Tous les articles par Katia Bayer

Cinéma du Réel : édition 2012

cinema-du-reelDepuis sa création il y a 34 ans, Cinéma du Réel s’est imposé comme le festival de référence du cinéma documentaire en France. À l’écoute de la diversité des écritures, des formes et des idées, il rassemble aujourd’hui un public large, fidèle, attentif et curieux.

Du 22 mars au 3 avril 2012, retrouvez les 11 courts métrages en compétition internationale cette année :

Los animales de Paola Buontempo (Argentine, 8’, 2011) *PM*
Automne de Dmitri Makhomet (France, 26’, 2012) *PM*
Dochters (Daughters) de Marta Jurkiewicz (Pays-Bas, 23’, 2011) *PI*
Dusty Night de Ali Hazara (Afghanistan, 20’, 2011) *PM*
Earth de Victor Asliuk (Biélorussie, 33’, 2012) *PM*
Four Months After de Yuki Kawamura (France – Japon, 12’, 2011) *PM*
Henry Hudson and His Son de Federico Vladimir Strate Pezdirc (RU – Espagne, 20’, 2011) *PM*
Kako sam zapalio Simona Bolivara (The Fuse: Or How I Burnt Simon Bolivar) d’ Igor Drljaca (Bosnie Herzégovine – Canada, 9’, 2011) *PI*
Mekkege karai jol (Way to Mecca) de Asel Zhuraeva (Kirghizistan, 19’, 2011) *PI*
River Rites de Ben Russell (Etats-Unis – Surinam, 11’, 2011) *PF*
Snow City de/by Tan Pin Pin (Singapour / Singapore, 15’, 2011) *PI*

*PM* : Première mondiale
*PI * : Première internationale
*PF* : Première française

www.cinemadureel.org

Les 3 coups de cœur de Pointdoc

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Dans la catégorie « Première création », « Itchombi » de Gentille M.Assih a su séduire le jury et « Au prix du gaz » de Karel Pairemaure a su toucher le public.

Quant à la catégorie « Film jamais diffusé », « (3) promesses » de Sébastien Balanger remporte à la fois les suffrages du jury et du public.

Trois autres films ont également attiré l’attention des membres du jury et suscité des mentions spéciales : « Au prix du gaz » de Karel Pairemaure, « Dans l’ombre » de Bart S. Vermeer et « Vu le candidat » de Seb Coupy et Bertrand Larrieux.

Les trois films « primés » seront diffusés sur grand écran lors de la soirée de clôture du festival le vendredi 16 mars à la salle Jean Dame à Paris (sur réservation, nombre de places limité).

Le site : festivalpointdoc.fr

Marc Boyer : « Le court métrage est peut-être le dernier espace de liberté d’expression visuelle où l’on peut aborder tous les thèmes sans limite et sans la contrainte économique des sponsors »

Lardux Films a 20 ans. À cette occasion, le 34éme Festival du court métrage de Clermont-Ferrand a ouvert un programme spécial de rétrospective retraçant en quelques œuvres l’esprit d’une maison de production particulière. Format Court s’est joint à la fête pour lui souhaiter un bon anniversaire et rencontrer Marc Boyer, producteur et co-fondateur de Lardux.

Format Court : Comment est né Lardux Films ?

Marc Boyer : En 1992, nous avons fondé Lardux avec Christian Pfohl et Isabelle Chesneau. À la fin des années 80, Christian et moi avions réalisé une série de court en pixilation pour Canal + qui mettait en scène un peintre dans son atelier qui n’arrivait pas réaliser des toiles, son nom était Lardux. À l’époque, tout le monde nous appelait les Lardux et donc nous avons naturellement gardé le nom pour la boite de production. Les premières années, nous avons surtout fonctionné avec nos propres réalisations, puis nous avons commencé à produire certains de nos amis qui avaient travaillé sur la série « Lardux ». En 1995, nous avons intégré ces gens au sein de la structure, et Lardux est devenu une sorte de collectif de production jusqu’en 2003 où nous avons fait en partie faillite. C’était très compliqué de fonctionner en collectif, et il a fallu remonter la boite en partant de zéro avec les trois fondateurs. Nous nous connaissons très bien et depuis longtemps, et aujourd’hui nous avons un fonctionnement très libre avec beaucoup de confiance entre nous.

Lardux, c’est combien de films ?

M.B. : En 20 ans, on a produit plus de 70 courts et moyens métrages, quatre longs, cinq séries, mais aussi quelques installations multimédia pour des musées. Pour la diffusion hors festivals et salles, on a fait le choix de mettre la plupart des films en ligne sur le site lardux.com. Quand on voyait ce que rapportaient les courts métrages en VOD, ça nous a paru une aberration.

Comment choisissez vous de travailler avec un artiste ?

M.B. : Uniquement par copinage et corruption ! (rires) Non, on a l’habitude de travailler avec certains réalisateurs depuis des années, parfois 10 ou 15 ans. De temps en temps, on en rencontre de nouveaux, surtout pendant les festivals. C’est important les rencontres, le contact humain. S’il y a des affinités et un bon scénario en plus, alors on peut envisager de faire quelque chose. Mais nous ne courons pas après les nouveaux réalisateurs en permanence, nous préférons être fidèle avec les gens avec qui on a l’habitude de travailler pour continuer à développer un vrai travail artistique de fond sur plusieurs œuvres.

Vous produisez assez peu de fictions, pourquoi ?

M.B. : Au début, on en produisait pas mal, mais finalement, on a abandonné à un moment où nous avons perdu pas mal d’argent. L’animation, c’est ce que nous faisons depuis toujours et c’est aussi ce qui nous a permis de nous relancer. Concrètement, nous n’avons jamais perdu d’argent avec l’animation. Aujourd’hui on fait surtout de l’animation, de l’expérimental, et aussi beaucoup de documentaires.

Vous produisez souvent des films avec des univers très forts. Quelle est votre ligne éditoriale ?

M.B. : Nous avons commencé avec des films assez burlesques et absurdes, et c’est une idée que nous avons toujours gardée. Nous avons aussi toujours aimé des films à l’écriture assez poétique, comme ceux de Chris Marker. D’ailleurs notre première structure à l’époque où nous étions étudiants s’appelait « 24 poètes seconde ». C’était une association qui nous permettait de gérer notre matériel, de payer des fournisseurs où des laboratoires. Pendant longtemps, c’est resté le partenaire de nos films puisque l’association louait le matériel à Lardux. Et puis avec le temps, on s’est mis à produire des films plus militants, surtout des documentaires avec un travail de recherche de fond sur des sujets plus politiques, économiques ou sociaux. Il y a aussi les films de Pierre Merejkowsky qui a réalisé des fictions sur la perte du militantisme et sur la nature de l’être humain posant plein de questions fondamentales. Il y a ceux de Stéphane Elmadjian qui sont des films de montage très fort comme Je m’appelle où on est entre le poétique et le film militant. Et puis, il y a une autre branche qui s’est développé et qui est peut être plus personnelle pour moi autour de la danse contemporaine avec le réalisateur scénographe Gilles Delmas. Il y a une identité très forte de Lardux dans tous les films que nous produisons, des univers originaux et forts qui sortent des sentiers battus. C’est un peu notre philosophie générale. Ce n’est écrit nulle part mais ça nous met toujours d’accord naturellement.

« A propos d’Eric P. »

Vous fêtez vos 20 ans à Clermont-Ferrand. Quel est votre rapport avec le festival ?

M.B. : Cette année nous n’avons pas de films en compétition mais une rétrospective, un film dans la carte blanche Kazak et un autre programme que nous sortons en salle avec Le jardinier qui voulait être roi. Nous sommes très attaché au court métrage qui est peut-être le dernier espace de liberté d’expression visuelle où l’on peut aborder tous les thèmes sans limite et sans la contrainte économique des sponsors. C’est aussi agréable de se ressourcer à Clermont, de faire des nouvelles rencontres, de conseiller des jeunes qui sont dans les écoles. Nous venons içi depuis longtemps, et nous connaissons bien Clermont. En 2002, nous sommes venu avec Merejkowsky pour son film A propos d’Eric P. Pierre a alors réalisé un film critique sur le festival où il disait que les gens sont toujours vendus. A un moment il est monté sur scène pour haranguer la foule sur des questions politiques et il a filmé tout ça en direct. C’est un film très drôle sur le festival qui s’appelle Vous vous levez et ils applaudissent, même si je pense qu’il a un peu agacé ici.

Lardux Films a-t-il changé en 20 ans ?

M.B. : Nous sommes plus vieux et plus fatigués mais je crois que nous faisons mieux les choses, plus efficacement. Par contre, on encaisse beaucoup moins facilement les soirées de fête du festival.

Que préparez-vous pour cette année ?

M.B. : Nous avons trois films d’animation en fabrication : un de 25 minutes de Anne-Laure Daffis et Léo Marchand avec qui nous avons déjà réalisé quatre films, un septième film en 3D de Jérôme Boulbès, et un film avec des auteurs avec qui nous débutons Benoît Guillaume et Barbara Melville. Et puis, nous avons des documentaires, une série pour le web d’Arte, un film sur Akram Kahan, un autre sur Sankara… J’en oublie mais c’est un chantier permanent.

Propos recueillis par Xavier Gourdet

Opowieści z chłodni (Récits de chambre froide) de Grzegorz Jaroszuk

Regarde la neige tomber

C’est comme si on s’asseyait dans un café autour d’une table en bois dépolie, présidée d’une lampe tout droit sortie d’un salon d’antiquaire. C’est comme si, là, on décidait de poser la plume pour quelques instants et qu’on confiait sa pensée aux souvenirs et à la puissance émotionnelle qu’ils contiennent. On visualiserait sans doute une envolée en noir et blanc de pigeons sur la place centrale d’une grande ville, leurs ailes pourfendant le ciel et contrecarrant le vent glacial de l’hiver. On demeurerait pensif, pour le plaisir, au cours de cette échappée mentale où un paysage polaire par la vision intérieure se dessinerait et réchaufferait le cœur. Puis les mains, elles, se frotteraient jusqu’à trouver l’énergie sanguine suffisante à l’écriture. À ce moment précis, la chaleur inspiratrice de l’intérieur se mêlerait, sans évidence mais inévitablement, avec l’inertie de l’extrême froideur du dehors.

De cette même sensation thermique contradictoire procède le court métrage « Récits de chambre froide » (Opowieści z chłodni) écrit et réalisé par Grzegorz Jaroszuk. En compétition au Festival de Clermont-Ferrand, le film relate la naissance des sentiments chez deux individus complètement paumés, employés dans un supermarché où les réfrigérateurs ne servent pas seulement à garder les aliments au frais. Décrivant des situations grotesques, le cinéaste éclaire la dépression ambiante du monde du travail, animé d’une conscience épatante des cadrages et d’une ironie jubilatoire. Entre frissons de la dépression et douceurs du désir.

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Flocons de mise en scène

Le premier ressort de l’ironie dans Récits de chambre froide vient des situations dans lesquelles sont plongés les deux personnages principaux, joués avec justesse par Justyna Wasilewska et Piotr Żurawski. Le film ressemble d’abord à une fable; deux individus reçoivent, pour la troisième fois consécutive, le titre de “pires employés du mois”. Leur patron, typique sexagénaire flanqué derrière son large bureau, les invite dans son office, use alors de son autorité pour leur permettre de trouver un “but” — entendez par là, une raison de vivre – à la suite de quoi, pour répondre à cette requête existentielle, les deux mal-aimés décident de s’inscrire à l’émission de divertissement télévisuel intitulée “L’individu le plus malheureux”. Le schéma scénaristique, dont les lignes ne manquent pas d’audace pour un film d’école, se fonde donc sur des situations cocasses, tant la dépression qui anime la fille et le garçon est décrite volontairement à grosses touches, dénonçant cruellement le pouvoir excessif des grands sur les faibles.

Les deux protagonistes ont des tares qui les dépassent, sources de leur mal-être mais également sources inévitables de comique pour le spectateur : lui est un garçon si commun qu’on le prend toujours pour un autre. Elle est une fille complexée, capable de rester huit heures de suite à regarder la neige tomber et obligée de s’occuper d’un chat alcoolique. Grzegorz Jaroszuk ose donc dans l’écriture partir de caractères d’antihéros, plutôt irréalistes, pour mieux traiter de l’absurdité du présent.

La mise en scène, loin de contrevenir à cette dimension irréaliste, semble au contraire la rendre encore plus palpable. Jaroszuk use d’une scénographie “froide”, au sens d’une quantité restreinte de plans très composés, souvent fixes et distanciés des personnages. Les acteurs sont souvent perdus dans un univers qui les dépasse et cette manière d’aborder les personnages souligne cette sensation. Le son est également à l’épreuve de la mélancolie des personnages tant il joue le rôle de commandement extérieur et actif. Il s’agit souvent de son off, parole quasi-divine du directeur du supermarché, parlant à ses employés comme une ombre omnipotente (à noter également l’importance du téléphone portable).

Par conséquent, le grotesque vient alors du décalage qui se trouve entre le désespoir ambiant et les solutions trouvées pour le réduire, entre fausse puissance et vraie servitude, entre la mise en scène d’une froideur extrême et l’humanité qui en émerge. Ces décalages sont progressivement remplacés par une autre dimension — assurément moins jubilatoire que la première, davantage présente dans la deuxième moitié du film, à savoir la romance.

Cristaux de romance

Nombreux sont les films venus de Pologne où quelques dimensions romantiques se confondent avec le tragique; la romance est dans ce pays une peau culturelle inattaquable. « Récits de chambre froide » ne fait pas exception à la règle car, derrière la tragédie sociale de ses deux protagonistes, le film se tourne quelque peu vers le romantisme — à la surprise du spectateur, ivre d’humour noir. Comme pour clore une tragédie trop caricaturale mais irrésistible, le cinéaste rend sensible une jolie et lente émergence des sentiments, d’abord traitée sur un ton glacial jusqu’au ralenti final qui survient comme une libération pour les personnages. De la fable tragi-comique surgit l’inattendue histoire d’amour.

En effet, la complicité du duo d’acteurs est mise en évidence très tôt, déjà lorsque les deux personnages prétendent face à leur patron ne posséder ni l’un ni l’autre de téléphones portables; les regards échangés par les deux individus trahissent une proximité naissante. Le garçon n’hésite pas, par la suite, à formuler des avances à la fille, en proposant par exemple de sauver son chat de l’alcoolisme et finit en disant : « Non, en fait, je ne connais aucun moyen de le réhabiliter ». La maladresse de la démarche fait naître le rire mais témoigne également d’une tentative d’accepter le jeu social tout en le dénonçant finalement. L’extrême sincérité des personnages, ce rapport plein envers la réalité, pointe par rebours ce qui fait habituellement partie du rituel de séduction, à savoir le jeu et la conscience de soi. Ici, rien de tout ça, les quelques tentatives du garçon sont d’emblée trop évidentes et marquées par un déficit de confiance. Des traits comiques évidemment irrésistibles.

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Néanmoins, le rebondissement de la fin — qu’on peut qualifier de chute puisqu’il s’agit tout de même d’une comédie — figure le rapprochement réel des deux personnages, leur lancée dans une trajectoire commune. La séquence finale est la suivante: la fille s’était enfermée dans la chambre froide du supermarché, désireuse de coupler la mort de son chat avec la sienne propre. À l’extérieur de la chambre froide, les employés sont rassemblés. Son compagnon de déprime est menacé d’être frappé par un autre employé (bien que ceci fût une stratégie de ce dernier pour la faire sortir). C’est alors qu’elle sort fièrement de sa prison de glace et fuit avec le garçon. À ce moment précis, les autres employés du supermarché, complètement stoïques, jouent les rôles à la fois de chœur tragique et de témoins désarmés du renversement de situation; les êtres fragiles ont acquis leur liberté, certes juvénile mais véritable, et font la nique à ceux qui possèdent comme à ceux qui acceptent.

L’amour, ou bien simplement son éveil, intervient comme libérateur. Cette idée, qui pourrait paraître a priori pathétique, acquiert ici une force étrange et permet à la glace de fondre. Quoique un peu incohérente par rapport au reste du film, l’image des faibles bravant le reste du monde permet d’espérer que le cinéma peut encore pointer les absurdités du monde et réchauffer les cœurs.

Mathieu Lericq

Consultez la fiche technique du film

O comme Opowieści z chłodni (Récits de chambre froide)

Fiche technique

Synopsis : L’histoire grotesque d’une jeune fille et un garçon qui travaillent dans le même supermarché. Élus “pires employés du mois”, ils doivent trouver un but à leur existence et, en seulement deux jours, commencer une vie meilleure et plus significative. À l’aide d’une émission de divertissement populaire.

Genre : Fiction

Durée : 26′

Pays : Pologne

Année : 2011

Réalisation : Grzegorz Jaroszuk

Scénario : Grzegorz Jaroszuk

Image : Marcin Władyniak

Montage : Barbara Fronc

Son : Nicolas de la Vega

Décors : Magda Sabina Samborska

Musique : Michał Marecki

Interprétation : Justyna Wasilewska, Piotr Żurawski, Andrzej Walden, Piotr Trojan, Urszula Gryczewska, Michał Jarmicki, Michał Rzecznik, Bogusław Suszka, Dorota Kiełkowicz, Barbara Dembińska, Paweł Maksym, Zbigniew Błażejewski et Grzegorz Dębowski.

Production : PWSFTViT

Article associé : la critique du film

Festival « Une Nuit Trop Courte » : appel à films

Entièrement organisé par des étudiants de Grenoble Ecole de Management, « Une Nuit Trop Courte » est un festival international de court métrage étudiant, dont la 9ème édition a lieu cette année les 1er, 2 et 3 mars 2012 à Grenoble. Le Festival remet chaque année un prix du jury, mais aussi un prix du public d’une valeur de 1000 euros. Avis aux jeunes réalisateurs! Envoyez vos court métrages avant le 15 février 2012.

Le site du festival : unenuittropcourte.com

Mon amoureux de Daniel Metge

Les personnes handicapées ont-elles droit à une vie sexuelle ? La réponse de Daniel Metge est « oui ». A travers ce troisième court métrage, il nous montre comment cela est possible, avec une grande sensibilité et une certaine crudité.

« Mon amoureux » est l’histoire de deux handicapés, Lorie et Romain, qui s’aiment intensément. C’est aussi l’histoire d’Estelle, la sœur de Lorie, qui décide malgré la proscription de leur mère, d’emmener le couple dans leur maison de campagne afin qu’ils aient leur premier rapport sexuel.

Sur un ton frais et léger, nous suivons ce trio au cœur de la superbe région Rhône-Alpes. Tous les ingrédients sont alors réunis pour qu’on s’y sente bien : plein de bons sentiments entre les deux sœurs et l’amoureux, des chansons fredonnées ensemble jusqu’au village pittoresque où l’on fait les courses, divers enfantillages et gentilles disputes, … Si bien que, même si la suite plus « trash » est assez prévisible, on ressent une réelle sympathie pour ces trois personnages et on se demande d’ailleurs comment, après autant de tendresse, le réalisateur va nous amener à la crudité de l’acte en lui-même.

Vient alors LE moment fatidique où Lorie et Romain souhaitent avoir leur premier rapport sexuel. La situation ne pouvait bien sûr ne pas être simple et devient dérangeante aussi bien pour les trois personnages que pour nous, spectateurs. Les deux amants ne réussissent pas à utiliser le préservatif donné par Estelle et c’est donc à cette dernière de l’enfiler sur le sexe de Romain.

À cet instant-là, il est difficile de déterminer si la scène est particulièrement malsaine ou au contraire, teintée d’une générosité rare de la part de la grande sœur, tant les 15 minutes précédentes se sont révélées charmantes. À entendre les réactions dans la salle de Clermont-Ferrand, le malaise est bel et bien là, comme s’il s’agissait d’une blague de mauvais goût.

Malgré la gêne qui reste gravée dans les esprits à la sortie du film, Daniel Metge et ses producteurs (ndlr : Alexandre Charlet et Jonathan Hazan aux Films du Cygne) ont su toucher les spectateurs. Non seulement le film est gracieusement applaudi en salle par le public, mais il a reçu jeudi dernier le Grand Prix France Télévision remis par Denis Lavant durant le Festival de Clermont-Ferrand.

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Par ailleurs, le film remporte son pari : lancer un débat, voire pointer du doigt une réalité concernant les relations amoureuses et sexuelles entre personnes handicapées grâce à une fiction aux accents poétiques plutôt qu’au travers d’un documentaire. On notera à cet égard l’allusion négative faite à certains centres pour personnes handicapées où les rapports sexuels sont apparemment et anormalement interdits.

Le jeu des comédiens est également à remarquer. Leur interprétation est effectivement dotée d’une justesse singulière, Grégory Givernaud et Miss Ming en couple d’handicapés sont particulièrement bluffants : leur jeu est si performant qu’on se demande jusqu’à la fin de film si de vrais handicapés jouent devant la caméra ou non.

Certes, certains dialogues et plans peuvent sembler un temps soit peu surfaits dans la narration du film ou bien surviennent en doublon par rapport aux images, certes, on craint initialement d’assister encore à un autre film sur les handicapés avec la contestation habituelle et moralisante qu’ils « ne sont pas différents des autres ». Au final, « Mon amoureux » s’en sort plutôt bien, le thème de l’handicap étant traité à la fois plus délicatement et plus crûment, surtout lorsqu’il aborde le sujet tabou de la sexualité.

Camille Monin

Consultez la fiche technique du film

M comme Mon amoureux

Fiche technique

Synopsis : Romain, c’est mon amoureux. On s’embrasse avec la langue. On va se marier, on va vivre ensemble et on va avoir des enfants. On va même avoir des rapports sexuels. Mais bon, aux Eglantines c’est interdit. Entre résidents, on peut pas. Alors samedi, ma petite sœur elle va venir nous chercher avec sa voiture, et elle va nous emmener en week-end à la campagne. En amoureux.

Genre : Fiction

Durée : 22’40’’

Pays : France

Année : 2011

Réalisation : Daniel Metge

Scénario : Daniel Metge

Image : Thierry Godefroy

Montage : Christian Cuilleron

Son : Mathias Large

Décors : Tony Delattre

Musique : Patrick Marcel

Interprétation : Salomé Stévenin, Miss Ming, Grégory Givernaud

Production : Les Films du Cygne

Article associé : la critique du film

34e Festival international du Court Métrage de Clermont-Ferrand, le palmarès

Compétition Internationale

Grand Prix : Guest (L’invitée) de Ga Eun Yoon – Corée du Sud

Prix Spécial du Jury : Einspruch VI (Protestation VI) de Rolando Colla – Suisse

Mention spéciale du Jury International : A fabrica (L’usine) de Alysson Muritiba – Brésil

Prix du Public : Curfew (Couvre-feu) de Shawn Christensen – Etats-Unis

Prix du Meilleur Film d’Animation : Keha mälu (La mémoire du corps) d’Ulo Pikkov – Estonie

Prix de la Jeunesse : Posledny autobus (Le dernier bus) d’Ivana Laucikova et Martin Snopek – Slovaquie

Mention spéciale du Jury Jeunes International : Opowiesci z chlodni (Contes gelés) de Grzegorz Jaroszuk – Pologne

Prix Canal+ : The Unliving (Les non-vivants) de Hugo Lilja – Suède

Prix des Médiathèques : Tuba atlantic de Hallvar Witzø – Norvège

Compétition Labo

Grand Prix : Il capo (Le chef) de Yuri Ancarani – Italie

Prix Spécial du Jury : Bobby yeah de Robert Morgan – Royaume-Uni

Mention spéciale du Jury Labo : Killing the chickens to scare the monkeys (Pour l’exemple) de Jens Assur – Suède, Thaïlande

Prix du Public : Wind over lake (Contre vents et marées) de Jeorge Elkin – Royaume-Uni

Prix Canal+ : Belly (Ventre) de Julia Pott – Royaume-Uni

Prix du Rire « Fernand Raynaud » : Condenados (Condamnés) de Guillermo Garcia Carsi – Espagne

Compétition Nationale

Grand Prix : Ce qu’il restera de nous de Vincent Macaigne

Prix Spécial du Jury : La sole, entre l’eau et le sable d’Angèle Chiodo

Prix du Public : La France qui se lève tôt de Hugo Chesnard

Prix de l’ACSE (Agence Nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances) : Mollement, un samedi matin de Sofia Djama

Prix de la meilleure musique originale (SACEM) : The monster of Nix (Le monstre de Nix) de Rosto – France, Pays-Bas, Belgique. Musique : Rosto

Prix de la meilleure photographie (Nikon) : Pyskessa de Duncan et Kirran Bruce. Directeur de la photographie : Juan Camilo Olmos

Prix de la Meilleure Première Œuvre de Fiction (S.A.C.D.) ex aequo : Le facteur humain de Thibault Le Texier et Mollement, un samedi matin de Sofia Djama

Prix ADAMI d’interprétation/Meilleure comédienne : Laurie Lévêque dans Petite pute de Claudine Natkin

Prix ADAMI d’interprétation/Meilleur comédien : Sébastien Houbani dans La tête froide de Nicolas Mesdom

Prix du Meilleur Film d’Animation francophone (S.A.C.D.) : Conte de faits de Jumi Yoon – France

Prix de la Jeunesse : Double mixte de Vincent Mariette

Mentions spéciales du Jury Jeunes National : Ce qu’il restera de nous de Vincent Macaigne et La sole, entre l’eau et le sable d’Angèle Chiodo

Prix Canal+ : La mystérieuse disparition de Robert Ebb de Clément Bolla, François-Xavier Goby, Matthieu Landour – France, Royaume-Uni

Prix de la Presse Télérama : Ce qu’il restera de nous de Vincent Macaigne

Prix Procirep du producteur de court métrage : Ecce Films – Emmanuel Chaumet

Mention spéciale du Jury des Médiathèques : Retour à Mandima de Robert-Jan Lacombe – Suisse

B comme Boro in the Box

Fiche technique

Synopsis : De sa conception épique à sa mort cinématographique, le portrait fantasmé et fictif du cinéaste Walerian Borowczyk (dit Boro). Boro-in-the-Box découvre un monde cruel et obscène, de la Pologne à Paris, au cœur d’un abécédaire fantasmagorique.

Genre : Fiction

Durée : 41’

Pays : France

Année : 2011

Réalisation : Bertrand Mandico

Scénario : Bertrand Mandico

Image : Pascale Granel

Montage : George Cragg, Laure Saint-Marc

Son : Laure Arto

Décors : Benoît Serre, Stéphane Rosenbaum, David Artigala, Laurent Fayard

Musique : Erwan Eyck, Frédéric Acquaviva

Interprétation : Elina Löwensohn, Thierry Benoiton, Jacques Malnou, Elise Hôte, Laure Lapeyre, Benoît Serre.

Voix off : Elina Löwensohn

Production : Parisienne de production

Article associé : la critique du film

Boro in the Box de Bertrand Mandico

« Boro in the Box » de Bertrand Mandico, réalisateur habitué du Festival International de Clermont-Ferrand, fait partie de ces œuvres en compétition nationale qui ne vous laissent pas de marbre. Présenté cette année à la Quinzaine des Réalisateurs, le film nous fait pénétrer dans l’univers surréaliste du cinéaste polonais Walerian Borowczyk, et dresse le portrait de cet homme dans un abécédaire répertoriant les grands thèmes qui ont rythmé sa vie et ont déterminé sa carrière d’artiste. Il est le résultat d’une rencontre entre deux cinéastes, parce que la rencontre réelle n’a jamais eu lieu, il s’agit d’une rencontre cinématographique, fantasmée et d’une sorte d’hommage de la part de Bertrand Mandico. Le récit prend la forme d’un témoignage d’outre-tombe d’un artiste oublié, auquel l’actrice roumaine Elina Löwensohn prête sa voix douce et profonde.

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Boro grandit à l’intérieur d’une boîte avec un simple trou en guise d’ouverture sur le monde extérieur. Enfermé dans un corps, lui-même emprisonné dans un cocon familial, le jeune homme n’est d’abord qu’un témoin passif des vices d’une famille aux mœurs douteuses, avant de quitter cet univers asphyxiant et de s’exercer comme créateur, non plus en Pologne mais en France. Se forgeant un regard conditionné par le format de sa boîte, un regard limité par un cadre, Boro semblait destiné à ne voir le monde qu’à travers l’œil d’une caméra. Ne pouvant s’échapper, celui-ci déclare avoir d’abord voulu explorer l’intérieur des choses, et cette boîte semble jouer le rôle d’une caméra qui permet à Boro de s’épanouir, ne faisant plus qu’un avec l’objet, pénétrant ainsi dans les entrailles du cinéma, captant une société à l’écart du monde.

Portrait d’un cinéaste exilé, « Boro in the Box » dépeint une Pologne désolée, terre d’aliénation. La boîte dans laquelle naît et meurt le narrateur est une métaphore qui sert à évoquer l’enfermement et le conditionnement du regard pour l’artiste polonais. Bertrand Mandico allie le fond à la forme, utilisant le découpage sous forme d’abécédaire pour mieux enfermer le récit dans une structure rigide, faisant écho au personnage enfermé dans sa boîte. Filmé en noir et blanc, le film revendique une certaine authenticité tout en ayant recours à des procédés modernes, notamment lorsqu’il s’agit des mouvements de caméra ou de la bande-son, un échantillonnage qui réunit divers sons évoquant plus une Pologne fantasmée qu’une Pologne réelle.

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Le film développe un regard à la recherche d’une essence, explore l’univers visqueux et humide du corps humain, qui laisse s’échapper toutes sortes de fluides comme la salive du père, le lait de la mère, toutes sortes de sécrétions comme les « larmes salées » du grand-père, ou celles de la femme désirée et le sang de Boro lui-même. L’accumulation de gros plans sur les visages qui semblent marqués par la souffrance révèle une recherche de profondeur. On questionne le regard des hommes, figures de l’autorité, afin de découvrir ce qui se cache derrière leur apparente bestialité.

Le corps est au centre de cette œuvre qui provoque à tour de rôle le rire et le dégoût. « Boro in the Box » est un film de contrastes. La bestialité et la poésie se côtoient ici dans une valse par laquelle on se laisse porter, mais qui parfois dérange. Les corps violentés s’affrontent, s’accouplent, et ne font plus qu’un avec l’animal. La perversité des figures paternelles, l’allusion aux attouchements, le voyeurisme, sont finalement réutilisés sous une forme poétique par celui qui, d’abord victime, recherche sa propre jouissance dans l’exploration des corps et redonne une certaine dignité à la femme ; la mère et la muse.

Cependant, le contraste le plus frappant est celui qui confronte les images, la bande-son et le discours de la voix-off. Les paroles du narrateur sont bien souvent empreintes de joie et de naïveté, reflétant le regard innocent de l’enfant sur les adultes qui l’entoure, et viennent contredire des images parfois violentes. Bertrand Mandico nous montre avec subtilité que dans un pays où le discours officiel et les faits s’opposent, il faut garder les yeux bien ouverts et les sens en éveil.

Il n’y a pas de dialogues dans « Boro in the Box », mais cette absence est comblée par la présence d’une bande-son très soignée, mêlée d’extraits de discours en polonais, de chants traditionnels, de riffs de guitares tonitruants, d’une musique sombre et angoissante et de toutes sortes de bruits. Cette bande-son, évoquant la noirceur et la souffrance, prend elle aussi à contre-pied le discours du narrateur, jusqu’à ce que le déclin de sa carrière et la mélancolie s’emparent de lui, faisant ainsi se rejoindre le discours, la musique et les images, bouclant ainsi le récit de Walerian Borowczyk.

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« Boro in the box » révèle la maîtrise de son réalisateur qui dresse un portrait à la fois fascinant et dérangeant d’un artiste méconnu. En 2008, Bertrand Mandico, influencé par le cinéma de l’Est, plus particulièrement le cinéma tchèque, a travaillé sur l’œuvre de Walerian Borowczyk dans le cadre de l’exposition organisée à Varsovie en l’honneur du cinéaste disparu en 2006. Lors de cette exposition, la totalité des films et travaux plastiques de Borowczyk ont été présentés en Pologne pour la première fois. Le parallèle entre les carrières de Borowczyk et Mandico, qui se sont tout deux exercés dans l’animation, le cinéma expérimental, la recherche graphique et une esthétique surréaliste, est frappant, et fait de « Boro in the Box » une œuvre extrêmement riche et très personnelle.

Le travail de Bertrand Mandico relève très certainement d’une forme de fascination pour le cinéaste disparu, qu’il parvient à nous transmettre avec succès. C’est dans l’histoire d’un homme, de sa naissance à sa mort, que l’on traverse de A à Z, à travers des mots comme « bestialité », « enfermé », « jouir », « Kafka », « lanterne magique » ou « pornographie », que le film prend toute son ampleur. On est partagé entre la perplexité, l’incompréhension et la fascination, des réactions propres aux œuvres surréalistes. Ce qui fait la force de « Boro in the Box » c’est sa nature profondément poétique, d’une beauté indéniable, à partir de faits, comme le viol, les attouchements, la guerre ou la censure qui, eux, relèvent plutôt de l’horreur et de la souffrance.

Agathe Demanneville

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C comme las camas solas

Fiche technique

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Synopsis : En prévision de l’arrivée d’un ouragan, un immeuble de la Havane est évacué : les habitants quittent les lieux en ne laissant que les lits derrière eux.

Réalisation : Sandra Gómez Jimenez

Scénario : Sandra Gómez Jimenez

Texte : Rolando Colla

Genre : Documentaire

Durée : 14’

Année : 2006

Pays : Suisse, Cuba

Image : Sandra Gómez Jimenez

Montage : Rolando Colla

Mixage son : Gregor Rosenberger et Michael Schwarz

Musique : Roberto Perdomo et Elena Pedrazzolli

Chant et voix off : Beatriz López

Production : Peacock Film

Article associé : la critique du film

T comme Tierra roja

Fiche technique

Synopsis : Petit portrait d’une femme latine émigrée en Europe.

Réalisation : Heidi Hassan

Scénario : Heidi Hassan

Texte : Heidi Hassan

Genre : Fiction

Durée : 18’

Année : 2007

Pays : Suisse

Image : Gregory Bindschedler

Son : Cédric Fluckiger

Montage : Heidi Hassan

Mixage son : Adrien Kessler

Voix : Heidi Hassan

Production : HEAD (Genève)

Article associé : la critique du film

P comme Pucha vida

Fiche technique

pucha

Synopsis : Pucha est une révolutionnaire exemplaire ; elle mène une vie heureuse, dans un décor qu’elle a elle-même aménagé, et chaque chose qu’elle possède a sa place dans l’univers qui est le sien. Néanmoins, il y a conflit entre ses idéaux et la réalité. Sa petite-fille adorée est partie vivre dans le pays de l’ennemi et a changé de nationalité.

Réalisation : Nazly López Díaz

Scénario : Nazly López Díaz

Genre : Documentaire

Durée : 12’

Année : 2007

Pays : Cuba

Image : Nazly López Díaz

Son : Nazly López Díaz et Diego A. Mondaca

Montage : Fabricio Deza

Mixage son : José Romel Tuñón

Musique : Rafael Cavalcanti

Production : EICTV

Article associé : la critique du film

F comme El futuro es hoy

Fiche technique

Synopsis : La vie à la Havane, une espèce d’attente. Sept personnages qui fréquentent l’esplanade du Malecon s’expriment, de manière complémentaire et contradictoire. Ils vivent dans l’attente d’un avenir – certains voudraient que les choses continuent comme elles sont ; d’autres rêvent de changement.

Réalisation : Sandra Gómez Jimenez

Scénario : Sandra Gómez Jimenez

Genre : Documentaire

Durée : 35’

Année : 2009

Pays : Suisse, Cuba

Image : Sandra Gómez Jimenez

Son : Alban Henriquez Hernandez

Montage : Rolando Colla

Montage son : Michael Schwarz

Production : Peacock Film

Article associé : la critique du film

V comme 20 años

Fiche technique

Synopsis : Une femme, dont l’amour pour son mari a résisté à vingt ans d’indifférence et de mépris, va tenter l’impossible pour attirer de nouveau l’attention de ce dernier.

Réalisation : Barbaro Joel Ortiz

Scénario : Barbaro Joel Ortiz

Genre : Animation

Durée : 14’42’’

Année : 2009

Pays : Cuba

Image : Barbaro Joel Ortiz

Animation : Barbaro Joel Ortiz

Montage : Alain Garcia

Musique : Harold López-Nussa

Voix : Omara Portuondo

Production : ICAIC

Article associé : la critique du film

O comme Oda a la piña

Fiche technique

oda

Synopsis : Parodie musicale du poème « Oda a la Piña », une œuvre qui a forgé l’identité culturelle cubaine. L’histoire d’une danseuse de cabaret qui perd soudain le rythme.

Réalisation : Laimir Fano Villaescusa

Scénario : Laimir Fano Villaescusa

Genre : Fiction

Durée : 10’

Année : 2008

Pays : Cuba

Image : Alvaro Rodriguez

Son : Marco Toledo

Montage : Aldo Álvarez

Musique : Elvira Peña

Interprètes : Verónica Díaz , Mario Guerra Ferrera , José Antonio Rodriguez , Limara Menezes

Production : EICTV

Article associé : la critique du film

P comme The Pub

Fiche technique

Synopsis : Un jour dans la vie d’un pub du nord de Londres.

Année : 2012

Durée : 6’50 »

Genre : Animation

Pays : Royaume-Uni

Réalisation : Joseph Pierce

Animation : Joseph Pierce

Scénario : Joseph Pierce

Image : Vanessa Whyte

Son : Dominic Fitzgerald

Montage : Robbie Morrison

Interprétation : Jonathan Jaynes, Danny Kirrane, Aneta Piotrowska, Nick Haverson

Production : 59 Productions

Articles associés : la critique du film, l’interview du réalisateur

The Pub de Joseph Pierce

Le Britannique Joseph Pierce est de retour avec son dernier court, fraîchement sorti du four et déjà candidat pour le très recherché trophée du Labo à Clermont Ferrand. Après Stand Up et A Family Portrait, le roi de la rotoscopie nous livre The Pub, une vision grotesque, glauque et, il faut croire, réaliste de la scène nocturne londonienne au travers du portrait d’une jeune patronne de bistrot d’origine étrangère.

Le style de Joseph Pierce est désormais d’emblée reconnaissable. Son principal charme réside dans la capacité du réalisateur à mélanger inextricablement dessins et live action, non pas par opposition ou par juxtaposition, mais en fusionnant les deux couches de manière interactive et en dépassant les limites de cette ingénieuse technique d’animation par rotoscopie.

Le récit tourne autour d’une soirée typique dans un pub, pendant laquelle la jeune patronne a droit à toutes sortes de clients : ivrognes (d’office), grossiers, niais, lourdingues et même violents. S’ensuit alors frénétiquement une flopée d’incidents anecdotiques mais peu agréables pour la protagoniste. Encore une fois chez l’animateur anglais, forme et fond se rencontrent intelligemment. L’image joue un rôle à la fois esthétique et narratif, le dessin semble avoir une vie autonome, il gicle, s’élance, tremblote. Aussi rythmé que le sujet, il exprime subrepticement l’état psychologique des personnages indépendamment de l’action. Aux côtés de l’évident, surgit le non-dit : la signature d’un accusé de réception destiné à un livreur qui drague l’héroïne indique « pas intéressée », les faces ridées des habitués du bar se transforment en racines, les clients difficiles prennent des formes bestiales. Cette manière inimitable de narrer indirectement se confirme bel et bien être une caractéristique du jeune auteur.

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En ce qui concerne le contenu, Pierce réussit à réunir en quelques sept minutes une multitude de thèmes, privilégiant la suggestion à la description explicite. Monde mafieux, harcèlement moral, xénophobie : le scénario ambitieux est riche en matière sans être surchargé. Le côté plausible du récit quasi documentaire y est sans doute pour beaucoup, malgré le fait qu’il s’agit entièrement d’une mise en scène.

Avec un regard perspicace sur la société britannique et un travail formel remarquable qui s’affine au fil de ses films, Pierce s’affirme indubitablement comme une personnalité importante dans le milieu de l’animation internationale. Véritable délice, The Pub semble être embarqué, comme ses ancêtres, dans la joyeuse tournée des festivals.

Adi Chesson

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