This Way up d’Alan Smith & Adam Foulkes

Requiescat in pace

Il faut tout dire. Adam Foulkes et Alan Smith sont deux enfants de pubs… coupables de l’abominable (et interminable) campagne « Happiness Factory » que nous inflige Coca-Cola depuis des mois sur nos jolis écrans de cinéma ! Mais pour prouver que certains artistes sont capables du pire comme du meilleur, Foulkes & Smith (pour les intimes) sont aussi les auteurs de « This way up », un court métrage d’animation en 3D à l’humour noir très noir.

On ne s’y attardera pas, les deux jeunes animateurs britanniques Adam Foulkes et Alan Smith se sont distingués, ces dernières années, par leurs vidéoclips, sketches, pubs et autres spots télé… Mais parlons cinéma.  Produit par Nexus et la BBC, le célèbre duo signe le décapant « This Way up » un court métrage d’animation de 8 minutes d’une fluidité exemplaire.

Deux croque-morts, père et fils, se rendent dans une petite maison de campagne pour emporter le corps d’une bonne vielle dame et le conduire gentiment dans son trou… pour l’éternité. Amen. Seulement voilà, les choses ne se passent pas toujours comme on le voudrait, et par un enchaînement de causes à effets des plus invraisemblables, voici qu’un énorme rocher vient transformer leur corbillard en crêpe dentelle en moins de deux. Le coeur à l’ouvrage et le haut-de-forme plus ou moins bien fixé sur la tête, nos deux compères ne se laissent pas abattre et  partent à pied, cercueil en main, bien décidés à mener leur mission jusqu’au bout… Jusqu’au bout ???? C’est le moins que l’on puisse dire.

Après une série de mésaventures dignes de celles du célèbre Coyote bravant explosions, falaises abruptes et terrible loi de la pesanteur, les  consciencieux et funèbres employés se retrouvent embarqués avec ce qui reste de mère-grand vers un au-delà gothique que ne désavoueraient pas Tim Burton et Henry Selick : cercueil sur pattes, squelettes-clowns déjantés, éléphants psychédéliques…Tout y est !  D’autant que la musique de John Greswell et Christopher Taylor déroule ses accords entre harmonium onirico-cauchemardesque et folles échappées jazzy… Certains y verront un clin d’œil malicieux à « The Nightmare Before Christmas » (« l’Etrange Noël de Monsieur Jack »), d’autres, peut-être, un pillage douteux. Quoi qu’il en soit, « This way up » affiche sa jolie impertinence en se jouant des tabous et enchaîne les gags sur un rythme parfaitement maîtrisé, gags purement visuels puisque pas un mot ne s’échange. Et pourtant, par de simples jeux de regards, de mimiques et de mouvements des corps, Foulkes & Smith parviennent à donner à leurs personnages une réelle dimension psychologique. Il ne reste plus qu’à souhaiter qu’ils mettent désormais leur talent au service du cinéma d’animation et que la pub les laisse, à jamais, reposer en paix.

Sarah Pialeprat

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3 thoughts on “This Way up d’Alan Smith & Adam Foulkes”

  1. Je la trouve très bien aussi la pub Coca-Cola ! Elle est spirituelle, bien faite… Heureusement qu’il y a de grandes firmes internationales pour faire confiance aux jeunes artistes et leur donner les moyens de travailler, parce que sans le cachet qu’ils ont touché pour la pub Coca-Cola ils n’auraient certainement pas eu le loisir de faire ce film-ci, Mlle Pialeprat. Le mécénat privé aujourd’hui, c’est le capitalisme. Il ne faut plus compter sur les évêques ou les duchesses. Et il ne faut pas faire la fine bouche non plus. Laissez donc les artistes gagner leur vie !

  2. Cher Ronald (très drôle !)

    Vous n’avez pas tout à fait tort, et j’avoue aussi que le dernier épisode de Hapiness Factory est assez créatif. En effet, tant mieux si les sociétés engagent de véritables artistes et leur donnent l’argent nécessaire pour réaliser leurs projets. Je ne demande pas mieux que le fric des grosses entreprises servent à la création. Ce que l’on peut regretter, c’est que la publicité et les budgets indécents dont elle dispose installent bien souvent les jeunes créateurs dans un confort qui leur fait abandonner leurs propres projets. Nous espérons donc que Foulkes and Adams ne se laisseront pas happer par un système, qui, avouons le, peut avoir des effets pervers.

  3. Chère Sarah,
    Je suis content que vous ayez ri de mon nom. Je transmettrai à mes parents, ça leur fera plaisir. Mais je vous assure pourtant que ce n’est pas facile tous les jours, d’avoir un homonyme avec des cheveux rouges et des chaussures trop grandes.
    Je suis tout à fait d’accord avec vous. Le système est pervers. D’ailleurs c’est le propre d’un système d’être pervers. Mais c’est peut-être aussi comme ça que l’on trie le bon grain de l’ivraie. Les artistes des autres. Ceux qui s’en servent de ceux qui le servent. Ce que je réfute c’est l’idée que les artistes se doivent d’être des gagne-petit pour être labellisés artiste. Si l’artiste peut utiliser le système à ses propres fins, parce qu’il a envie lui aussi d’avoir une Rolex avant d’avoir 50 ans, ma foi, je n’y vois pas d’inconvénient. Même si je n’aime pas les Rolex. Parce que je me moque de la vie des artistes. Ce qui m’intéresse c’est leur oeuvre et uniquement leur oeuvre. Peut-être Van Gogh n’aurait pas été un génie s’il avait été moins miséreux. Peut-être. Mais imaginez-vous que Proust aurait écrit la Recherche s’il avait dû aller pointer à l’usine tous les matins? Lorsque Velasquez peint les Ménines, c’est bien de la publicité qu’il fait. Etre peintre du roi était sûrement très lucratif.
    C’est un vrai plaisir de discuter avec vous, chère Sarah. Si vous passez dans le coin, faîtes moi signe, nous irons manger un Big Mac chez papa et maman.

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