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Serge Bromberg : « C’est la marque du temps qui fait la poésie des images »

« Youpi ! J’attends cette caisse depuis longtemps…Vous allez peut-être assister à une découverte. J’attends un film de 1926, « There ain’t no Santa Claus » (Il n’y a pas de Père Noël), un film de James Parrott avec Charley Chase. C’est l’histoire d’un type qui se déguise en Père Noël pour faire une surprise à ses enfants et il se trompe de cheminée ». En exhumant d’un colis de vieilles bobines enveloppées dans du papier journal, dont une réduite en poussières, Serge Bromberg vient d’introduire avec malice notre rencontre sous le signe d’un certain cinéma et du plaisir partagé.

Animateur télé, musicien, réalisateur de « L’Enfer » récemment césarisé, directeur artistique du Festival d’Annecy, Serge Bromberg est aussi le fondateur et responsable de Lobster Films, une société parisienne spécialisée dans la recherche, la restauration, la conservation et la promotion des films anciens, classiques comme inédits. Enfin, il est l’initiateur et l’acteur clé de Retour de Flamme, une séance de cinéma insolite articulée dès 1992 autour de titres rares, étonnants ou classiques, en noir et blanc ou en couleurs. Il y présente des films courts et les accompagne au piano, renouant ainsi avec la tradition des projections d’antan.

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Peut-on dater votre engouement pour les vieux films ?

Ça fait 20 ans que je travaille autour des vieux films, mais en réalité, j’ai vraiment été fasciné par le cinéma de patrimoine il y a environ 35 ans, à une époque où la vidéo n’existait pas, où il y avait trois chaînes de télévision dont une seule en couleurs. Clairement, l’image était rare et en tout état de cause, il était impossible de l’arrêter et de choisir ce qu’on allait voir. À l’époque, existait le cinéma à domicile basé sur des films en 9,5 mm (Pathé Baby), 8 mm, et Super 8. J’avais 8 ans en 1969. Mon père est rentré avec un film, « Charlot au Music-Hall » et un projecteur. Il l’a passé et ça a vraiment été un flash absolu, pas tant pour le film lui-même que pour deux choses. D’abord, la sensation du temps qui passe : à l’écran, des gens en noir et blanc essayaient de me parler mais ne pouvaient pas le faire puisqu’il n’y avait évidemment pas de son ! Ensuite, quelque chose qui m’a sidéré : la possibilité d’arrêter le film à un moment donné. J’avais envie de faire pipi et mon père a dit : « ne t’inquiète pas, j’arrête ». Il a arrêté le film et je n’ai rien manqué en revenant. Ça a l’air tout à fait anecdotique et banal aujourd’hui, mais en fait, à l’époque, c’était extraordinairement spectaculaire.

Depuis, vous vous êtes entouré, via votre société Lobster, d’œuvres anciennes, classiques ou inédites, noir et blanc ou en couleur qui couvrent plus de 70 ans de cinéma (1895-1965).

Notre collection commence avec l’invention du cinéma. Comme elle est axée sur la rareté des œuvres, elle se termine à peu près à la fin des années 60. Plus on remonte dans le temps, plus ça nous intéresse. En fait, plus on accède à l’ère moderne de l’audiovisuel et de la télévision, plus les producteurs ont eu la connaissance d’un marché secondaire pour leurs œuvres, en l’occurrence la télévision, et plus, ils ont conservé leurs films.

À partir de quel moment incluez-vous un film dans votre collection ? Hormis le fait qu’il fasse office de document historique, qu’il ait une part d’exotisme ou qu’il soit dans un état de décomposition tel qu’il faut absolument le sauver ?

Vous savez, très souvent, le film arrive, on l’identifie, on le met dans l’ordinateur, on sait où il est et puis, ça s’arrête là. Il ne sera jamais montré, il ne sera pas restauré dans l’immédiat et on attendra qu’un jour, quelqu’un nous dise : « restaurons-le ». Derrière vous, par exemple, vous avez un film perdu de Joséphine Baker, un de Buster Keaton, un autre avec Douglas Fairbanks (« His picture in the papers » [John Emerson, 1916]) et en dessous, « La Moglie di Claudio » qui est probablement l’un des films les plus rares tirés d’un roman d’Alexandre Dumas fils, réalisé en 1918 par un italien Gero Zambuto, qui ne comporte aucune vedettes et qui n’intéresse personne.

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« Cyrano de Bergerac »

Le travail de conservation/restauration ne se fait donc pas automatiquement ?

Ah non, c’est impossible ! Vous savez, le coût de restauration d’une bobine noir et blanc muette est d’environ 1.500 euros pour à peu près 10 minutes (le triple en couleurs). Pour une restauration sonore, on est plus près de 3.000 euros que de 1.500 euros. Donc, vous imaginez le coût pour un film en 10 bobines !

On sait que 60% des films muets sont invisibles, perdus ou oubliés. Que faut-il faire pour les retrouver et les sauver à temps ?

L’histoire de ces films perdus est souvent très complexe. Pourquoi des films se perdent-ils ? Pourquoi aujourd’hui 50% du patrimoine cinématographique muet a-t-il disparu ? Pourquoi ces bobines se retrouvent-elles dans une cave, dans un grenier, dans une brocante ? On ne le sait pas. La seule chose qu’on sait, c’est que les cinémathèques du monde entier ont déjà fait l’effort d’aller voir tous les ayants-droits et tous les laboratoires cinématographiques pour essayer de retrouver les films là où logiquement il devait y en avoir. Et on sait qu’on n’est pas arrivés au bout du chemin.

Bilan : si on veut retrouver aujourd’hui ces films manquants, la dernière chance, c’est la technique de la bouteille à la mer. C’est-à-dire qu’on lance tous azimuts un message :  » aidez-nous, appelez-nous si vous avez des films parce qu’ils sont périssables et parce que vous possédez peut-être le dernier exemplaire du film de Fritz Lang, de Charlie Chaplin, d’Alfred Hitchcock, des Marx Brothers. Tous ces gens-là ont des films perdus. »

Aujourd’hui, les gens qui ont des bobines de valeur ne savent même pas qu’ils les ont, ce que c’est, pourquoi elles sont là, et qui appeler. Il faut que ces films reviennent là où les ceux qui les auront entre leurs mains sauront ce que c’est et quoi en faire. La durée de vie d’un film ancien est d’environ 80 à 90 ans, donc, quelque part, garder ces films ne sert à rien. Il faut se dépêcher. Quand les gens me demandent ce qu’est la décomposition, je leur sors quelques bobines. C’est à pleurer, c’est pathétique. La bobine toute rouillée qu’on a ouverte tout à l’heure, c’était peut-être le film que je cherchais…

Comment traitez-vous l’image de ces films ?

Pour l’image, il y a la photochimie, la technique de restauration la plus pérenne : on recopie le film sur de la pellicule vierge donc on le rephotographie virtuellement en s’arrangeant pour ne pas rephotographier les rayures, les perforations qui ont sauté et les poussières. Il faut le nettoyer patiemment, le préparer, le dérayer et à l’arrivée, on retombe sur un négatif 35 mm pérenne, en général du polyester. Ce négatif-là sera l’élément de sauvegarde. Mais il peut arriver que sur ce négatif, des images peuvent être partiellement manquantes et des rayures peuvent être suffisamment profondes pour ne pas avoir disparu au traitement du dérayage. À ce moment-là, pour les films qui ont le plus de valeur commerciale, on pourra électroniquement faire une stabilisation, un dérayage, enlever les petits points noirs ou blancs, et refaire l’étalonnage.

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Mais concrètement, quand le magenta « mange » les couleurs, quand les perforations ont sauté, quand des poussières apparaissent à l’image, comment pouvez-vous ne pas vous laisser tenter de dénaturer l’image ou le son durant le processus de restauration ? Comment ne pas trahir l’œuvre abîmée par le temps ?

On ne le peut pas parce que le travail de restaurateur est un travail modeste. Quelque part, le restaurateur ne doit jamais se permettre de rajouter des choses. La réalité, c’est qu’on travaille dans l’ombre des auteurs de l’époque. Imaginons qu’au début du cinéma sonore, un auteur n’a pas de quoi se payer des équipements corrects ou que le son qu’il va tirer de ses enregistrements sonores est terrible. Que faut-il en faire aujourd’hui ? Faut-il restituer le son dans sa pauvreté originelle ou au contraire traiter le son pour qu’il soit au plus près de ce que l’auteur aurait aimé avoir à l’époque ? Et bien, c’est cette deuxième hypothèse que nous adoptons. La première se défend historiquement parlant, et nous conservons d’ailleurs toujours le son tel qu’il nous est parvenu. Mais le numérique permet cette chose formidable de proposer la meilleure option possible tout en conservant les autres. Nous, nous aimons bien restaurer le confort d’écoute, toujours dans le plus grand respect de l’intention originelle des auteurs du film. Quand un film est devenu magenta, on essaye évidemment de recréer l’étalonnage du mieux possible, malheureusement, on ne pourra probablement pas le restaurer à son meilleur avantage.

Aujourd’hui, a contrario, on a la sensation que la tentation est au tout numérique, à l’ultra-réalisme revendiqué.

Oui… Elle me fait peur, cette tentative-là. Quelque part, le style des premières années de cinéma est un peu pataud, mais c’est la marque du temps qui fait la poésie des images, puisque, au fond, tout ça, c’est bien une affaire de poésie. Et bien, si on nettoie trop la pellicule, si on revient à une sorte de pureté absolue, la poésie part avec. Pourquoi ? Comment ? On ne le sait pas mais elle part avec.

Le film ancien est malheureusement perçu par le grand public comme intellectuel, difficile d’accès et déficient visuellement et auditivement. Vous, vous proposez un contre-pied en pariant sur le partage et la part de rêve…

Exactement. Faire revenir à la vie des images et des êtres du temps passé totalement oubliés m’a toujours fasciné. Ce que je fais, je ne le fais pas dans une démarche muséale mais bien dans une véritable démarche de partage, de bonheur et d’expérience collective. Ces films ne sont pas vieux, ils ont été créées pour susciter de l’émerveillement chez les gens. (…) La deuxième dimension, c’est leur qualité. Ces films n’ont pas été faits pour être des vieux trucs en noir et blanc rayés qui sautent avec des images à l’envers. Ils ont été tournés avec des caméras tout à fait normales, la pellicule d’origine était très bonne et a priori, il n’y a pas de raison que correctement restaurés, ils ne soient pas formidables. (…) Même si de temps en temps, il y a des petits défauts que nous ne pouvons pas surmonter, ce sont toujours des petits défauts de confort qui nous rappellent combien tout objet est périssable. Enfin, la troisième règle, c’est de sortir les films de leur ghetto. Quand on parle de films anciens, les gens les cataloguent aux cinémathèques, aux images du passé, à l’érudition, … Cette dimension existe et elle est importante. À toutes les époques, il y a eu des cinémas artistiques, des trucs un peu expérimentaux qui n’ont pas été faits spécifiquement pour aller à la rencontre du grand public. Moi, je suis dans un autre registre, celui de la vie. Pour moi, un spectacle n’est réussi que si les parents peuvent emmener leurs enfants pour leur faire découvrir le concept de Retour de Flamme.

Justement, pourriez-vous me parler de Retour de Flamme ?

Comment faire pour que le public retrouve ces films ou que ces films retrouvent un public ? Nous, nous avons commencé par la salle : à l’époque, j’accompagnais les films au piano. Retour de Flamme est ainsi né en 1992, et la magie a opéré immédiatement. C’est un peu fragile, la magie, l’alchimie, l’osmose. J’ai eu peur à un moment qu’en la transmettant à la télévision, elle se refroidisse un petit peu, mais elle s’est maintenue. On a commencé par faire une émission sur CinéCinéma Classic, une chaîne du groupe Canal+, où je présentais chaque film. Et puis, à l’occasion du dixième anniversaire de Retour de Flamme, je me suis laissé convaincre par l’idée de fabriquer un DVD. Quelque part, je crois vraiment à ce concept de magie collective, raison pour laquelle à travers les DVD, j’essaye de continuer, de donner une extension à la vie de ces images. La collection Retour de Flamme (RDF) compte essentiellement des courts métrages. Après tout, à ses débuts, le cinéma était fait de morceaux, d’essais, d’expériences, de petites blagues, de documentaires. Une séance RDF est une compilation de ces différents films, et intéresse tout le monde : les historiens, les musiciens, les amateurs d’animation, de documentaire, … À l’arrivée, cela fait 3h-3h30 par DVD, bonus compris. Un vrai voyage dans le temps.

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« Le Voyage dans la lune »

En plus de 20 ans, quelle a été votre plus grande surprise ?

Difficile à dire. Dans la surprise, il y a sûrement une petite chose qui était là, dans ces boîtes vides : le « Cyrano de Bergerac » inclus dans le cinquième volume de Retour de flamme. Il s’agit du premier film sonore en couleur de l’histoire du cinéma. On y voit en 1900 Coquelin aîné, le créateur du rôle de Cyrano en 1897, faire la tirade du duel pour une expérience de cinéma sonore, le Phono-Cinéma-Théâtre, qui ne durera que quelques semaines pendant l’Exposition Universelle de Paris. Ce film-là, on en connaissait une version visuellement très médiocre récupérée en noir et blanc dans un documentaire des années 40. Nous avons retrouvé l’une des copies originales coloriée au pinceau avec une perforation centrale pas possible : le truc démentiel ! On a trois enregistrements du son qui n’existait que sous la forme d’un rouleau : celui-ci a été enregistré à trois étapes de sa dégradation, à chaque fois partiellement. Aujourd’hui, on réussit à remontrer la tirade du duel, ce qui est exceptionnel. Voilà, il y a 110 ans : le cinéma sonore en couleur ! Une autre grande découverte, c’est « Le Voyage dans la lune » de Georges Méliès. Tout le monde connaît cette image de la lune qui reçoit un obus dans l’œil, mais personne ne sait que « Le Voyage dans la lune » a été réalisé et distribué en couleur en 1902. On a retrouvé une copie couleur totalement décomposée du « Voyage ». La restauration a commencé en l’an 2000 et aujourd’hui, elle n’est pas finie parce qu’on n’a pas la solution technique qui nous permettra de la finir.

Repensez-vous parfois à l’enfant que vous étiez quand vous regardiez ce film de Chaplin ?

Oui. C’est drôle parce que je jouais réellement à l’époque avec les images de « Charlot au Music-Hall ». Je m’amusais à passer des séquences en marche arrière et en marche avant. D’ailleurs, ma copie était complètement explosée à certains endroits. Chose amusante, depuis, nous avons acheté les droits des négatifs de ce film.

Mon parcours est aussi traversé par l’animation, et l’animation pour moi, c’est cette créature improbable nommée « King Kong ». Avec mon petit projecteur Super 8, Charlot a été ma marionnette : j’en faisais ce que je voulais. Par contre, j’ai été la marionnette de King Kong : il me faisait peur quand j’étais jeune. Maintenant, je programme « King Kong ». Ça y est : j’ai terrassé la bête, King Kong est mon ami ! Quelque part, que ce soit lors d’une projection RDF ou sur les DVD dans une moindre mesure, on est toujours la marionnette de l’autre. Est-ce le pianiste qui est la marionnette du public ou est-ce le public qui est la marionnette du programmateur ? Ou finalement sommes-nous tous les marionnettes de ces images miraculeuses ?

Propos recueillis par Katia Bayer

Article paru sur Cinergie.be

Consulter les fiches techniques de « Cyrano de Bergerac » et « Le Voyage dans la lune »

Magie, nitrate et cinéma

Menacé par le temps et l’oubli, le cinéma d’antan est depuis plus de vingt ans identifié, sauvé et restauré par Lobster Films, une boîte parisienne réputée dans la conservation de films anciens, dirigée par Serge Bromberg et Eric Lange. Leur catalogue, initié en 1895, aligne toutes sortes de curiosités : des films en noir et blanc ou en couleur, des sujets muets/parlants, des grands classiques, des scènes à trucs, des féeries, des courts burlesques, des publicités singulières, des cartoons délirants, des clips musicaux, des longs métrages, …

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Rares, insolites et souvent inédits, ces films auraient pu être conservés intramuros dans les bureaux de Lobster, sauf qu’une bonne sélection d’entre eux est régulièrement exposée aux yeux des intéressés à travers les séances Retour de flamme, un concept décliné en salle et à domicile. Dépassé, le cinéma du passé ? A vous de voir…

Retrouvez dans ce Focus :

L’interview de Serge Bromberg

La critique du DVD Retour de flamme, l’intégrale

La critique du DVD « Retour de flamme : Charley Chase par Leo Mc Carey »

La critique du DVD « Georges Méliès : le Premier Magicien du Cinéma (1896-1913) »

La critique du DVD Charley Bowers – Un génie à redécouvrir (1917-1940 / USA)

Le reportage sur Europa Film Treasures

Concours de courts métrages Etang d’arts

Bonjour à tous ! Dans le cadre du festival gratuit pluriculturel Etang d’arts 2010, nous organisons un concours de courts métrages. Etang d’arts est un festival pluriculturel en plein air à vocation développement durable qui se déroulera à Marseille les 21 et 22 Mai, il est organisé par les étudiants du Bureau des Arts de l’école de commerce Euromed Management de Marseille. Plusieurs arts y sont représentés : danse, théâtre, cirque et arts de rue, le cinéma et la musique avec des concerts.

Les courts métrages sélectionnés seront présentés à un jury de professionnels et diffusés lors d’une soirée de projection en plein air le 22 Mai 2010 à Marseille. Nous faisons donc appel à votre candidature, n’hésitez pas à nous envoyer vos œuvres puisque c’est un concours destiné autant aux professionnels qu’aux particuliers et le thème est libre.

Retrouvez la fiche d’inscription et le règlement sur : http://www.luminarts.fr/etangdarts/programmation

Pour plus d’informations : clio.therage@euromed-management.com

Les Lutins du court métrage : 10 ans, 10 films

C’est en 1998 que débute la fabuleuse aventure des Lutins du court métrage, une association qui vise à promouvoir et à diffuser la forme courte à travers différents évènements, tels que le Tour de France des Lutins ou encore la Nuit des Lutins. En attendant le mois de juin et sa prochaine nuit étoilée, un DVD « Les Lutins du court métrage : 10 ans, 10 films » édité chez DVD Pocket retrace la décennie en 10 films de référence récompensés lors des éditions précédentes. Lumière sur 5 feux follets.

Acide animé de Guillaume Bréaud

Que peut-il bien arriver de fâcheux à une jeune provinciale malchanceuse ni contrainte ni forcée de passer la soirée chez un inconnu ? Bien des choses traversent l’esprit mais aucune ne ressemble de près ou de loin à l’univers animé de Guillaume Bréaud. Au fur et à mesure de l’avancement de la soirée, les petites pillules se dilluent dans les corps timides, les langues se délient et les masques tombent petit à petit. Le film donne à voir un pastiche enchanteur du « Magicien d’Oz » aux côtés d’une mémorable course à travers l’appartement bourgeois d’un amphitryon quinquagénaire. Comique et angoissant, « Acide animé » peut se targuer de confronter la mutine Ludivine Sagnier à l’effrayant Didier Bénureau. Acidulé comme un bonbon Napoléon, il possède une énergie stupéfiante qui dynamise le corps et l’esprit.

Alice et moi de Micha Wald

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Avec « Alice et moi », Micha Wald choisit la voie de l’humour et de la légerté pour transcender le poids de la tradition et les clichés de la religion. Entre distance critique et empathie savoureuse, le film, lauréat du Lutin du Meilleur film européen en 2006, raconte un moment de la vie de Simon. Alors qu’il est obligé de conduire sa Tante Mala et deux de ses amies à la mer, Simon n’a qu’une obsession en tête : récupérer sa copine Alice. Comédie en noir et blanc aux intertitres didactiques, le film de Micha Wald traite du conflit des générations au sein de la communauté juive. Les cadres serrés sur les personnages face caméra renforce le huis-clos qui se joue à portes fermées, à l’intérieur d’une vieille Volvo où règne un parfum de mauvaise foi. Loin d’être une simple pochade, le film de Wald évoque le thème de l’appartenance à une communauté comme il aborde celui de la rupture. Jouant sur les généralités, le film évite la caricature grossière grâce notamment au personnage contrasté de Simon interprété par Vincent Lecuyer, pathétique et tendre, injuste et triste, rancunier et malheureux.

La Flamme de Ron Dyens

Deauville : son casino, sa plage et ses amoureux qui brûlent d’une même flamme… Nominé aux Lutins en 2002, « La Flamme » embrase dès le premier regard. Don Ryens s’amuse à y confronter le film et son support donnant naissance à un récit en décomposition qui ne manque pas d’humour noir. La présence du hors-champ face au champ idyllique d’une plage normande des années 30 pose une réflexion intéressante sur la disparition des êtres et des choses. Tout comme le cinéaste expérimental new-yorkais Bill Morrisson, Dyens reconsidère le film en tant que matière et offre une belle métaphore de l’impermanence du septième art.

Millevaches [expérience] de Pierre Vinour

« Millevaches », le film de Pierre Vinour est une expérience dans le temps et l’espace, un voyage immobile à travers les doutes d’un homme d’affaires qui n’en peut plus des chiffres. Un homme en proie à la fatidique crise de la soixantaine, un homme au bord du gouffre, un homme qui ressent le besoin de se ressourcer dans le petit coin de nature qui l’a vu grandir. Interprété par Philippe Nahon, le personnage retrace des moments de sa vie et des images fragmentées du Limousin captées au fil des saisons défilent sur le monologue à la voix pénétrante. A l’angoisse de l’être qui se remet en question, répond le plein d’images d’une nature immuable sans cesse renouvelée. Au sentiment d’être passé à côté de l’essentiel, répond celui du temps qui ne suspend pas son vol, du temps qui court comme le courant des rivières qui serpentent la campagne isolée. Fort d’un sujet riche à la forme atypique « Millevaches [expérience] » est un film d’une rare beauté sur la désillusion et le désenchantement infusés d’une tendre mélancolie.

Sales battars de Delphine Gleize

Sardine a 10 ans et se sent incomprise. La seule personne qu’elle aime vraiment, c’est Ben-Hur son grand frère handicapé. Grand gagnant des Lutins 1999 (Prix de la meilleure réalisation et des meilleurs costumes), « Sales battars » remporta aussi le César du meilleur court métrage en 2000. Dans son film, Delphine Gleize pose un regard tout à la fois tendre et rude sur les gens du Nord et révèle de façon profonde et délicate l’extraordinaire dans l’ordinaire en filmant avec beaucoup de franchise les relations au sein de la famille. Composée de personnages hauts en couleur (la mémère, le petit cousin Jérémie, le curé, la mère, Sardine) et admirablement interprété, ce petit journal d’une fillette de campagne évite le piège du sentimentalisme mièvre pour trouver une justesse de ton éloquente.

Marie Bergeret

Article associé : l’interview de Stéphane Saint-Martin, directeur des Lutins du court métrage

Festival « A nous de voir – Science et Cinéma », appel à films

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A la croisée du cinéma et de la science, le concours du festival A NOUS DE VOIR met en lumière des films de création, au point de vue singulier, d’auteur qui portent un regard sur des sujets science / société. De quelle manière le cinéma vient-il interroger la science ? Comment la science questionne-t-elle le cinéma? Documentaires, récits, témoignages, enquêtes, essais poétiques ou intimistes, sans distinction de genre ou de durée, le concours souhaite être le reflet de l’actualité scientifique, des enjeux de recherche et des questionnements qui traversent notre monde contemporain.

Conditions de participation :

Les films doivent apporter un regard sur des sujets de science / société

1- Films francophones terminés après le 1er janvier 2009
2- Tous Genres
3- Support de projection DV Cam,
4- Pays de production : France , Belgique, Suisse, Monaco, Luxembourg.

Inscription sur la plateforme des festivals : www.le-court.com/films_platform

Site du festival : www.anousdevoir.com

Les inscriptions sont ouvertes jusqu’au 15 avril 2010.

E comme Erémia Erèmia

Fiche technique

Synopsis : Un homme tente de se libérer d’un travail aliénant par une pratique sportive intense. En mêlant son corps à la brutalité des éléments naturels, il espère trouver, dans l’écheveau des sensations, la sérénité nécessaire à son existence.

Genre : Fiction

Durée : 13’

Pays : France

Année : 2007

Réalisation : Olivier Broudeur, Anthony Quéré

Scénario : Olivier Broudeur, Anthony Quéré

Images : Jules Raillard, Alan Guichaoua, Fabrice Main

Son : Pablo Salaün

Montage : Julien Cadilhac

Décors : Mikaël Riou

Production : Aber Images

Interprétation : Vincent Deniard

Articles associés : l’interview de Stéphane Saint-Martin, la critique du DVD Bretagne, scénars & courts métrages

V comme Voyage autour de ma chambre

Fiche technique

Synopsis : Retiré dans sa chambre, un cinéaste parle des territoires et de ses voyages, réels ou imaginaires. À partir d’images récoltées au fil des années, le film interroge d’une façon poétique la difficulté de chacun à trouver sa juste place au sein du monde.

Genre : Documentaire, fiction

Durée : 26’

Pays : Belgique, France

Année : 2008

Réalisation : Olivier Smolders

Scénario : Olivier Smolders

Images : Louis-Philippe Capelle , Olivier Smolders

Musique pré-existante : André Klenes , Frédéric Chopin , Guillaume Lekeu

Son : Marc Bastien

Montage : Olivier Smolders, Philippe Bourgueil

Voix, texte : Olivier Smolders

Effets spéciaux : Paul Englebert

Production : Les Films du Scarabée

Article associé : l’interview de Stéphane Saint-Martin

Stéphane Saint-Martin : “Le milieu du court est parfois fermé sur lui-même. Il imagine que ce format n’est pas destiné à un public non éclairé. Moi, je pense totalement le contraire.”

Sur la porte d’entrée, une pancarte dévoile leur cachette. Installés à proximité de l’arrêt République, les Lutins du court métrage attribuent depuis treize ans différents prix à une sélection de films courts.Stéphane Saint-Martin, son fondateur et directeur, revient sur son histoire, son évolution et ses obstacles.

Comment l’idée des Lutins est-elle apparue ?

À l’âge de 23-24 ans, j’ai travaillé comme opérateur projectionniste au CNC. Tous les films, qu’ils soient longs, courts ou même pornos, passaient par le service de la classification des œuvres. Les projectionnistes avaient la possibilité de tout voir, y compris ce qui ne sortait pas forcément en salle, en particulier les courts métrages. À ce moment-là, je mettais un casque, et je dévorais tout ce qui passait à l’écran, en me disant que le nombre de films – et de courts métrages en particulier – produits en France était stupéfiant. L’idée des Lutins est née de cette manière, mais aussi de Jamais vu, une association que je dirigeais avant les Lutins, qui montrait des films peu vus parce qu’ils étaient soit sulfureux, soit borderline. Les séances avaient lieu au cinéma La Clef et rencontraient un franc succès, notamment grâce aux facs du coin. L’expérience m’a plu, et m’a donné envie de monter un nouveau projet portant le nom des Lutins.

Pourquoi justement lui avoir donné ce nom-là ?

Le nom est né d’une nuit un peu arrosée dans un bar, avec des amis. Le lutin nous plaisait par son côté mythologique, espiègle, intelligent, et petit. Les Lutins du court métrage véhiculaient une autre image du cinéma.

Entre tout visionner et montrer le peu ou le jamais vu, qu’est-ce qui fait qu’à un moment donné, on décide de remettre des prix à des courts métrages ?

J’ai vécu dans une petite ville où le lien qu’on avait avec le cinéma passait le plus souvent par la petite lucarne. En dehors de toutes les séries américaines ingurgitées à cette époque-là, je me souviens de la Cérémonie des César. Le court métrage y était très peu représenté. Au départ, les César remettaient trois prix pour le court métrage (animation, documentaire et fiction), depuis quelques années, il n’en existe plus qu’un : le César du Meilleur court. C’est étonnant, d’ailleurs : la production de courts métrages est énorme en France, les corps de métiers (producteurs, décorateurs, ingénieurs du son, costumiers, …) font preuve d’une énergie assez folle et au final, ils ne sont jamais primés. À la place, on prime tout le temps les auteurs. L’idée est donc venue de leur offrir leur propre cérémonie.

En débarquant à Paris, tu avais vraiment l’idée d’essayer de te positionner par rapport aux César ?

Mais oui ! Pourquoi ne pas mettre en lumière les autres corps de métiers ? Ce n’était pas ma seule envie. L’autre était de séduire un public non averti. Le milieu du court est parfois fermé sur lui-même. Il s’imagine que ce format n’est pas destiné à un public non éclairé. Moi, je pense totalement le contraire. Certes, il y a un cinéma intellectuel et hermétique, mais il y a aussi un certain nombre de films qui sont accessibles.

À quoi ressemblaient les Lutins à leurs débuts ?

Au début, il y avait un Festival des Lutins annuel qui durait une semaine. Les courts nominés étaient regroupés en cinq programmes, et la clôture était consacrée à la Nuit des Lutins. En 1998, la première nuit des Lutins n’était réservée qu’aux professionnels. On ne leur envoyait pas de DVD, ils avaient droit à des séances spéciales. Les professionnels participaient au vote, ce qui avait un avantage énorme. Ceux qui votaient étaient uniquement ceux qui se présentaient à l’ensemble des projections, donc on était sûr qu’ils voyaient tous les films, exceptés sauf ceux qui dormaient dans la salle ! L’année suivante, le système a changé : on s’est ouvert au public.  L’année suivante, on s’est ouvert au public en proposant  à MK2 de diffuser les films nominés dans leur salles.

Aujourd’hui, les Lutins n’ont plus que leur Nuit. Pourquoi le festival a-t-il disparu ?

Les projections avaient lieu dans les cinémas MK2. On avait un énorme succès, mais MK2 n’a pas voulu poursuivre l’aventure. Je n’ai jamais compris les raisons de cette séparation, mais cela m’a donné la rage de monter un événement national, le Tour de France des Lutins, dans différentes villes, avec comme partenaire Pathé, puis Pathé-Gaumont.

Avec MK2, le public était gagné d’avance. Ce n’était pas le cas en arrivant dans des salles dites commerciales comme celles de Pathé-Gaumont où le public ne savait souvent pas ce qu’était le court métrage. Et pourtant… Depuis des années, la moitié des gens qui viennent au Tour de France se renouvelle et n’a jamais vu de courts métrages.

Quels films montre-t-on à un public qui ne s’y connait pas en court ?

On fait très attention au programme qu’on diffuse. Cette année, 29 films sont nominés aux Lutins, et on en montre entre cinq et sept pendant la Nuit. On ne veut pas effrayer le public avec un programme trop élitiste et trop compliqué dans sa forme et son fond, mais on montrera quand même un film plus complexe que les autres. Cette année, ce film sera « Voyage autour de ma chambre » d’Olivier Smolders, un documentaire philosophique un peu particulier qui reste accessible si on prend le temps de le regarder. C’est un risque de le programmer, mais j’ai envie de le montrer. L’an passé, nous avions montré « Erémia Erèmia » d’Anthony Quéré et Olivier Broudeur. Les gens ne comprenaient pas pourquoi on l’avait programmé : ils n’aimaient pas le film, il leur apparaissait trop compliqué dans sa forme. Nous, ça nous a permis de montrer autre chose, un film différent.

Question pratique. Quels sont les films qui peuvent prétendre à une inscription aux Lutins ?

Aux Lutins, on est totalement différent du mode d’inscription en festival. Là-bas, l’inscription est volontaire : un producteur, un réalisateur, ou un ayant droit inscrit son film et envoie une copie au festival de son choix. Chez nous, c’est un peu différent. Pour être inscrit aux Lutins, il faut avoir un visa d’exploitation, comme pour les César. Ce mode rend les choses plus professionnelles et restreint aussi le nombre de films à visionner. À Clermont, le nombre de films français inscrits avoisine un nombre supérieur à 1.000. Notre but est de recentrer une production et d’amener à la lumière seulement quelques films.

La production annuelle française se compte en plusieurs centaines de films. 29 titres retenus, à l’arrivée, ce n’est pas beaucoup…

Le problème avec la mise en lumière du court, c’est qu’il y a tellement de films qu’on est obligé de réduire leur nombre, si on veut essayer de toucher un public non averti, ne serait-ce que la presse qui a déjà tellement de mal à parler du format court.

Qui intervient dans la sélection de ces films ?

Aux Lutins, il y a deux tours. Au premier tour, les films sont repérés par des professionnels du secteur qui s’intéressent toute l’année à la production française ou internationale. Ça va des télévisions (Arte, France 2, France 3, Canal+, …), aux festivals (Clermont, Pantin, Brest, Paris Cinéma, Silhouette, …), en passant par les commissions (le CNC, Unifrance, …). Le problème, c’est que ce premier tour évolue assez peu, et que les gens restent au même poste pendant des années. Idéalement, il faudrait qu’un jour, apparaisse à côté de ce groupe assez fixe, un autre comité qui changerait chaque année de membres (producteurs, réalisateurs, acteurs, techniciens, …), et qui accepterait de visionner 500 films. Mais aux César, ils rencontrent le même problème, à la différence que nos films retenus ne sont pas forcément les mêmes que les leurs, qu’ils ont moins de titres en présélection, et qu’ils ont un système de points alors que nous fonctionnons avec un système de voix. En gros, aux Lutins, pour qu’un film soit retenu, il faut un minimum de cinq voix en moyenne.

Pour le second tour, les choses ont évolué. Avant, on envoyait le coffret des films nominés à une liste de professionnels reprenant tous les corps de métiers. Environ 1500 professionnels votaient ainsi pour l’ensemble des prix. Depuis l’année passée, on a ouvert ce vote au public : on donne aux gens la possibilité de devenir adhérents, d’acquérir le coffret, de découvrir l’ensemble des films, et de voter, moyennant la somme de 25 euros.

L’an passé, vous vous ouvriez au vote du public. Cette année, vous envisagez de vous mettre au numérique. Pourquoi ce nouveau changement ?

Cette année, le tour de France s’appellera la Nuit des Lutins. On sera présent dans plus de 35 villes, et on passera le 3 juin le même programme de films en numérique. Mais ce n’est pas tout. On aimerait également retransmettre dans toutes les salles, juste avant les films, la remise des Prix qui aura lieu à Paris. Simplement, ce n’est pas si simple que ça, parce que l’économie des Lutins n’est pas très florissante, que la retransmission satellitaire du faisceau coûte très cher, et que les courts métrages n’ont pas de fichiers numériques précis (DCP) pour être diffusés. Ce qui veut dire qu’on devrait les fabriquer nous-mêmes, pour qu’ils soient utilisés dans plus de 35 villes en même temps. Les devis des laboratoires sont très chers et nous ne sommes pas en mesure de les payer. Nous avons sollicité une aide spéciale au CNC, mais ils refusent de nous soutenir sur la numérisation d’un programme de 2 heures. Difficile de comprendre cette position alors que la Présidente Véronique Cayla tient un discours sur le numérique, mais ne bouge pas dans ce sens.

Qu’est-ce que représente un prix-Lutin aujourd’hui pour un film ?

C’est un prix honorifique. Vu qu’on a déjà du mal à se financer nous-mêmes, aller chercher des partenaires pour doter les prix, c’est encore moins évident. Les récompenses ne sont pas délivrées par des petits comités de jury de festival, mais bien par des professionnels issus de milieux différents. Comme les César ou les Oscars, ces prix honorent les films.

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Y a-t-il des équivalents des Lutins dans les autres pays ?

Depuis 13 ans qu’on existe, on est unique au monde ! À Clermont-Ferrand, j’ai eu une discussion avec des responsables allemands, et je leur ai soumis l’idée qu’on puisse faire naître d’autres événements autour du court métrage avec d’autres pays, pour établir un réseau. Si on arrive à créer des Lutins à l’étranger, on pourra constituer un programme européen. Mais pour cela, il faut que chaque pays organise son propre événement en réunissant un certain nombre de films. Nous faisions déjà ce travail avec notre Lutin du meilleur film européen à l’époque. Pour des questions financières, ce prix a été malheureusement suspendu. La représentation de films européens était effectivement un plus.

Il y a quelques années, un film pouvait être récompensé du Lutin de la presse. Ce prix-là n’existe plus non plus. Pour quelle raison ?

C’est important de le dire. On était content de ce prix. La presse était présente, le comité pouvait compter jusqu’à 20 journalistes dont certains de Libération et des Inrocks. Ils participaient à ce prix, mais n’en assuraient pas la couverture, prétendument pour des raisons de place. Ce n’est pas simple : la presse est très souvent concentrée uniquement sur la question du long. C’est dommage : elle pourrait aussi parler d’événements importants autour du court métrage, faire des articles de fond sur les films, et non pas seulement donner les dates d’un festival.

Il y a trois ans, le DVD “10 ans, 10 films“ est sorti dans le commerce. Est-ce une initiative que vous pensez reconduire à l‘avenir ?

C’était intéressant de faire ce DVD pour marquer le coup, et ce serait bien de reconduire l’idée. Néanmoins, la question de la VOD m’intéresse plus. Le DVD est un bel objet, mais il reste cher à fabriquer et à acquérir. Si demain, un système sécurisé permettait aux adhérents de voir des films de la même qualité que sur un support DVD, je serais tout autant preneur. Peut-être envisagerons-nous de faire quelque chose autour de “20 films, 20 ans”, ou si on est trop impatient autour de“15 films, 15 ans” !

Propos recueillis par Katia Bayer

Article associé : La critique du DVD « Les Lutins du court métrage : 10 ans, 10 films »

Consulter les fiches techniques de « Voyage autour de ma chambre » et d’ « Erémia Erèmia »

Le site des Lutins : www.leslutins.com/du_court_metrage/

Les Lutins du court métrage

En 1997, lors d’une fête bachique, le court métrage est présenté à un lutin fantasque. Treize ans plus tard, ces deux-là sont toujours ensemble, et ne semblent toujours pas prêts à se faire des infidélités.

Dès le départ, Stéphane Saint-Martin, à l’origine des Lutins du court métrage, cherche à mieux honorer la création et les corps de métiers français, à se démarquer des César qui ne récompensent plus qu’un seul film court depuis 1992, et à diffuser une sélection de courts nominés à un public néophyte.

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Au fil des années, en dépit d’une économie compliquée, les Lutins ont réussi à se maintenir grâce au bénévolat et à certains changements (apparition/disparition de partenaires, suppression de certains prix, ouverture du vote du public…). Cette année, l’humeur est à la lueur, à l’espoir et à la modernité : la treizième Nuit des Lutins, ayant lieu le 3 juin prochain, se déroulera en numérique et en simultané, dans une trentaine de villes en France.

Même si le mois de juin est encore loin, Format Court a envie de bousculer ses Focus en consacrant un dossier à ce malicieux farfadet, attaché au mot « court »…

Retrouvez dans ce Focus :

Un printemps à Bollywood

21 mars, premier jour de printemps. En hibernation ces dernières semaines, l’édito refait surface, alerté par plusieurs signes : une question candide (“ah, un gâteau. C’est un site de cuisine, Format Court ?”), un anniversaire périmé (deux mois plus tard, il était temps…), et l’arrivée de nouveaux Focus (Lutins, Lobster, film d’écoles israélien, fête de l’animation lilloise, …).

Laissant derrière lui Angers, Clermont-Ferrand et Anima, cet édito se frotte à l’exotisme en sous-titrant le cinéma le plus prolifique du monde, sous l’égide d’un Ganesh monstrueusement kitsch. La nouvelle saison démarre avec pétulance : soyez de la partie !

Source : www.grapheine.com/bombaytv

Katia Bayer
Rédactrice en chef

Les Courts du Grand au Grand Action

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Freedub 1 de Stéphane Elmadjan

8 et des poussières de Laurent Teyssier

Lucas sur terre de Maud Alpi

La leçon de danse de Philippe Prouff

Dans la tête de Grégory Damour, Maxime Entringer, Anthony Gilles, Alan Sellier

 

Infos pratiques : Courts du Grand, 6ème édition – Vendredi 19/3 – Start : 19.45 pétantes !

Cinéma Grand Action – 5, rue des Ecoles – 75005 Paris

www.collectifprod.fr, collectifprog@gmail.com

Envoyer son film à l’adresse suivante : Collectif Prod, 63 bis rue Ramey, 75 018 Paris

Carlye Archibeque : “Un film parfait, ce n’est pas forcément un genre, un drame ou une comédie. C’est un univers entier, complet.”

« See, meet and interact. The people behind the pixels ». Cette formule esquisse les contours du Siggraph, acronyme de Special interest Group in Graphics, un séminaire américain annuel sur l’infographie, apparu pour la première fois en 1974. Intégré à l’événement, le Computer Animation Festival couvre le plus sophistiqué de l’image numérique mondiale et offre plusieurs prix dont le très convoité Best in Show Award. Courte rencontre avec Carlye Archibeque, Présidente et productrice du Festival.

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Le Siggraph a 36 ans. Comment a-t-il vu le jour ?

Dans les années 60, les images de synthèse (computer graphics/CG) commençaient à être de plus en plus utilisées, à un point tel que les universités ont envisagé d’intégrer des laboratoires d’infographie dans leurs départements d’ingénierie. En 1967, quelques professeurs d’université ont lancé une pétition à l’attention de l’Association for Computing Machinery (ACM) qui comprenait des ingénieurs. Le but était d’établir un sous-groupe pour les professionnels du graphique pour qu’ils aient la possibilité de s’exprimer, d’être entendus et de partager leur travail et leurs théories, afin de faire évoluer la profession. Cette pétition a été approuvée, et la première conférence Siggraph a eu lieu en 1974 et l’année suivante, le festival a été lancé. A l’époque, le festival était un grand mot, c’étaient plutôt des projections très informelles. Depuis, le Siggraph est devenu une organisation reconnue. Ce qui est fascinant, c’est que le projet est né de professeurs qui enseignent encore et que les pionniers de cette initiative sont encore vivants. Je fais régulièrement des interviews d’eux, dans le but d’archiver ces informations. Ce qui est marrant, c’est qu’on considérait autrefois les gens de ce milieu comme des « nerds » ou des « geeks ». Je crois qu’on a réussi à faire changer des choses. Maintenant, ils sont perçus dans un sens positif.

Vous recevez chaque année énormément de films. Quels sont les critères cruciaux pour être retenus au Siggraph ?

Les studios sont toujours à la recherche d’un pitch ou d’une idée qui plairait à un maximum de gens. Le problème, c’est qu’un critère pareil nuit parfois à l’histoire. Pour moi, c’est l’audace qui prime. Il ne faut pas forcément quelque chose d’inouï car ça devient très difficile de trouver un sujet qui n’a jamais été traité avant, mais ce qui est intéressant, c’est de raconter les choses d’une autre manière. Outre l’histoire, ce qui importe, ce sont les émotions et le divertissement. Le cinéaste doit en effet être capable de traduire et de partager la joie de son histoire à travers son film. Alors effectivement, nous recevons beaucoup de films, mais certains cinéastes n’osent pas nous envoyer leurs films, parce qu’ils estiment qu’ils ne sont pas assez bons pour le Siggraph. Évidemment, certains titres sont très vite éliminés mais ce n’est pas parce qu’un film est simple qu’il n’est pas bon. Et puis, de toute façon, l’inscription est gratuite donc on ne perd rien à essayer !

Comment s’opère la présélection ?

Les deux dernières années, les 1.000 films que nous avons reçus ont été départagés par un jury de présélection qui a travaillé de 07h30 à 21h pendant quatre jours et qui était plutôt épuisé à la fin ! Cette fois-ci, notre équipe de production s’est réunie pour éliminer plein de films dans un premier temps. Le nombre a été réduit à 350. Moi, je ne fais pas partie du jury, mais je participe à la sélection, ce qui est déjà une manière de voter. On a une règle, toutefois : les membres du jury ne se parlent pas pendant la sélection mais seulement pendant les pauses afin de ne pas s’influencer.

Peux-tu me parler de tes goûts ? D’un film en particulier que tu as beaucoup aimé ?

L’année passée, « Oktapodi » était pour moi un film tout à fait parfait. Un film parfait, ce n’est pas forcément un genre, un drame ou une comédie. C’est un univers entier, complet. « Oktapodi » était complet. Les personnages étaient fascinants et fidèles à leur nature. Le vilain était très méchant, et les pieuvres étaient vraiment mignonnes ! J’aimais beaucoup la palette de couleurs utilisée. Ceci dit, j’aime le noir et blanc aussi.

Quels sont les prix remis au Siggraph ?

Il y a quatre prix proprement dit, avec chaque fois trois nominations et un gagnant. Seul le Best of Show est un vrai prix, les autres sont plutôt des mentions, et des honneurs. En fait, pour le Best of Show, le jury vote autrement que pour les autres catégories. Un comité visionne les films et en choisit dix, puis un autre comité plus réduit vote pour cinq films. Le prix offre au lauréat une nomination à l’Oscar du film d’animation. Ainsi, cette année, « French Roast » de Fabrice O. Joubert, lauréat de ce prix, était en lice pour l’Oscar.

Le Siggraph ne met en avant que les court métrages et les films d’écoles. Serait-ce possible d’envisager aussi une compétition pour des longs métrages ?

On essaie d’avoir aussi des longs métrages et de les programmer en ouverture. Cette année, on a montré « Coraline » en 3D. Le problème, c’est que ça demande du temps et de l’énergie, et que le Siggraph est une conférence technique dont le côté artistique est très récent. Il y a deux ans, c’était encore une culture digitale fermée. Les studios et les maisons de productions ne comprennent pas toujours ce qu’on fait. C’est très difficile de les convaincre de nous refiler des films, et ça prend du temps pour créer des liens de confiance avec eux. La plupart de ces films sont des blockbusters de l’été, et le Siggraph a lieu en juillet-août. Personne ne veut nous refiler les sorties de l’été parce que c’est trop tôt. Et personne ne nous donne les films prévus pour novembre-décembre parce que ça gâche leur sortie. C’est compliqué, mais on persiste quand même !

Propos recueillis par Katia Bayer

Article associé : la critique de « French Roast »

Le site du Siggraph : www.siggraph.org

Festival Courtisane 2010 : cinéma, vidéo et art médiatique

couritsane

La neuvième édition du Festival Courtisane présente un mélange inédit de cinéma, de vidéo, de performances audiovisuelles et d’art médiatique.

Découvrez le travail des cinéastes et des artistes média les plus aventuriers d’aujourd’hui et de demain.

Cette expérience « on the edge » se tiendra pendant cinq jours, du 17 au 21 mars, dans différents lieux de la ville de Gand.

Pour plus d’informations, consultez le site de Courtisane.be

Logorama de H5

Kill your Idols !

Déjà connus et reconnus pour leurs pubs et leurs clips, François Alaux, Hervé de Crécy et Ludovic Houplain – aka le collectif H5 – viennent de remporter avec leur premier film l’Oscar 2010 du meilleur court métrage d’animation. Logorama nous embarque dans un manège étourdissant de logos publicitaires, presque aussi cruel et frénétique que le matraquage orchestré par les grandes marques, jusqu’à l’apocalypse…

Une belle journée à Los Angeles. Ça sifflote joyeusement. Des flics conversent dans leur voiture de patrouille. Des enfants visitent le zoo. Et puis, au détour d’une rue, comme dans tout bon blockbuster, le sourire du clown psychopathe, la course-poursuite, la prise d’otages, le gunfight… Avant l’escalade finale. B.O rétro, dialogues à la sauce Tarantino des séries en vogue, rythme effréné, les ingrédients classiques sont là. S’amusant des conventions des films policiers et des films catastrophe, Logorama enchante par son casting de stars ! Au rang des héros et des clins d’œil, les Bibendums Michelin incarnent les forces de l’ordre, Monsieur Propre officie comme guide du zoo, le Géant Vert se soucie du bien-être des animaux et la jolie serveuse n’est autre qu’une pin-up Esso. Le rôle du grand méchant revient de droit à Ronald McDonald qui, « I’m loving it ! » carnassier en bouche, se fera un plaisir de dézinguer tout ce qui bouge et de corriger les deux garnements de service : le bonhomme Haribo et le gamin Big Boy.

Au long de 16 minutes enjouées, Logorama laisse libre cours à l’animation typographique virtuose de 2500 logos. Logos tous plus charismatiques les uns que les autres, tous gravés dans nos mémoires rétiniennes, notre temps de cerveau disponible. Là aussi, ils sont absolument partout. Ils sont tout à la fois le décor et les acteurs. Ils font crisser les pneus, font parler les colts, se haïssent et s’entretuent avant de finir engloutis par un séisme géant, noyés dans un océan nimbé de pétrole et de déchets radioactifs. La violence déchaînée du clown McDo envers la terre entière et notamment envers un Big Boy « tête à claques », symbole d’une chaîne concurrente de fast-foods, n’est peut-être pas un hasard. Ce dénouement chaotique, cet enfouissement du monde des grandes firmes capitalistes, non plus… Dénouement en spirale, long travelling arrière jusqu’à l’infini de l’espace, composé lui aussi de sigles commerciaux. La boucle est bouclée.

Laissant de côté le caractère oui ou non subversif et contestataire du détournement de ces icônes marchandes, les réalisateurs présentent plutôt leur film comme un « droit de réponse » au déferlement d’images de nos sociétés de consommation. L’intégration du fait que nous vivons sous un bombardement permanent de marques, de labels, où tout se vaut, s’égalise. Ici, le RAF historique de Baader et Meinhof apparaît au même rang que les Stop&Shop et autres Master Card. Et peu à peu, au fil de l’intrigue, l’impact visuel des logos s’estompe au profit de l’aventure des personnages. En un sens, le politique dans Logorama, ce sont son existence même et son goût du ludique. L’audace d’avoir écrit et produit un court métrage bluffant et drôle autour de 2500 logotypes sans autorisation préalable et en dépit du droit international. Un pari payant puisque le succès public et les récompenses sauront sans doute mettre le collectif et ses producteurs à l’abri des quelques 3000 procès possibles. Engouement porté aussi par l’affection inconsciente que chacun éprouve peut-être pour ces mascottes flashy, parasites colorés de notre quotidien.

Au-delà de l’indéniable talent des H5, l’Oscar et les nombreux prix internationaux récoltés par Logorama consacrent également la vivacité de l’animation française et l’émergence d’une nouvelle génération de créateurs. Quand ils ne sont pas tout simplement autodidactes, ces créateurs ne sortent pas forcément des écoles de cinéma mais s’échappent volontiers des sphères des Beaux-Arts, du graphisme ou de la communication. Riches de ces parcours transversaux, ils n’hésitent pas à mêler les codes et les formules de différents univers, à brouiller les pistes et les genres, à dresser un pont entre le langage cinématographique et l’innovation plastique. François Alaux et Hervé de Crécy vont ainsi, à la demande de l’éditeur Ubisoft, adapter le jeu vidéo Tom Clancy’s Ghost Recon Future Soldier en court métrage de 20 minutes, avec Ridley et Tony Scott à la production. Un rapprochement de bon augure.

Xavier Fayet

Consulter la fiche technique du film

Articles associés : l’interview de Ludovic Houplain, co-réalisateur, l’interview de Nicolas Schmerkin, producteur d’Autour de Minuit

Festival Côté court : Participez au Prix du Public

Vous résidez à Pantin ? Vous aimez particulièrement le cinéma ? Vous êtes libre entre le 9 et le 19 juin ? Participez au Festival Côté court et remettez le Prix du public.

Le Jury du Prix du Public est constitué de 5 personnes qui visionnent, durant la période du Festival, l’intégralité des films présentés dans le cadre de la Compétition Fiction (soit une vingtaine de courts métrages). Il attribue à l’un des réalisateurs un prix de 1500 euros, doté par La Ville de Pantin.

En tant que membre du Jury du Prix du Public, vous serez au cœur d’un événement majeur de votre département et vous pourrez rencontrer des professionnels du cinéma (réalisateurs, comédiens, producteurs) et participer aux autres programmes du Festival.

Comment participer ?

Envoyez-nous, avant le 3 mai 2010, une lettre de motivation en précisant bien dans votre intitulé « Candidature pour Prix du Public Côté court 2010 »

• Par e-mail à : amelie@cotecourt.org

• Par courrier à :

Festival Côté court – Jury Prix du Public

Amélie Damelincourt

104, avenue Jean Lolive 93500 Pantin

Festival Hors pistes: Visionnez les films en ligne

Rendez-vous d’actualité né en 2006, le Festival Hors Pistes s’attache aux nouveaux usages de l’image contemporaine et témoigne des ruptures et des détournements qui nourrissent les formes traditionnelles du film et de la narration.

hors-pistes

Pour ceux qui ont raté l’édition 2010 (19 au 28 février), il est possible de visionner en ligne (gratuitement pendant 2 mois) une partie des films programmés cette année.

Voir les films…

En savoir plus sur le Festival…

La 500e de Court-Circuit : concours de courts métrages

Les internautes ont jusqu’au 2 juillet 2010 pour envoyer un court métrage de 2 minutes maximum, utilisant au moins 2 des 4 mots suivants : « court-circuit », « 500 », « fête », « arte ». Bande-annonce, clip, fiction, documentaire, animation … tous les genres sont acceptés.

concours_500

Trois prix seront alors remis avec un « prix ARTE » décerné par un jury composé de professionnels et deux « prix des Internautes ARTE » décernés par les Internautes.

Le lauréat du « prix ARTE du jury professionnel » gagnera la diffusion de son court métrage dans la 500e de Court-circuit, ainsi qu’une caméra de poche HD Kodak Zi8 et Le guide Kodak du jeune cinéaste 2009-2010.

Le 1er lauréat du « prix des Internautes ARTE » gagnera 100 euros à choisir sur www.arteboutique.com et Le guide Kodak du jeune cinéaste 2009-2010.

Le 2ème lauréat du « prix des Internautes ARTE » gagnera 50 euros à choisir sur www.arteboutique.com et Le guide Kodak du jeune cinéaste 2009-2010.

Pour en savoir plus…

A comme Alma

Fiche technique

Synopsis : Alma sautille à travers les rues enneigées d’une petite ville. Une étrange poupée dans la vitrine d’un magasin de jouets anciens attire son attention. Fascinée, Alma décide d’entrer…

Genre : Animation

Durée : 05’20’’

Pays : Espagne

Année : 2009

Réalisation : Rodrigo Blaas

Scénario : Rodrigo Blaas

Directeur photographie : Gabe Ibañez

Animation: Daniel Peixe, ManueBover, Remi Hueso

Design des personnages : Bolhem Bouchiba, Carlos Grangel,
Sergio Pablos, Santi Agustí

Musique : Nacho Mastretta

Son : Tom Myers, David Hughes

Décors : Alfonso Blaas

Production : Cecile Hokes, Nina Rowan

Effets spéciaux : David Heras

Article associé : la critique du film