L’art délicat de la matraque de Jean-Gabriel Périot

Le charme (peu) discret de l’autorité

Artiste de la trace et de la mémoire, Jean-Gabriel Périot aime pratiquer un cinéma hybride, à la lisière du documentaire et de la fiction, entre l’animation et l’expérimental, nourri d’images cinématographiques et photographiques fortement ancrées dans l’Histoire universelle. « L’art délicat de la matraque », présenté à Media 10-10 dans la compétition OVNI dénonce la brutalité extrême et souvent impunie de certaines forces de l’ordre lors de manifestations ou rassemblements.

Réalisé dans le cadre d’un film collectif « Outrage et rébellion » le film de Périot fait partie d’une quarantaine de courts métrages tournés dans l’urgence par des artistes et cinéastes français et étrangers en réponse aux violences policières perpétrées à l’heure actuelle. Comme c’est souvent le cas dans son œuvre, le réalisateur parle du présent et du futur en ayant recours au passé et décide de mettre en scène la réalité afin de se rapprocher de ce qu’il nomme la vérité.

Des images en noir et blancs issues de l’actualité d’hier et d’aujourd’hui, d’ici et d’ailleurs montrent des manifestants révoltés face à une police peu conciliante. Soudain, les deux entités se rapprochent comme aimantées, se confrontent et se jugent. L’espace d’un instant, l’affrontement ressemble à une parade minutieusement chorégraphiée, à une danse sociale hautement codifiée. Peuple et pouvoir semblent s’unir mais une frontière quasi invisible les sépare, une ligne de démarcation qui s’agrandit à mesure que les électrons libres s’agitent et se révoltent. Dans les interstices de cette faille s’engouffrent la violence et la barbarie commises en toute impunité.

Avec un montage nerveux rythmé au son punky de « This is not a love song » de Public Image Limited interprété par le groupe « Expérience », les images apparaissent de façon obsessionnelle et récurrente sans discours ni commentaires. Jean-Gabriel Périot les détourne habilement de leur contexte initial pour donner sa lecture des faits. Il pose la question de la légitimité de la violence dans un contexte social tout comme il met en évidence les inégalités et les incompréhensions existantes dans le dialogue avec la justice. D’un côté une masse compacte en uniforme, armée et sans visages, de l’autre, des hommes et des femmes qui expriment leur mécontentement. Une histoire d’amour qui n’en est pas une, un David et Goliath qui ne se termine pas toujours bien, en somme.

Marie Bergeret

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