Michael Zindel : « La comédie, un laboratoire sans fin »

À Cannes, il présente à la Semaine de la Critique en séance spéciale No skate !, le nouveau film de Guil Sela, dans lequel il joue Isaac, un homme-sandwich inspiré en plein JO estivaux, aux côtés de Cléo (Raïka Hazanavicius). Drôle et curieux, le comédien Michael Zindel (épatant dans Le Dernier des Juifs de Noé Debré) raconte son parcours, ses apprentissages par le court, l’empathie qu’il recherche chez les réalisateurs et ce qui l’intéresse dans l’écriture et la comédie.

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Format Court : Tu es passé par Paris 8 et le Conservatoire Jacques Ibert. Qu’est-ce qui t’a incité à enchaîner ces deux formations-là ?

Michael Zindel : En fait, j’ai commencé par une fac de cinéma à Paris 8. Je voulais à tout prix être scénariste, puis réalisateur. Je me cherchais pas mal. J’ai fait un peu tout ce que je pouvais prendre. J’ai fait de la régie, de la déco, de la perche, des clips, des courts, même pour des rappeurs. À un moment, je ne savais pas trop quoi faire. Une copine m’a poussé à aller au Conservatoire Jacques Ibert, dans le 19ème arrondissement. Et là, ça a été la révélation.

Qu’est-ce qui s’est passé ?

M.Z. : J’ai eu un prof génial, Éric Frey. Il m’a dit : “Tu as fait du cinéma ? Fais un court-métrage !”. Deux semaines plus tard, j’étais en train d’en tourner un. Et j’ai continué. À l’arrache, avec très peu de moyens. Juste pour faire, sans calcul, sans ambition d’avoir mes films en festival. À un moment, aux alentours de 2017, avec un ami, on a mis nos courts sur YouTube, on a pensé que c’était le meilleur moyen de se faire connaître à l’époque. Il y en a un qui a avoisiné les 1500 vues. Ma sœur a dû le voir 1588 fois, ça a dû aider ! Et petit à petit, je me suis mis à tourner dans les courts-métrages de Noé.

Qu’as-tu eu l’impression d’apprendre en faisant ces courts ?

M.Z. : Déjà, que le court, c’est quand même un exercice assez difficile. La moindre seconde en trop, la moindre petite erreur se voit. Dans un long, tu as le temps de rattraper les défauts par d’autres scènes. Et comme j’en ai tourné et monté moi-même, j’ai appris l’importance pour un acteur de proposer des choses variées, de ne jamais faire des mêmes scènes. Tu n’es jamais sûr de ce que va garder le montage donc il faut offrir une vraie palette. Et en même temps, tu te rends compte aussi à quel point la technique, c’est important. J’ai appris sur le tas. Chaque tournage, chaque film m’apprend quelque chose. Et comme j’ai monté mes films, j’ai compris ce que ça fait d’être de l’autre côté.

Comment la rencontre artistique et amicale avec Noé Debré a-t-elle eu lieu ?

M.Z. : Ma cousine a entendu à une soirée qu’il cherchait des jeunes pour jouer une bande de potes. Il était en train de lancer la production de son deuxième court. Elle lui a dit : “Mon cousin est au Conservatoire, tu devrais le voir, il est marrant.” C’est comme ça que j’ai atterri un peu miraculeusement sur ce casting-là. J’ai fait Une fille moderne avec lui, puis On n’est pas des animaux et enfin Le Dernier des Juifs. Une fille moderne, c’était mon tout premier projet professionnel en tant qu’acteur. C’était structuré, bien produit. C’était impressionnant, sur mes tournages, j’avais l’habitude de tout faire : la mise en scène, la régie, les repas, on n’avait pas de lumière, de budget… Là, sur le tournage, il y avait plein de monde, de matériel. J’avais 22-23 ans. En écoutant Noé parler de son film en festival, j’ai saisi l’importance de penser son film, d’écrire pour ses personnages, d’approfondir l’histoire, de défendre son film.

« Une fille moderne »

Comment as-tu appris à lâcher prise sur tes différents projets ?

M.Z. : C’est là que la confiance avec le réalisateur ou la réalisatrice est essentielle. Quand tu sens que tu es bien dirigé, tu peux lâcher prise. J’ai eu la chance de ne tomber que sur des gens gentils, doués, empathiques, humains et de ne faire que des belles rencontres aussi bien pour des longs-métrages, des séries et des courts-métrages.

Pourquoi l’empathie, c’est si important ?

M.Z. : Parce qu’on va au-delà du scénario. Quand tu sens que le réalisateur t’aime bien, qu’il aime son équipe, qu’il respecte tout le monde, qu’il prend le temps de connaître les gens, d’être curieux, tu t’impliques autrement. Si tu n’as pas d’empathie, je pense que tu mets des barrières là où il ne faudrait pas. Sur certains tournages, il y a des larmes à la fin. Parce que c’était rare, beau, humain. C’est ce qui fait qu’on tient malgré la galère.

La fameuse attente entre deux projets, tu la vis comment ?

M.Z. : Moi, je suis hyper jeune et je débute. Si ça se trouve, dans 20 ans, je dirais que j’aurais dû devenir psychologue. Ça m’arrive d’être dans l’attente. Je ne tourne pas tous les mois. J’écris. Ça m’occupe mais surtout, ça me fait observer, chercher ailleurs. Quand tu réalises ou quand tu écris, tu observes différemment. Tu penses à l’image, aux lieux, aux idées de scènes. C’est une autre concentration.

Tu écris dans des carnets ?

M.Z. : Oui. J’ai des carnets, des agendas (il en sort un de sa poche). Je garde tout. Même si je ne note pas mes pensées, j’aime le papier. Ça laisse des traces. C’est chouette d’écrire.

« No skate ! »

Comment as-tu rencontré Guil Sela ?

M.Z. : Guil avait vu Le Dernier des Juifs, il m’a contacté. On s’est vus, on s’est baladés, on a parlé. Il m’a proposé de lire No skate !, que j’ai adoré ! Chaque version était meilleure que la précédente. J’aimais le Paris qui y est représenté, un Paris qu’on ne voit pas souvent. Guil a du goût, c’est fondamental pour un réalisateur.

L’empathie et le goût donc…

M.Z. : Oui. Et la curiosité aussi, mais bien placée.

M.Z. : Plein de choses : la dérision, le travail avec la voix, le corps, … C’est un laboratoire sans fin. Le corps est essentiel. Dans Le Dernier des Juifs, la scène de krav-maga, on l’a bossée avec un coach metteur en scène qui fait du clown. On a essayé d’accentuer les choses à la Chaplin. En comédie, il y a tellement de manières de sortir de sa zone de confort et des lignes de scénario, rien ne t’empêche de bosser ta scène de plusieurs manières. La composition de personnages, c’est intéressant. J’aimerais aller encore plus loin, composer encore plus avec les personnages, comme jouer un hypocondriaque par exemple.

« Le Dernier des Juifs »

Parmi les comédiens, il y a des gens qui t’intéressent, des gens dont la palette te parle ?

M.Z. : J’ai vu il y a 5 ans Teddy des frères Boukherma, un mélange entre comédie et film de genre. Je suis tombé presque amoureux de la performance d’Anthony Bajon. C’est bizarre de dire ça mais je l’ai trouvé extraordinaire et ça m’a beaucoup marqué. Sinon il y a plein d’acteurs que je trouve trop forts : Harpo et Lenny Guit dans Fils de plouc, qui sont dans la justesse et la poésie, Édouard Sulpice, Laetitia Dosch, Elsa Guedj, … La liste est longue !

Propos recueillis par Katia Bayer

Article associé : la critique de No skate !

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