qui perdent toujours la guerre même sans y participer”.

El Pozo

 

Comme à l’accoutumée, le cinéma mexicain aborde la guerre de façon plus crue. Mexique, 1914, quelque part dans le désert de Coahuila, une maison isolée presque perdue abrite un vieil homme, sa femme et ses petits-enfants. Quique, l’un d’entre-eux, est tombé dans le puits. Le grand-père accourt pour le sauver et lui tend une corde mais celle-ci s’avère être trop petite. Il intime à deux autres enfants d’aller chercher de l’aide. Guillermo Arragia filme avec pudeur de longues scènes silencieuses montrant des gestes ordinaires en temps de Révolution mexicaine. A la banalité des actes s’oppose la cruauté exceptionnelle que vient rappeler la guerre et ses injustices. Point d’humour dans ce El Pozo mais des plans larges aux paysages à perte de vue qui viennent souligner l’impuissance d’un grand-père face à la douleur de son petit-fils. Minimaliste, à la frontière du documentaire, le film d’Arragia dénonce à sa manière l’arbitraire qui entache la réalité quand celle-ci se mêle à l’hostilité guerrière.

Marie Bergeret

Article associé : l’interview de Sahim Omar Kalifa

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