Synopsis : Justine, dite Junior, 13 ans, des boutons et un sens de l’humour bien à elle, est un garçon manqué un brin misogyne. Alors qu’on lui a diagnostiqué une gastroentérite fulgurante, le corps de Junior devient le théâtre d’une métamorphose étrange…
L’adolescence, c’est l’âge des premières cigarettes, de l’affirmation de sa relative indépendance auprès des parents, des premiers émois,… C’est un chantier de réaménagement intérieur, mais aussi de l’apparence. Une étape majeure dans la vie qui ouvre un nouveau champ de possibles. Un sujet développé dans nombres de réalisations et qui ne laisse a priori que peu de surprises. Et pourtant…
« Junior », projeté cette année à la Semaine de la Critique et lauréat du Prix du petit rail d’or, offre une vision parfaitement inédite, tel un conte initiatique, où l’héroïne disgracieuse sort peu à peu de l’état de l’adolescence. La mutation est ici prise au mot et c’est dans l’absolu qu’elle s’y révèle. Déployé au travers d’une métaphore forte, ce passage naturel et inhérent à tout à chacun prend alors la forme d’un événement étrange, inquiétant, presque surnaturel. De ce cycle humain, la réalisatrice propose en effet une figure peu lisse, dans une mise en scène inattendue aux frontières du fantastique. Un choix résolument audacieux pour mieux rendre visibles, bien en surface, les doutes et les craintes jusqu’au rejet de grandir.
Laisser naître la féminité en soi n’est pas chose évidente, ça l’est d’autant plus lorsqu’on est davantage disposé à renier toute coquetterie, à agir et à parler comme un garçon manqué. Lunettes énormes, vêtements informes, cheveux gras, et gouaille : Justine, dite Junior, n’a décidément rien d’une fille modèle. Comme sa « métamorphose » se double également du changement du rapport à l’autre, cela crée inexorablement un malaise dans ces relations. Jeune fille devenant femme, Junior doit désormais définir sa nouvelle identité face à l’autre sexe.
En cela, la construction du court métrage de Julia Ducornau est habile, mettant peu à peu en place l’évolution du personnage et les troubles qui en sont la résultante. L’usage de scènes crues, tout en oscillant avec le suggestif, permet à son auteur de s’affranchir de toute étiquette du genre, tel un ovni cinématographique. La réalisatrice joue intelligemment avec la dimension symbolique de ce rite de passage, et réussit à en souligner ainsi son caractère mystérieux et marquant. Car finalement quitter l’âge ingrat, c’est bel et bien sortir de sa carapace et en définitive faire peau neuve.
Sirot-Balboni, le nom sonne comme un remède à la morosité ambiante et pour cause, à en juger leur dernier film qui revisite avec beaucoup d’humour le conte du “Petit chaperon rouge”. Sélectionné en compétition nationale au Festival du court métrage de Bruxelles, « La Version du loup » a reçu une Mention Spéciale pour le Prix Be TV. Rencontre avec le couple qui subit les influences positives de Gilliam, Fellini, Greenaway ou encore Abel et Gordon.
En venant de deux milieux artistiques différents, le cinéma pour toi Raphaël et le théâtre pour toi Ann, comment vous est venue l’envie de collaborer?
Ann: On s’est rencontrés sur des travaux qu’on avait faits chacun de notre côté. Raphaël m’a fait voir son travail de fin d’études “Les Habitants” et comme à cette époque-là, j’étais en train de suivre une formation d’écriture dramatique, je lui ai fait lire « L’oeil tambour”, une pièce que j’avais écrite.
Raphaël: En lisant la pièce d’Ann, je me suis tout de suite dit qu’il fallait l’adapter au cinéma. C’est d’ailleurs de cela que notre deuxième court métrage “Juste la lettre T” a été inspiré.
On vous décrit facilement comme amateurs de fables et de mythologies ordinaires. Pourquoi cet intérêt pour les univers décalés?
Ann: Je sais que ce qui nous intéresse là-dedans, c’est de traiter des choses banales, de traiter des situations que l’on peut traverser dans la vie réelle et de les enrober d’une atmosphère particulière.
Concrètement, comment travaillez-vous?
Raphaël: Ann écrit le scénario et moi j’en suis simplement le lecteur. Je suis le travail depuis le début, on en discute. On travaille assez séparément, finalement puisqu’Ann écrit de son côté. Pour la réalisation, on fait tout à deux. Après, c’est vrai qu’Ann est vraiment la garante, elle est un peu la colonne vertébrale des films parce qu’elle a écrit l’histoire. Par exemple, elle saura tout de suite quelle affiche il faudrait mettre dans tel décor. Moi, j’interviens davantage au niveau du découpage et au niveau du rythme.
Ann: Ce qui est intéressant dans le fait de travailler à deux c’est qu’on ne veut surtout pas être dans une logique de compromis, mais plutôt être dans une logique de plus de précision, plus d’exigence car il est plus difficile de convaincre deux personnes qu’une seule. Ce qui est bien quand on est deux c’est qu’on est déjà un petit public.
Raphaël: Mais ce problème de compromis arrive plus souvent au montage, en fait. En ce qui concerne le scénario et la préparation, on tombe facilement d’accord.
Si on regarde vos trois films communs “Dernière Partie”, “Juste la lettre T” et “La Version du loup”, on constate que la musique a beaucoup d’importance. Au-delà d’illustrer, elle rythme l’action et la narration. Vous mettez en valeur des univers sonores qui font partie intégrante du récit.
Ann: Oui, c’est très important. Pour nous la musique est là pour nous aider à soutenir un univers. Par exemple dans “Juste la Lettre T”, on tenait vraiment à cette musique très mathématique de Bach. Parce qu’on est dans un monde un peu post-apocalyptique, devenu très codé, avec peu de ressources, un monde où l’on doit vivre dans une grande promiscuité. On voulait vraiment une musique très réglée et très sobre.
Raphaël: Cela permet de donner le ton aussi. Sur “Dernière partie”, c’est un peu différent car la musique vient très tard et vient plus comme accompagnement rythmique de la montée de cette partie éclatée de la fin. Mais dans “Juste la lettre T” et dans “La Version du loup”, la musique donne le ton.
Ann: En fait dans “La Version du loup”, cela donne la bonne distance au spectateur. C’est très intéressant car vu que c’est une adaptation du “Chaperon rouge” et que nous, on rigole avec ce conte, on voulait vraiment que le public fasse partie de cette blague et la musique de Django Reinhardt permet assez efficacement de mettre le spectateur à la bonne place. Dès les premières notes, on comprend un petit peu l’état dans lequel il faut regarder le film.
Avec ce film, vous offrez quelque chose de beaucoup plus léger que ce que vous avez fait jusqu’à présent. Pourquoi?
Ann: Le projet est né d’une envie pressante de tourner. En attendant que “Fable Domestique”, notre prochain film, se fasse, on voulait absolument tourner quelque chose de différent.
Raphaël: “Dernière partie” aussi, on l’a fait parce qu’on ne voulait pas attendre que “Juste la letter T” soit terminé. “La Version du loup”, c’est pareil. Ce sont deux courts métrages faits avec très peu de moyens.
Ann: Oui, Dernière partie” était vraiment une espèce d’expérience, on est partis sans scénario, avec juste des balises et ensuite on écrivait les scènes sur place, pendant le tournage, c’est une expérience de formule alternative.
Raphaël: Il y a aussi le fait que l’on vienne de deux milieux différents. On a confronté un peu nos façons de travailler et j’ai été vraiment étonné de voir que sur mon film de fin d’études, “Les Habitants”, je me suis retrouvé à voir mes comédiens 2X 2h alors qu’An travaillait dans une Compagnie où il y a peut-être 3 mois de création où les comédiens et le metteur en scène se voient tous les jours. C’est centré différemment, au théâtre, les comédiens participent beaucoup plus. Et là, on s’est inspirés de cette façon de faire, on avait un lieu donné, des comédiens donnés, on avait une trame et on a construit petit à petit. C’est une expérience qui reste limite car on s’est retrouvés sur le tournage sans avoir la fin du film.
Ann: C’était une expérience vraiment intéressante qui nous a montré aussi que cette façon de faire n’était pas vraiment adaptée au cinéma.
Justement, dans la “Version du loup” particulièrement, on remarque ce mélange de théâtre et cinéma ce qui en fait un produit un peu hybride.
Raphaël: Oui, tout à fait. D’ailleurs les coulisses que l’on voit sont clairement des coulisses de théâtre. Le comédien qui se change seul par exemple, c’est aussi quelque chose qui au cinéma n’existe pas vraiment, c’est très théâtral.
Etait-ce pour rester dans le ton burlesque du film?
Ann: En fait, moi, ce qui m’intéressait dans l’histoire c’est que le loup est un personnage qui se déguise, qui fait semblant. Je trouvais cela assez fascinant. Du coup, on se disait que si ce personnage était un comédien, il fallait transformer l’histoire car on voulait que les deux fassent semblant. Et forcément, vu que les comédiens changent de costumes eux-mêmes, on trouvait intéressant d’utiliser des coulisses.
Et pourquoi ce conte plus qu’un autre?
Ann: Par rapport au personnage du loup notamment mais aussi parce qu’on voulait partir d’une histoire que tout le monde connaissait et comprenait car ce que l’on nous reprochait souvent c’était justement de n’être pas assez compréhensible dans ce que l’on faisait. Inutile de dire qu’avec “Le Petit chaperon rouge” on était certains d’être compris.
Dans le film, on revoit avec plaisir Jean-Jacques Rausin aperçu dans “Juste la lettre T” en même temps que l’on découvre la pétillante Ana Cembrero Coca. Ce sont des choix de casting?
Raphaël: Pas vraiment. En fait l’idée dé départ du film était de faire un troc de talents entre nous deux et un autre couple d’artistes, Ana (le chaperon) et Jorge (le chef-opérateur). Ils font des films de danse, elle est danseuse-chorégraphe, réalisatrice et lui est chef opérateur, réalisateur. Le troc consistait à partir à quatre quelque part et à réussir à faire deux films, chacun travaillant pour l’autre. Donc “La Version du loup” a été écrit en fonction d’Ana qui allait jouer le chaperon. Après, pour le loup, le choix de Jean-Jacques Rausin s’est vite présenté à nous vu qu’on l’avait déjà vu jouer.
En parlant des comédiens, Ann, dans “Dernière partie” tu joues mais tu n’as plus joué depuis. Est-ce un hasard ou une volonté?
Ann: C’est une volonté, parce que c’est assez compliqué d’être à la fois devant et derrière la caméra. Je sais qu’il y a pas mal de gens qui le font mais moi, je n’aime pas trop. J’ai joué une période mais le jeu était vraiment une transition vers l’écriture et vers la réalisation. Aujourd’hui, je sais que je me sens bien plus à ma place derrière la caméra que devant.
Quelques mots sur “Fable domestique” votre prochain film?
Ann: Cela se passe dans une maison, dans un univers onirique et métaphorique. C’est un voyage à travers le sentiment de jalousie. L’idée était de partir de quelque chose de banal, quelque chose que tout le monde a déjà vécu. Partir d’une réalité psychologique et ensuite de la traiter à l’aide d’une métaphore.
Raphaël: Pour ce film, ce qui est intéressant c’est que c’est un casting de gens qu’on ne connaît pas du tout. On tourne cet été. On est en repérage.
Synopsis : Ingrid, jeune archéologue appelée par le département pour effectuer une investigation dans une chapelle située sur un domaine privé, débarque dans un espace hors du monde. Les deux autochtones coexistent dans une relation ambiguë et suivant des codes compris d’eux seuls. La présence d’Ingrid dans cet univers jusqu’ici préservé, va peu à peu pervertir le jeu de Redwann et Lise, jusqu’à le rendre impossible.
Réalisation : Ann Sirot, Raphaël Balboni
Scénario : Ann Sirot, Raphaël Balboni
Genre : Fiction
Durée : 15′
Année : 2008
Pays : Belgique
Image : Stéphane Boissier
Son : Arnaud Calvar
Montage : Nicolas Rumpl
Montage son : Julien Mizac
Mixage : Julien Mizac
Musique : Benoît Fromentin
Continuité : Aurélia Balboni
Interprétation : Cécile Cozzolino, Ann Sirot, Alfredo Fernandez Atienza
Ce soir, le palmarès du 64ème festival de Cannes a fait connaître ses lauréats du court métrage, parmi les 9 films retenus en compétition officielle. Voici les deux lauréats.
Palme d’or : Cross réalisé par Maryna Vroda (France, Ukraine)
Synopsis : Un garçon est forcé à courir, puis court de lui même, puis regarde un autre courir.
Prix du Jury : Badpakje 46 (Maillot De Bain 46) réalisé par Wannes Destoop (Belgique)
Synopsis : Chantal, une fille potelée de douze ans, peine à trouver sa voie dans la vie. Elle n’a pas beaucoup d’amis et à la maison seul son beau-père lui apporte un peu de réconfort comme elle ne s’entend pas avec sa mère et son beau-frère. Ce n’est qu’à la piscine locale, où elle s’entraîne de manière intensive, qu’elle se sent vraiment bien. Mais quand elle a besoin de nouvelles lunettes protectrices, tout ne se passe comme prévu et elle met tout en oeuvre pour les obtenir.
Ce film n’a pas suffisamment retenu l’attention de Michel Gondry et de ses acolytes mais il nous a tapés dans le bon œil. Présenté à la Cinéfondation, Der Wechselbalg (L’Echange) de Maria Steinmetz est un conte animé cruel et visuel, investi par les trolls et les représentations médiévales et religieuses.
Un homme et une femme chevauchent les plaines nordiques, tenant un bébé dans leurs bras. Un grand troll croisant leur chemin délaisse sa propre progéniture et enlève l’humain emmitouflé dans ses couches. Son petit troll échoue quant à lui dans les bras du couple, la femme le prenant en affection et en substitut de sa propre chair. En rentrant dans leur village, ils se heurtent au rejet et à la haine des habitants, considérant le troll comme une incarnation du diable. Peu à peu, l’homme, en proie au chagrin et à la culpabilité, se met à se détacher de son épouse et à rejeter son petit troll alors que la femme voit redoubler son instinct maternel.
Der Wechselbalg s’inspire d’un récit (“L’Echange’) issu du recueil Des Trolls et des Hommes de l’écrivain suédois Selma Lagerlöf portant sur un échange à la naissance entre humains et trolls, sur fond d’intolérance et de superstitions populaires que la réalisatrice, diplômée en animation à la HFF “Konrad Wolf”, aimait lire enfant et rêvait d’adapter pendant sa formation.
Avec son film de fin d’études, elle concrétise cette idée chère tout en s’autorisant une réelle liberté. L’histoire de Lagerlöf n’était qu’écrite, Steinmetz la fait gagner en intensité de différentes manières. Au niveau visuel déjà, plusieurs trouvailles bien amenées déjouent nos attentes de spectateurs blasés : le graphisme, épuré, est sidérant, les visages et les corps des personnages sont médiévaux à souhait, les icônes religieuses délaissent les églises et les manuels le temps d’un film, les reproches deviennent typographies et indécollables, à l’image d’un point d’interrogation refusant de quitter le pied de la femme.
Vers la fin du récit et du film, l’homme retrouve son enfant naturel qui se met à lui raconter la vie qu’il a vécue. Ses expériences sont semblables à celles de l’enfant troll : le dédain et les tentatives d’assassinat du père, le secours de la mère, la proximité avec le feu. Pour illustrer cette similarité, Maria Steinmetz crée une construction en miroir, sur deux niveaux, accompagnant l’évolution du temps par un travelling latéral. Par la même occasion, elle nous renvoie au fait que malgré nos différences, nous sommes tous les mêmes. Et puis, son histoire reprend le dessus. Comme il s’agit d’un conte, tout rentre dans l’ordre et les familles se recomposent. Tout est bien qui finit bien, merci pour votre attention, au revoir et à la prochaine. Minute, papillon. L’espace d’un film, un sujet original, un esthétisme différent et un plaidoyer pour l’amour, la tolérance et la différence se donnent la main. On en redemande tant on est sous le charme.
Le Jury de la Cinéfondation et des courts métrages, présidé par Michel Gondry et composé de Julie Gayet, Jessica Hausner, Corneliu Porumboiu et João Pedro Rodrigues, a décerné vendredi les prix de la Cinéfondation lors d’une cérémonie salle Buñuel avant la projection des films primés.
Le programme comprenait cette année 16 films d’étudiants en cinéma venus d’Asie, d’Amérique et d’Europe, sélectionnés parmi près de 1 600 candidats.
Premier Prix : Der Brief (La lettre) réalisé par Doroteya Droumeva – dffb, Allemagne
Synopsis : Un jour Maja découvre qu’elle est enceinte. Le film explore la situation selon son point de vue, nous faisant assister au moment où elle tente de déchiffrer ce qui lui arrive. Maja écrit alors une lettre mystérieuse…
Deuxième Prix : Drari réalisé par Kamal Lazraq – La Fémis, France
Synopsis : Casablanca, Ghali et Mohammed. Chronique d’une amitié entre deux jeunes hommes issus de milieux sociaux diamétralement opposés.
Troisième Prix : Ya-Gan-Bi-Hang réalisé par Son Tae-gyum – Chung-Ang University, Corée du Sud
Synopsis : Un garçon qui n’a d’autre famille que son frère aîné couche avec un homme pour de l’argent. À court d’espèces, l’homme suggère une nouvelle rencontre pour le lendemain et lui demande son numéro de téléphone. Mais le portable du garçon est confisqué par son frère qui refuse de le rendre.
Les films primés reçoivent une dotation de 15 000 € pour le premier prix, 11 250 € pour le deuxième et 7 500 € pour le troisième.
Grand Prix Canal+ du court métrage : BLUE de Stephan Kang (Nouvelle-Zélande)
Synopsis : Autrefois, BLUE était une mascotte en peluche pour enfants à la télé. Aujourd’hui, il est serveur dans un restaurant asiatique et essaie de garder son travail. Il sourit tout le temps quand il sert ses clients. Parfois des gens le reconnaissent, mais c’est rare. Un jour il reçoit une mauvaise nouvelle.
Prix Découverte Kodak du court métrage : Dimanches de Valéry Rosier (Belgique)
Synopsis : Les dimanches et l’homme face au temps qui passe. Le temps libre qu’on tente de remplir à tout prix. Que l’on observe passer, avec rire ou avec ennui.
Jury : Jerzy Skolimowski (Président), Gitanjali Rao (réalisatrice, Inde), Àlvaro Brechner (réalisateur, Uruguay) Sylvie Pras (Responsable des Cinémas du Centre Pompidou, France) et Huh Moonyung (programmateur au Festival international du Film de Busan, Corée du Sud).
Synopsis : Alex et Cerise s’aiment d’un amour joyeux. Un après-midi, autour d’un verre en terrasse, Alex est agressé devant Cerise, et la peur l’empêche de réagir. Alors que Cerise fait de cette histoire une simple anecdote, Alex la vit comme une réelle humiliation.
Et si son amour-propre le faisait passer à côté du bonheur ?
Jury : Laurent Heynemann, Gérard Krawczyk, Christine Laurent, Benjamin Legrand et Bertrand Tavernier, cinéastes de la SACD.
Décerné depuis 1995 par l’Association des Cheminots Cinéphiles qui assiste aux projections de la Semaine de la Critique, le Rail d’or a décerné ses prix cannois 2011 à Las Acacias, film argentin et espagnol de Pablo Giorgelli (Grand Rail d’or), et à Junior, court-métrage français de Julia Ducournau (Petit Rail d’or), récompensés parmi les sept films et dix courts métrages de la section parallèle du festival de Cannes.
Synopsis : Justine, dite Junior, 13 ans, des boutons et un sens de l’humour bien à elle, est un garçon manqué un brin misogyne. Alors qu’on lui a diagnostiqué une gastroentérite fulgurante, le corps de Junior devient le théâtre d’une métamorphose étrange…
Avec son film de deuxième année, Saba Riazi, étudiante à la NYU, dessine un portrait attachant et léger sur l’austérité des mœurs en Iran et ce faisant, pose un regard sensible sur la condition de la femme, la dualité traditions/modernité et la place de la jeune génération « informée » dans le contexte d’une nation marquée par le conservatisme.
« The Wind is blowing on My Street » se base sur une prémisse simple : la rencontre entre une jeune fille qui se retrouve sans voile dans la rue (une faute bien plus grave que fumer une cigarette en public) et son jeune voisin qui lui tient compagnie pendant tout ce temps. Au cours du film, le récit se balade entre deux aspects de la jeunesse iranienne actuelle : d’une part, la fuite des cerveaux et l’envie de partir, d’autre part, le désir de rester, tout en étant conscient de ce que la société impose.
Bien loin de s’attarder sur les éléments politiques qui découleraient forcément de cette thématique, la réalisatrice les frôle seulement et concentre son scénario plutôt sur la communication entre les deux personnages, sur un échange de sensibilités et de points de vue non pas contrastants mais complémentaires. S’ajoute à ceci un jeu d’acteur frais et naturel, et le résultat est un court métrage très digeste, sans prétention sociologique aucune, qui réussit tout de même à provoquer une réflexion complexe sur la manière parfois unidimensionnelle dont le monde islamique est perçu et représenté : une démarche d’autant plus pertinente dans le contexte de « l’Insurrection verte » lors de laquelle ce film a été réalisé.
Synopsis : Six musiciens profitent du départ d’un couple de personnes âgées pour investir leur appartement et donner à partir de simples objets, un concert.
Réalisation : Ola Simonsson, Johannes Starjne Nilsson
Scénario : Ola Simonsson, Johannes Starjne Nilsson
Genre : Fiction
Durée : 10′
Année : 2002
Pays : Suède
Image : Johannes Starjne Nilsson, Charlotta Tengroth et Robert Blom
Son : Hakon Gapestad
Montage : Johannes Starjne Nilsson, Ola Simonsson
Musique : Ola Simonsson, Magnus Borjeson
Interprétation : Johannes Björk, Magnus Borjeson, Marcus Haraldson, Barbro Gustafson Löfgren.
Depuis 1992, deux enfants terribles suédois, Ola Simonsson et Johannes Starjne Nilsson, commettent des « attentats » filmiques. A quarante ans passés, les deux amis (qui se connaissent depuis l’enfance) n’en ont visiblement pas fini de jouer les sales gosses joyeux. « Music for One Apartment and Six Drummers », signé par ces trublions nordiques en 2002, est désormais devenu un classique du court métrage.
Tout commence comme dans un film de Tarantino… Dans une bagnole rouge, six personnages en quête d’un mauvais coup attendent. Tic tac. Ça ne rigole pas du tout, et pourtant ça nous fait déjà rigoler. Ces six là, il faut bien le dire, ont ce que l’on appelle des « gueules ».
Alors que l’on s’attend tout naturellement à un casse en bonne et due forme dès que les petits bourgeois sortent de chez eux pour promener chien-chien, les « truands », imperturbables commencent à investir chacune des pièces de l’appartement pour… battre la mesure. Nos truands ne sont en réalité rien d’autre, mais c’est déjà beaucoup, que six batteurs déjantés bien décidés à se servir de tout ce qui leur passe sous la main pour faire un joli et mélodique boucan. Aspirateur et mixer, brosse à dents et brosse à chiottes, tiroirs et miroirs, rien n’est laissé au hasard. Au programme, quatre pièces musicales : Rondo culinaire, Fantaisie pour salle de bains, concerto pour ensemble de chambre, boléro de salon.
Entre thriller anarchique et expérimental-feel-good-movie, Music for One Apartment fait évidemment la part belle au son. Le travail sur le montage sonore sublime les compositions délirantes et leur donne une justesse mélodique exceptionnelle. Mais le soin apporté à l’image n’est pas non plus en reste. Et c’est là, la géniale idée de cette folle entreprise que d’être tout à la fois un petit joyau pour les oreilles et pour les yeux : mise en scène dynamique, cadres audacieux et, on l’a dit, présences charismatiques de ces percussionnistes hors du commun prenant leur intervention très très au sérieux.
Cette opération de braquage acoustique de 10 minutes a donné naissance, il y a peu (2010), à une opération de terrorisme acoustique de grande envergure avec Sound of Noise, le premier long métrage de nos Suédois allumés. Une semblable brutalité sonore, il est vrai qu’on en redemandait, voilà qui est fait. A bon entendeur…
On connaissait déjà le penchant du tandem Sirot-Balboni pour l’étrange et le décalé. Mais si l’univers des deux artistes s’engouffrait dans les méandres d’un psychologisme angoissant dans « Dernière partie » et « Juste la lettre T », avec « La Version du loup », sélectionné en compétition nationale au Festival du court métrage de Bruxelles où il a remporté une Mention spéciale Prix BeTV, le ton change radicalement. Le film revisite joyeusement le célébrissime conte du « Petit chaperon rouge ».
On a tous plus ou moins grandi avec l’histoire du « Petit Chaperon rouge » comme livre de chevet. Ann Sirot et Raphaël Balboni le savent très bien et s’en amusent. Il existe d’innombrables adaptations du conte, certaines plus coquines que d’autres mais aucune ne semble vouloir donner la parole au loup. C’est que cet être velu à la langue pendante, aux dents aiguisées et capable de se travestir pour arriver à ses fins, a traumatisé des générations d’enfants. C’est sans compter la tendresse particulière que les artistes portent à l’animal auquel ils rendent justice dans une version un brin déjantée.
Avec ce troisième opus, le couple affirme sa volonté de faire un cinéma hybride et atypique, mêlant des affinités respectives, celles du cinéma pour lui et du théâtre pour elle. Ainsi, le récit se retrouve démystifié dès les premières images présentant un Petit Chaperon rouge bien plus espiègle que celui de Perrault. Ici, la fillette se rend en barque chez sa mère-grand et un dynamique Django Reinhardt vient donner le ton et la distance adéquate pour savourer cette fable réadaptée. C’est que 68 est passé par là et le loup se retrouve confronté à l’émancipation d’un Chaperon à l’accent ibérique qui, en quelques répliques bien senties, défie les envies du quadrupède poilu.
Délicieusement interprété par Jean-Jacques Rausin et Ana Cembrero Coca, dans un genre complètement assumé, proche de celui d’Abel et Gordon, les réalisateurs montrent l’envers du décor, les coulisses du cinéma où dans cette traduction burlesque la jeune fille enfile les habits de son « abuela » pendant que son comparse aux grandes dents se retrouve tout de rouge vêtu. Mais loin d’entretenir des rapports conflictuels, les deux protagonistes semblent au contraire nourrir de tendres sentiments l’un pour l’autre. Echanges de bons procédés et si le loup aspirait à une romance tout simplement ?
Synopsis : Comme dans le conte traditionnel, le loup convoite le petit chaperon rouge et se déguise pour arriver à ses fins. Mais dans cette version, le loup, lassé de sa cruelle réputation, rétablit la vérité et dévoile un petit chaperon plus espiègle que la candide fillette de la légende.
Réalisation : Ann Sirot et Raphaël Balboni
Scénario : Ann Sirot
Genre : Fiction
Durée : 10′
Année : 2010
Pays : Belgique
Image : Jorge Piquer Rodriguez
Montage : Nicolas Rumpl & Raphaël Balboni
Montage son : Julien Mizac
Interprétation : Ana Cembrero Coca, Jean-Jacques Rausin
Un titre génial, un visuel de folie, une chronologie inversée, un destin individuel broyé par un régime intolérant en place. « Killing the Chickens to Scare the Monkeys » de Jens Assur, cadeau filmique repéré et offert ces jours-ci par la Quinzaine des Réalisateurs, illustre sans concessions une Chine impitoyable et mécanique et ses conséquences sur la vie d’une jeune enseignante anonyme. Le tout en neuf fragments non linéaires.
“Dépêchez-vous, nous n’avons pas beaucoup de temps.” Ainsi s’ouvre le scénario fictionnel de Jens Assur, photographe-cinéaste suédois. Si des individus se pressent effectivement devant la caméra, c’est pour assister à un spectacle inédit : une mise à mort programmée d’ennemis d’Etat, accusés de complot contre le pouvoir. Pour ce faire, les amateurs de sensations glauques, dont c’est la première fois pour certains, ont revêtu leurs plus beaux costumes et embarqué leurs appareils photo pour la séquence souvenir.
Cette première scène, extrêmement troublante, dure plus de dix minutes. Le film pourrait s’arrêter là et ferait déjà un très bon court métrage. Seulement, Jens Assur va plus loin : il propose huit autres tableaux dans lesquels un personnage féminin, dont on découvre le passé d’enseignante, se précise au fur et à mesure. Le film est construit à l’envers, permettant ainsi de retracer la vie de cette femme, victime d’un système qui a décidé d’avance de son sort.
“Tuer les poules pour effrayer les singes“ se réfère à la politique du gouvernement chinois de semer la terreur en exécutant les dissidents pour intimider le reste de la population. La création de Jens Assur est à cet égard fascinante tant elle renseigne sur le voyeurisme appuyé et incite le spectateur à sortir de sa torpeur conditionnée et à combler les trous volontairement laissés par l’auteur.
Précédemment, en 2007, Assur avait signé « The Last Dog in Rwanda » qui avait remporté le Grand Prix de la compétition internationale à Clermont-Ferrand. Il y racontait l’histoire d’un photographe de guerre confronté à la mort, à la politique, aux flashbacks et à l’éthique. « Killing the Chickens to Scare the Monkeys » est encore plus intéressant. La Quinzaine a bien fait de le mettre au-dessus de la pile : le film offre par ses images et sa narration éclatée une contribution politique et émotionnelle importante à un combat cher aux défenseurs des droits de l’homme.
Synopsis : « Killing the Chickens to Scare the Monkeys » narre une histoire unique, jamais vue auparavant, empruntée à la vie quotidienne en Chine. Dans un espace grisâtre entre blanc et noir, neuf scènes fortes, qui montrent les conséquences imprévues de la politique nationale sur la vie d’une jeune femme.
Pista se plaint auprès d’un commissaire de police de vols commis dans son champ. Face à l’officier, il se montre impatient et râleur. Une fois rentré chez lui, il pourchasse un ami de sa fille, donne des ordres à sa femme, et bat Feri, son homme à tout faire.
Projeté à la Quinzaine des Réalisateurs, « Csicska » (Beast) du Hongrois Attila Till est traversé par une photo magnifique, un sujet tragique et un impact indiscutable. Le film dépeint l’autorité exercée et la peur insufflée par un homme sur sa famille et sur son esclave personnel, un jeune homme acheté à bas prix. Violence domestique, verbale, et gestuelle sont au rendez-vous de ce film pourvu d’une rudesse et d’une tension permanentes.
Le « Csicska » d’Attila Till est rural, froid, sombre, intense. On monte à plusieurs sur la motocyclette, on tire sur les hommes comme sur des lapins (scène incroyable et terriblement humiliante du père apprenant à ses enfants à tirer sur des cibles humaines, dans l’indifférence la plus générale), on tombe enceinte en étant mineure, on baise en chaussettes devant une photo de mariage, on fait respecter les traditions et on veut faire la loi avec un bâton pendant que les moutons ont le sommeil difficile.
Le film s’infiltre au sein d’une cellule familiale pas comme les autres dans laquelle toute tentative de rébellion face à la figure du père se révèle caduque. À y regarder de plus près, on se demande même si les personnes entourant Pista osent vraiment changer l’état des choses tant la noirceur, la crainte et la dénonciation sont monnaie courante autour de lui.
L’ultra réalisme du film, fréquent dans le cinéma de l’Est, frappe d’autant plus que le réalisateur s’est inspiré de situations de dépendance et de soumission chroniquées dans les journaux ou rapportées par des témoins directs. Vu la terreur brute et directe infligée par le maître sur l’esclave, on n’ose imaginer la réalité qui sous-tend le film. Et pourtant, cette terrible histoire de bête humaine offre un nouvel éclairage sur le phénomène de l’esclavage moderne et sur les conditions de vie (et même de survie) dans les campagnes hongroises.
Synopsis : Istvan Balogh, agriculteur hongrois, a le contrôle total de sa femme, de sa famille et de son esclave. Les personnages croisent leur destin tragique à cause de leurs relations extrêmes. Ce film a été inspiré par les souvenirs de personnes qui ont survécu à de telles situations.
Genre : Fiction
Durée : 20′
Pays : Hongrie
Année : 2011
Réalisation : Attila Till
Scénario : Attila Till
Image : Imre Juhász
Son : Csaba Major
Montage : Béla Barsi
Musique : Iván Lantos
Interprétation : Szabolcs Thuróczy, Balázs Szitás, Moni Balsi