Tous les articles par Katia Bayer

Trouville Séquences 2011

Depuis Paris, le sifflement de deux heures de train suffit. À la gare de Trouville-Deauville, prendre à droite pour la 12ème édition du festival Off-Courts ( du 2 au 10 septembre 2011). À gauche, à peu près aux mêmes dates, on entre dans la 37ème édition du festival du cinéma américain de Deauville.

À droite, dix minutes à pied suffisent. Dans l’atelier provisoire des mareyeurs, à l’intérieur d’un ancien restaurant, au Salon des Gouverneurs du casino, au Marché international du film court de Trouville s’ouvre un éventail de créations et d’animations. 1100 films reçus, plus de 140 exposés durant le festival, des concerts, une programmation réservée à un public scolaire, des courts québécois et français en compétition, des projections extérieures, des courts réalisés et montés en 48h, donnent un aperçu de la vitalité du festival Off-courts de Trouville établi près des commissures de la mer.

Face à pareille condensation cinématographique, sortir l’appareil à dilution et inviter quelques spécimens.

Land of the heroes (Belgique/Irak) de Sahim Omar Kalifa. Dans la catégorie International PCC (Prends ça court !)

Cela se passe comme ça dans une région désertique de l’Irak : la mort est un jeu à emporter. Aucune obligation à la consommer sur place. Pendant que des images du « Raïs » Saddam Hussein piratent l’antenne du téléviseur et le temps de diffusion des dessins animés, chacun s’affaire. Deux mères astiquent grenades, AK-47 et d’autres armes comme elles feraient la lessive : normal, en l’absence d’eau et d’hommes, il faut bien se rendre utile en exécutant à sec une ou deux tâches ménagères. Un frère et une soeur, eux, faute de dessins animés à la télé, « s’amusent ». On les croit innocents alors qu’ils ont arrêté de l’être. C’est donc qu’ils restent des indicateurs d’un certain optimisme. Par on ne sait quelle stratégie de la redoute ou de Fed Ex, un costume de Spiderman est arrivé là. Mais ses vertus sont paradoxales : celui qui le porte s’empêtre dans la toile d’un de ses cousins. La cohabitation est brutale et humiliante. Presque plus violente que la guerre irako-iranienne (1980-1988) qui favorise redistribution des boites crâniennes et fuite des cerveaux.

Les hommes ont une vie bien remplie. Lorsqu’ils sont à la télé, ils assistent ou prennent part à une parodie de victoire en présence du Raïs; ils participent alors à une victoire du passé : les images que l’on nous en montre appartiennent à cette époque où Saddam Hussein – exécuté en 2006 à Bagdad pour crimes contre l’Humanité- dirigeait l’Irak; autrement, lorsqu’ils sont sur le terrain, les hommes gardent des forts et des lieux aussi stratégiques que leur propre absence.

Plus que l’attitude des enfants, l’ambiguïté des deux femmes attribue une composante menaçante à Land of the heroes. Car leurs gestes sont calmes et appliqués. Elles font des ustensiles de la mort des objets banals, sortes d’aiguilles à tricoter dont on dispose en discutant de choses et d’autres. Il semblerait que, plus que celle des enfants, la violence des femmes effraie davantage Sahim Omar Kalifa car il nous la donne assez peu à voir. Et, lorsqu’il le fait….

O Inferno (Portugal) de Carlos Conceiçao. Dans la catégorie International PCC.

Dans Land of the heroes, même vulnérable, il existe une assez belle complicité entre un frère et sa sœur. L’alliance avec quelqu’un de son âge reste possible. Dans O Inferno, un enfant se retrouve seul, auprès d’adultes qui, un moment, l’excluent. Ce qui aura quelques conséquences.

« Le ciel et l’enfer coexistent dans la même maison où un gars a la fonction de garder la piscine propre, mais finit par s’impliquer dans des activités qui le compromettent ».

Un homme, deux femmes, une piscine dans une villa et un enfant d’à peine douze ans. Le paradis affiché. Une piscine immaculée. Rafa – dont le prépuce exclut formellement toute parenté avec celui d’un fervent adepte de la terre battue bien connu des souffles coupés et de certains services liftés – fait l’amour avec les deux femmes. L’enfant, lui, imagine ce que ces trois adultes font ensemble à huis clos. Tout le monde est beau dans cette constellation.

Rafa, le jeune homme viril latin, sûr de lui, qui donnerait envie de se jeter au fond de la piscine pour des langueurs câlines est donc beau. Les deux femmes, aussi, sont désirables, lèvres, corps et regards modulables. La femme de Rafa d’abord, laquelle est une branche qui se plie à ce raccordement à trois. Ah ! La voir se mettre sur la pointe des pieds quand elle l’embrasse… Et puis, il y a l’autre compagne visiblement mieux disposée. Il y a aussi le Portugais, langue bien plus érotique qu’une mangue au tartre…

Rafa procède à une levée des corps qui réduit ou intensifie notre capacité de connivence avec lui. Mais il y a l’enfant. Celui-ci veut plonger tête la première, du moins voir, ce que ces trois là se mettent. Alors, il appelle Rafa. Peut-être qu’habituellement, Rafa s’amuse avec lui. Comme un garçon plus âgé sert parfois de modèle à un plus jeune. Enfin, il y a le père, le mari, fourbu, cocu, dont on découvrira véritablement ce qu’il est peu à peu.

Dans O Inferno, tout est surface et notre œil nous trompe. C’est lui qui nous tient et nous interdit d’être. Quant à l’enfant, que fait-il payer à Rafa ? De l’avoir seul ? Ou d’avoir été exclu de sa propre initiation à une certaine virilité ? Ou de l’avoir laissé seul ?

Il Capo (Italie) de Yuri Ancarani. Dans la catégorie International PCC.

Paysage d’hommes stricto sensu, ce documentaire se trace dans une carrière à Monte Bettogli Carrara, où le chef « Il Capo » orchestre la découpe du marbre.

Pour quiconque aime voir les films sans rien en savoir au préalable, il faut un peu de temps avant de comprendre Il Capo. Surtout que tout se passe en silence. Si l’on évacue les bruits de la manœuvre. On assiste là à une libération de l’horizon, peut-être de l’inconscient. L’horizon est de marbre. Il ne bouge pas, ne parle pas, immense, permanence du sacré. L’homme, lui, est plus petit et tout aussi muet. Et il est actif : il a besoin de défaire le marbre.

À mains nues, l’homme ne peut rien contre la roche. Mais avec des machines, réincarnation fabriquée, dopée, de certains animaux préhistoriques, il peut s’y attaquer, le capturer. D’autant que le marbre se laisse faire. C’est dans sa nature. Mais le fendre est un métier dangereux. Cela s’oublie dans Il Capo où le marbre se rend fréquentable, hypnotique. Peut-être parce qu’il compte sur ce documentaire pour faire carrière. Ou parce qu’il se souvient que, malgré tout, c’est nous qui finirons en chantier contre lui.

Sudd (Suède) de Erik Rosenlund. Dans la catégorie International PCC.

La fiction se réinjecte dans les fissures du réel grâce à Sudd. Ce film d’animation bénéficie d’une photographie qui a l’aura ou la violence du cocktail Molotov. La solitude et l’intolérance sont une menace pour notre héroïne. Dans une ville déserte et sans enfants, aux alentours des années 60, celle-ci contracte une maladie par le toucher dans un monde où l’on ne se touche pas ou ne se touche plus. Bien sûr, il est ici question de contact social et non d’un nouveau recensement à titre gracieux des infanteries de l’onanisme, car l’on ne se parle pas non plus dans le film d’Erik Rosenlund. Le salut, s’il en est un, est aléatoire et Sudd nous demande ce qui, dans notre monde, justifie encore qu’on le sauve.

L’accordeur (France) d’Olivier Treiner. 13 mn. Dans la catégorie Projection extérieure.

Plutôt que de sauver le monde, le protagoniste principal de L’accordeur, lui, a envisagé de se sauver. Un jeune pianiste voit sa carrière prometteuse disparaître après un concours. Il réapparaît en accordeur réputé mais aveugle.

Ce court métrage remarqué parle d’ambition et de destin. De cette façon que nous avons de masquer les preuves de nos propres faiblesses. Jusqu’à nous berner et aveugler les autres aussi peut-être. L’accordeur aurait pu être une comédie ou une aventure sensuelle. Le réalisateur a choisi d’en faire un film noir.

L’identité factice que s’est créée l’accordeur (l’acteur Grégoire Leprince-Ringuet) est très séduisante. Elle fournit la paix, le succès et l’espoir qu’une autre vie, meilleure, est possible avec un peu de mise en scène.

L’agent (l’acteur Grégory Gadebois qui peut rappeler Chris Penn dans Nos Funérailles de Ferrara) de l’accordeur, lui, s’apparente à une conscience quelque peu bourrine- jalouse aussi- qui pourrait le ramener à plus de modestie.

Après nous avoir endormis et manipulés (rendus complices et voyeurs de la malice de l’accordeur), Olivier Treiner nous réveille. De la même manière que nous n’avions pas vu la chute initiale de l’accordeur – lorsque pianiste prodige celui ci échoue à son concours- il nous empêche de vérifier sa chute finale. Quand le film s’achève, notre imaginaire, enfermé dans l’impuissance du héros, est dressé à l’espoir et l’angoisse. La gloire et le succès sont pour celles et ceux qui continuent de jouer même lorsque la mort est leur unique spectateur.

Lilith d’Isabelle Noguera. Film en compétition.

Rachel, elle, n’a pas demandé à se trouver au chevet de sa destinée. Contrairement à l’accordeur, à l’origine, elle n’avait pas l’ambition d’avoir du pouvoir sur les autres malgré un certain héritage familial.

Rachel et Lucile sont deux copines d’enfance. En désobéissant, elles provoquent la mort de la mère de Rachel dans un accident de la route. Les deux jeunes filles se perdent de vue. Quinze ans plus tard, Rachel reçoit Lucile dans la maison familiale.

Taillé à la pointe du silex, Lilith est un prénom biblique fait pour l’équarrissage. C’est aussi le titre du court-métrage d’Isabelle Noguera. Si le jeu des comédiens et la bande sonore sont empruntés et trop appuyés à certains endroits, Lilith retient pourtant le regard et peut atteindre l’au-delà de l’écran. Grâce à l’histoire d’une innocence et d’une amitié encornées dans le toril de la douleur. Grâce à une poésie obstinée. Ou peut-être aussi parce que Lilith raconte la terrible punition qui suit certaines désobéissances. Lilith est un court métrage surmoïque. Mais aussi un film de femmes plus que d’hommes.

Lilith expose d’abord l’insouciance de Rachel, la présence sécurisante de sa mère, l’attachement aux chats comme à une certaine liberté- certains parleraient d’indépendance- un don intergénérationnel pour la cartomancie, le sens de l’hospitalité. Puis, la meilleure partie de Lilith entre en lice, lorsque 15 ans après l’accident mortel, Rachel – interprétée adulte par Ophélia Kolb- réinvite sa copine d’enfance Lucile- l’actrice Claire Philippe- à la maison.

Ophélia Kolb/Rachel donne du grain à ce court-métrage ainsi qu’à ces duos ou ces trios qu’elle transforme avec ses partenaires. Elle torréfie en elle toutes les forces menaçantes et insolites de l’histoire. Lucile est « jolie de bonheur », plutôt lumineuse et légère. Rachel est le pendule dont les ressorts agissent sur nous tout en nous maintenant dans l’ignorance de l’échéance qui nous échoit. Ses gestes sont préréglés par une civilité aussi mortuaire qu’irréprochable. Depuis la mort de sa mère, Rachel n’a cessé d’obéir. A quoi ? On croit entrevoir plusieurs fois le montant exact du loyer de ses pensées : elle pourrait être une vampire ou une meurtrière mais ses actes évitent le chaos avec la peau et le sang. Elle pourrait choisir le poison mais on sort de table vivant.

Les deux hommes de l’histoire (le copain de Lucile et l « ami » de Rachel) sont des figurants. Le premier, artiste de rue, semble un idéal masculin voué principalement à susciter l’envie ou le désir de Rachel. Le second est à la fois le témoin d’un passé dans un service psychiatrique mais aussi le spectateur d’un présent où Rachel aspire à certaines apparences de bonheur et de normalité. Même si une certaine démence la dénonce, Rachel s’accroche à la vie. Telle une enfant qui a perdu sa mère.

Franck Unimon

Articles associés : l’interview de Sahim Omar Kalifa, l‘interview d’Isabelle Noguera

Off-courts 2011

Avant que l’heure refroidisse au passage de l’automne, Trouville nous couve sous le climat de sa 12 ème édition Off-courts faite d’images en provenance de la France, du Québec et d’autres mondes. Il faut des toux pour faire un monde.

Retrouvez dans ce Focus :

Festival Elles Tournent-Dames draaien du 29/09 au 2/10/11

visuel-festival-elles-tournent-2011

La 4ème édition du Festival met en avant des réalisatrices confirmées ou débutantes qui livrent des créations exceptionnelles venues des 4 coins du mondes. La programmation est marquée cette année par un focus sur les Pays-Bas et Taïwan.

Liste des courts métrages programmés:

1. 14-40, de Chu Meichun, (Chine)

2. 16th book of Metamorphoses de Sanghee Song,  (NL/Corée du Sud)

3. Attention Féministes ! de Rozenn Potin (Québec)

4. Blague à part de Valérie Rousselot (France)

5. Dissonant de Manon de Boer (Belgique)

6. Excess of Yang de Sophie Whettnall (Belgique)

7. Kubita de Maria Tarantino (Belgique)

8. Les lieux du son de Sung-A Yoon (Belgique)

9. Living without men de Luo Yi (Chine)

10. Planet Z de Momoko Seto (France)

11. Positive de Tan Tan (Chine)

12. Shadow Boxing de Sophie Whettnall (Belgique)

13. Shallow Sleep de Yuan Gao / Ming Yue (Chine)

14. The Corridor de Sarah Vanagt (Belgique)

15. Tu as loué une voiture pour pleurer de Isabelle Martin (Belgique)

16. Quand les femmes sont fortes de Malika El Barkani (Belgique)

17. Où sont les femmes? de Ines Rabadan (Belgique)

18. Poupées poubelles de Violaine de Villers (Belgique)

19. Gabrielle de Rozenn Quéré (France)

20. Mam de Adelheid Roosen (Pays Bas)

Lien du Festival : www.ellestournent.be

Festival pointdoc, prolongation des inscriptions

Le Festival poindoc prolonge son appel à films documentaires d’auteur au 29 octobre 2011. Il vous reste donc un peu plus d’un mois pour nous envoyer vos créations selon les deux catégories proposées :

@ Films jamais diffusés (quelle que soit son année de réalisation)
@ Premières créations (réalisées à partir du 1er janvier 2009).

Comme l’année précédente, le Festival pointdoc s’attachera à sélectionner des regards particuliers sur le monde portés par des auteurs qui s’engagent aussi bien sur le fond que sur la forme.

point-doc-2012

Pour ceux qui ne le connaissent pas, Festival pointdoc est un festival en ligne de films documentaires créé pour ouvrir le cinéma documentaire au plus grand nombre. Il se déroule sur internet pendant 15 jours. 20 films documentaires d’auteurs sont en accès gratuit, visibles à n’importe quelle heure et partout dans le monde.
Cette année, la deuxième édition de Festival pointdoc aura lieu du 15 janvier au 29 janvier 2012.

Pas de prix… mais des coups de cœur, sont attribués à la fois par le public et par un jury de professionnels reconnus du documentaire, composé de réalisateurs, de producteurs et de techniciens.

Les films « coups de cœur » auront la chance d’être diffusés sur grand écran lors de la soirée de clôture, car nous n’oublions pas que la meilleure façon d’apprécier un film est la salle de cinéma !

Vous pouvez retrouver la fiche d’inscription sur le site web du festival : http://www.festivalpointdoc.fr

Format Court, ce soir dans Court-Circuit

Chaque semaine, « Court-circuit – Le magazine » présente sur ARTE les tout derniers courts métrages du monde entier et jette un œil en coulisse au travers de portraits, d’interviews, de carnets de tournage, et d’informations sur l’actualité des festivals et des films.

Ce soir, l’émission consacre un sujet à Format Court, dans le cadre de sa série consacrée aux films courts sur le web. Rendez-vous dès 00:30 pour l’accès aux images…

Court-circuit, ARTE
vendredi, 23 septembre 2011 à 00:30 – Pas de rediffusion
(France, 2011, 45mn)

Jan Czarlewski. Comment j’ai provoqué mon père

Jan Czarlewski est le grand vainqueur des Léopards de demain : il a reçu le Pardino d’or pour son court documentaire « L’Ambassadeur & moi ». Filmant son père, ambassadeur de Pologne, durant plusieurs jours dans les hauts lieux de la diplomatie, il revient sur les rapports houleux qu’il a entretenus avec lui et le besoin qu’il a éprouvé de se rapprocher de l’homme intime à travers le prisme du cinéma. Rencontre.

Jan Czarlewski. Comment j’ai provoqué mon père from Format Court on Vimeo.

Interview, montage : Isabelle Mayor

Consulter la fiche technique du film

A comme L’Ambassadeur & moi

Fiche technique

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Synopsis : Son excellence, l’Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Pologne auprès du Royaume de Belgique a consacré toute sa vie à son pays. En contrepartie, il n’a jamais vraiment eu de temps pour moi, son fils. A Bruxelles, je viens passer quelques jours avec lui afin d’essayer de rattraper le temps perdu.

Genre : Documentaire

Durée : 15′

Pays : Suisse

Année : 2011

Réalisation : Jan Czarlewski

Scénario : Jan Czarlewski

Image : Jan Czarlewski

Montage : Jan Czarlewski

Son : Jan Czarlewski

Musique : Ignacy Paderewski

Production: École Cantonale d’Art de Lausanne

Article associé : l’interview de Jan Czarlewski

Carmen Jaquier. Entre féminité partagée et langue commune

Carmen Jaquier a reçu le Pardino d’argent au dernier festival de Locarno. Jeune réalisatrice suisse, elle nous raconte les destinées de deux sœurs dans « Le tombeau des filles ». Partageant la même chambre, elles découvrent, à leur rythme, ce que recouvre le terme de féminité. A partir de quel moment peut-on s’affirmer femme ? Agnès Varda, à travers des témoignages de la gent féminine, y apportait déjà quelques réponses en 1977…dans un court-métrage, « Réponse de femmes ».

Consulter la fiche technique du « Tombeau des filles »

T comme Le Tombeau des filles

Fiche technique

tombeau-des-filles1-carmen-jaquier

Synopsis : Sissi et Victoria sont soeurs. Tandis que la plus jeune sort doucement du monde de l’enfance, l’autre essaie en vain d’être grande. Dans la chambre qu’elles partagent, Sissi se prépare pour son concours de gymnastique et Victoria fait défiler les garçons.

Genre : Fiction

Durée : 17′

Pays : Suisse

Année : 2011

Réalisation : Carmen Jaquier

Scénario : Carmen Jaquier

Interprétation : Sharon Oberson, Anissa Cadelli

Photographie : Thomas Szczepanski

Musique : Vincent Weber

Son : Björn Cornellius

Montage : Julie Borvon

Production : Écal – École cantonale d’art de Lausanne

Article associé : l’interview de Carmen Jaquier

Alessandro Marcionni. L’urgence, le besoin de raconter

Lors du dernier festival de Locarno, nous avons rencontré Alessandro Marcionni. Responsable des Pardi di domani -un programme qui s’intéresse à la découverte de nouveaux talents-, il a choisi de nous parler du court métrage, de sa place au sein du festival, ainsi que du public, toujours plus curieux et avide de découvertes visuelles. Explications.

Locarno 2011

Après Cannes et avant Venise, le festival de Locarno, 64 ans d’âge, célèbre le cinéma d’auteur pendant une dizaine de jours en été. La petite ville suisse italienne propose bon nombre de films, répartis en une dizaine de sections.  Côté court métrage, le festival met en avant des films de personnalités reconnues du milieu (« Corti d’Autore”) comme des films plus expérimentaux (« Corti d’artista »).

Le programme « Pardi di domani », lui, est consacré aux courts et moyens métrages de jeunes auteurs indépendants ou d’étudiants d’écoles de cinéma n’ayant pas encore réalisé leur premier long métrage. Cette section comporte deux compétitions distinctes : l’une limitée aux productions suisses, l’autre propulsant les films des quatre coins du monde.
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Pour ce focus, nous avons opté pour un angle local. Outre Alessandro Marcionni, le responsable courts métrages du festival, nous vous proposons des entretiens avec Jan Czarlewski, réalisateur de “L’Ambasadeur et moi”, Pardino d’or, et Carmen Jaquier, réalisatrice du “Tombeau des filles”, Pardino d’agent.

Si vous n’avez pas choisi Locarno comme destination de vacances en août, la séance de rattrapage existe. Demain, le Centre culturel suisse propose de découvrir les quatre films gagnants aux Pardo di Domani (dont “L’Ambasadeur et moi” et “Le Tombeau des filles”)  ainsi que trois films présentés en Corti d’artista & d’autore.

Carte blanche au Festival de Locarno

Du 21 au 23 septembre, pour la deuxième année consécutive, le Centre culturel suisse de Paris consacre une carte blanche au festival de Locarno. Les courts métrages ayant marqué le festival font également partie de cette programmation.

Mercredi 21 septembre / 16 H – MINUIT

16H : El estudiante de Santiago Mitre (2011, 110′, Argentina) / Prix spécial du jury Ciné+ , Cinéastes du présent
18H : Din dragoste cu cele mai brune intenti de Adrian Sitaru (2011, 105′, Roumanie/Hongrie) / Compétition internationale – Pardo de la mise en scène
20H : Nana de Valérie Massadian (2011, 68′, France) / Pardo du meilleur premier film / en présence de la réalisatrice

jeudi 22 septembre / 15 H – MINUIT

15H : Carte blanche de Heidi Specogna (2011, 91’, Suisse / Allemagne)
17H : Saudade de Katsuya Tomita (2011, 167′, Japon)
20H30 : L’estate di Giacomo d’Alessandro Comodin (2011, 78′, Italie, France, Belgique) / Pardo d’or Cinéastes du présent / en présence du réalisateur
22H : Tahrir de Stefano Savona (2011, 90’, Italie /France), en présence du réalisateur

vendredi 23 septembre / 19 H – MINUIT

19H : Léopards de demain

Rauschgift de Peter Baranowski (2011, 23′, Allemagne) / Compétition internationale / Pardino d’or
Les enfants de la nuit de Caroline Deruas (2011, 26′, France) / Compétition internationale / Pardino d’argent
L’Ambassadeur & moi de Jan Czarlewski (2011, 16′, Suisse) / Compétition nationale / Pardino d’or
Le tombeau des filles de Carmen Jaquier (2011, 17′, Suisse) / Compétition nationale / Pardino d’argent, en présence de la réalisatrice

22H : Corti d’artista & d’autore

Le projet Corrida de René Burri et Marco D’Anna (2011, 21’, CH), en présence de René Burri et Marco D’Anna
Sack Barrow de Ben Rivers (2011, 21′, Royaume-Uni)
Boxing in the Philippine Islands de Raya Martin (2011, 6′, Philippines) (sous réserve)

Retrouvez pour l’occasion notre Focus consacré au festival !

Infos pratiques

Centre culturel suisse, 32-38, rue des Francs-Bourgeois, 75003 Paris

Prix des places : 2 et 4 € par séance / réservation conseillée : ccs@ccsparis.com

Short Screens #11

Pour la rentrée, Short Screens vous propose sa 11ème édition, avec une sélection très diversifiée et très internationale. Rendez-vous à l’Actors Studio à Bruxelles le 29 septembre prochain!

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DANSE MACABRE
Pedro Pires – Canada / 2009 / Expérimental / 8’30’’
EL EMPLEO
Santiago Grasso – Argentine / 2008 / Animation / 7’
THERMES
Banu Akseki – Belgique / 2010 / Fiction / 27’
JE CRIAIS CONTRE LA VIE. OU POUR ELLE.
Vergine Keaton – France / 2009 / Animation / 9’10’’
I LOVE LUCI
Colin Kennedy – Écosse / 2010 / Fiction / 12’30’’
ELÉGIE DE PORT-AU-PRINCE
Aïda Maigre-Touchet – France / 2011 / Documentaire / 10’42’’
LA PRIMERA VEZ
Borja Cobeaga – Espagne / 2001 / Fiction / 11’

Une collaboration Artatouille asbl et FormatCourt.com

Le FIDEC 2011 – découvrez le programme !

Reflet de la diversité, de la richesse et de la création cinématographie actuelle, le FIDEC propose une sélection de courts métrages d’écoles. Cette année, une mise à l’honneur du Québec, et plus de 70 courts belges et étrangers qui vous feront découvrir une nouvelle génération d’artistes. Découvrez le programme ci-dessous !

Centre culturel de Huy, 19 – 23 octobre 2011

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Juste avant…

MARDI 18 OCTOBRE
14h00 Culottes courtes (séance scolaire)
20h00 Ciné-club du Centre culturel de Huy
Next Floor de Denis Villeneuve (court métrage)
Incendies de Denis Villeneuve

Le Festival

MERCREDI 19 OCTOBRE
20h00 Séance d’ouverture
Québec Gold 1
22h00 Soirée d’ouverture
Vernissage de l’exposition Bonhomme Daniel
DJ Belle jeunesse

JEUDI 20 OCTOBRE
10h15 La vie est courte (séance scolaire)
14h00 Compétition Nationale 1
16h00 Compétition Internationale 1
18h00 Riding Along : Reloaded
20h00 Compétition Internationale 2
22h00 Soirée québecquoise – Impresario (electronic set)

VENDREDI 21 OCTOBRE
10h15 La vie est courte (séance scolaire)
14h00 Compétition Internationale 3
16h00 Compétition Internationale 4
18h00 Québec Gold 2
20h00 Compétition Nationale 2
22h00 Blind test

SAMEDI 22 OCTOBRE
9h30 Contrechamp : atelier d’analyse cinématographique
14h00 Compétition Internationale 5
16h00 Compétition Internationale 6
18h00 Périscope
20h00 Remise des prix, projection des grands prix et du prix du public
22h00 Soirée de clôture
DJ Julos

DIMANCHE 23 OCTOBRE
14h30 Culottes courtes (séance jeune public)
16h00 Films primés 1
18h00 Films primés 2

www.fidec.be

Anima 2012, Bruxelles. C’est le moment d’inscrire vos films!

Anima 2012, Bruxelles: C’est le moment d’inscrire vos films…

Anima 2012, le Festival International du Film d’Animation, se déroulera à Bruxelles, Belgique, du 17 au 26 février 2012. Outre la compétition nationale de courts métrages, les rétrospectives, les rencontres professionelles (Futuranima), les conférences et les divers événements qui mettront l’animation à l’avant-plan, cette 31e édition proposera également une compétition de courts et longs métrages internationaux.

Chaque année, le festival rassemble plus de 35.000 spectateurs, professionnels, journalistes, étudiants mais aussi un public varié d’adultes et d’enfants.

Les délais:
Fiche d’inscription + DVD de visionnement : 15 octobre 2011
Arrivée des copies (si film sélectionné): 27 janvier 2012
Il n’y a pas de frais d’inscription.

Visitez notre site web pour compléter les fiches d’inscription en ligne ou télécharger la version papier. Vous y trouverez également le règlement et les informations générales concernant le Festival:

http://www.anima2012.eu/

Le Printemps du Cinéma Arabe au cinéma La Clef (15-18 sept)

Le cinéma La Clef présente du 15 au 18 septembre un événement passionnant, Le Printemps du Cinéma Arabe,
organisé par l’
Association du Cinéma Euro Arabe.

Avec 50 films annonciateurs des Révolutions du « Printemps arabe » ou tournés au coeur des événements en 2011, cette manifestation cinématographique est la première entièrement consacrée aux évènements de ces derniers mois dans les pays arabes.

Des documents très souvent inédits en France en provenance d’Egypte, Maroc, Syrie, Tunisie, Algérie, Irak, Arabie Saoudite, Liban… Projections, débats en présence des réalisateurs/trices, table ronde, concert…

Découvrez le programme ici!

Parmi les invités :

Nagy Ismail
, réalisateur du film Histoire d’une révolution
Histoire d’une révolutio
n est projeté le jeudi 15 septembre à 20h00

Hala Mohamed, réalisatrice du film Pour un morceau de gâteau
Pour un morceau de gâteau
est programmé le samedi 17 septembre à 12h00

Nadia El Fani, réalisatrice du film Laïcité Inch’Allah
Laïcité Inch’Allah
est programmé le 17 septembre à 14h00

Katia Jarjoura, réalisatrice du film Goodbye Moubarak
Goodbye Moubarak
est programmé le 17 septembre à 18h00

Stefano Savona, réalisateur du film Tahrir
Tahrir
est programmé le samedi 17 septembre à 20h00

Haitham Hakki, producteur du film La longue nuit
La longue nuit
est projeté le dimanche 18 septembre à 16h00

Katia Saleh : productrice du Web Drama Shankaboot de Amir Dora
Shankaboot
est projeté le dimanche 18 septembre à 18h00

Cinéma La Clef
34 rue Daubenton
75005 Paris
Métro : Censier-Daubenton (ligne 7)

L’Etrange Billet N°5

Que faire quand on ne peut plus mourir, même si l’on cherche désespérément à le faire ? C’est ce que nous raconte “Condamné à Vie”, petit film d’animation belge dont le héros, Charles Bonnemort, enchaîne suicide sur suicide, sans jamais réussir à s’éliminer. Humour noir garanti.

CONDAMNÉ À VIE (Vincent Carretey, Hannah Letaïf – Belgique – 2010 – 4’38 – Animation – Couleur)

Une sélection établie par Julien Beaunay et Julien Savès.

Ce film fait partie de la Compétition Courts Métrages n°5 de l’édition 2011 de l’Etrange Festival et conclue notre panorama sur la Compétition de Courts de cette année. Rendez-vous l’année prochaine… et très prochainement pour notre Focus consacré à l’Etrange !

L’Etrange Billet N°4

Aujourd’hui, exercice de style pour Joe Tunmer et la BBC, avec un “Lip Dub domestique” sur un standard de jazz, Conversation Piece de Rex Stewart. Pendant ce temps, une jeune équipe d’animateurs français crée l’entreprise Telegraphics qui, à force d’expérimentations sur la matière, se trouve capable de reproduire l’ensemble des éléments qui constituent la réalité…

CONVERSATION PIECE (Joe Tunmer – Royaume-Uni – 2009 – 7’ – Fiction – Couleur)

TELEGRAPHICS (Antoine Delacharlery, Lena Schneider, Léopold Parent, Thomas Thibault – France – 2010 – 6’45 – Animation – Couleur)

Une sélection établie par Julien Beaunay et Julien Savès.

Ces films font partie de la Compétition Courts Métrages n°4 de l’édition 2011 de l’Etrange Festival. Rendez-vous demain pour l’ultime billet du Festival.

Koji Yamamura : « À chaque film, je m’attache au fait que l’acte de création peut avoir du sens et m’apprendre quelque chose sur ma propre existence »

Poétiques sont ses films, prolifique est son œuvre. De passage à Paris cet été, Koji Yamamura, peut s’enorgueillir d’avoir un long travail en court derrière lui. Dialogue franco-japonais autour de la création et de la découverte avec l’auteur de « Mont chef » (Atama Yama, en V.O.), lauréat du Grand Prix d’Annecy en 2003.

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De quelle manière avez-vous été mis en contact avec l’animation ? À l’âge de 13 ans, vous avez fait un film, à quoi ressemblait-il ?

Je m’intéressais déjà avant l’âge de 13 ans aux mécanismes en jeu dans les films d’animation et les dessins animés tant au cinéma qu’à la télévision. À cet âge-là, j’ai lu dans une revue qu’on pouvait tourner soi-même des images animées au format du super 8. Comme je dessinais beaucoup et que j’aimais écrire des histoires, je me suis d’emblée attaqué à ce projet. J’ai tourné mes premières images avec une caméra prêtée par un de mes professeurs. Ce premier film était très court, il durait deux minutes. C’était une histoire à chute, à gag, à la manière des planches de quatre cases au Japon. Un personnage donnait un coup de pied latéral dans une canette vide, celle-ci sortait d’un côté de l’image et revenait de l’autre, par derrière et lui tombait dessus. J’avais 13 ans et cela faisait boum !

En faisant ce film, avez-vous repéré un rythme absent dans vos dessins ? Est-ce que cette expérience a été satisfaisante pour vous ?

Évidemment. J’avais déjà pris connaissance du principe même du dessin en mouvement, à travers les flip-books, les folioscopes, mais la différence, là, c’était de voir un dessin projeté sur un écran. Il y avait à la fois un étonnement et une joie spécifique, celle de voir prendre forme l’image dessinée et le mouvement se créer devant soi.

Le principe même de l’image par image m’a emmené très vite vers de nouveaux horizons puisque mon premier film était sur cellulos alors que le deuxième, réalisé au collège, ne l’était déjà plus. J’avais compris que l’image par image permettait de reconstituer le mouvement, pour le dessin et le reste; j’ai donc fait un film sur l’animation d’objets et reconstitué un mouvement animé à partir d’objets inanimés. Ce film s’appelait « La Conférence à la cuisine » et représentait des ustensiles de cuisine tenir conférence pour savoir lequel d’entre eux allait manger une pomme. Le débat s’amplifiait lorsque la pomme en question commençait à intervenir dans la discussion en déclarant à tout le monde qu’elle allait se manger elle-même. J’avais dessiné des yeux sur les ustensiles pour les personnaliser et ajouté une bouche en pâte à modeler à la pomme pour qu’elle se croque elle-même, à la manière d’un serpent qui se mord la queue et qui disparaît totalement. En y réfléchissant, ce film me rappelle rétrospectivement « Mont chef » par son côté un peu absurde.

« La Conférence à la cuisine » a été l’occasion de faire certaines découvertes imprévues. A un moment donné, une mouche est entré dans le champ de la caméra. N’étant pas suffisamment attentif, je me suis rendu compte après coup que sa patte de la mouche se voyait en grand sur la lentille. Cela m’a permis de saisir à quel point la prise de vues image par image dépendait malgré tout d’un contexte, celui de l’enregistrement du réel. C’était une évidence mais j’en ai fait l’expérience à ce moment-là, grâce à une patte de mouche !

Après le lycée, vous avez étudié les arts plastiques à Tokyo. Quel a été votre lien entre les Beaux-Arts et les prémisses de votre travail cinématographique ?

Au cours des années de collège et de lycée réunies, j’avais terminé cinq petits films et découvert, grâce à mon professeur d’art, des films de l’ONF dont ceux de Jacques Drouin, un paysagiste canadien et Ishu Patel, un réalisateur indien. À l’université, je suis entré dans un département de peinture à l’huile et j’ai continué à travailler sur des films d’animation dans un esprit très ludique. A l’époque, beaucoup de gens s’amusaient, s’essayaient à faire des films. Je faisais partie d’un cercle d’étude sur l’animation, et comme il n’y avait pas d’enseignement spécialisé sur le sujet, nous nous réunissions entre amateurs. Passionnés de cinéma expérimental, nous empruntions des films belges, canadiens, et autres dans les réseaux culturels des ambassades, seules possibilités existantes alors pour voir des films différents.

Si il n’y avait pas de section d’animation à l’université, il y en avait en une de cinéma. J’ai emprunté une caméra 16 mm, Bolex, professionnelle que j’ai appris à utiliser et avec laquelle j’ai tourné quelques films d’animation dont « Suisei » (Eau douce). J’ai envoyé le film au festival d’Annecy, il a été retenu alors qu’il n’y avait aucune chance pour qu’il le soit. C’est un film que j’ai longtemps laissé de côté. Malgré sa quantité d’erreurs techniques très éloignées de toute forme de maturité, j’y suis attaché pour sa grande naïveté !

Est-ce que votre côté autodidacte vous a appris la liberté en même temps qu’il vous a influencé à travailler en marge du circuit de production ? Éprouvez-vous de la nostalgie par rapport à cette époque où il fallait à tout prix se débrouiller ?

Oui, bien sûr. Cette liberté dont j’ai fait l’expérience au départ a sans doute été tout à fait décisive sur la suite. Maintenant, je ne ressens pas spécialement de nostalgie par rapport au passé. Mon propre rapport au cinéma d’animation n’a pas réellement changé. Je le pratique de la même manière, dans une très grande liberté d’idées et d’images. Cette liberté, que j’essaye de maintenir la plus grande possible, est même à certains égards supérieure à celle que je pouvais avoir à l’époque car j’ai acquis une expérience technique qui me permet d’être plus efficace dans la concrétisation de mes idées.

À l’époque, on organisait des projections régulières de films, aujourd’hui, je me pose encore la même question, à savoir comment montrer les films qu’on a réalisés, quelle fenêtre de présentation leur trouver et comment assumer cette responsabilité-là quand on réalise des films de manière indépendante.

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La forme que vous privilégiez est courte. Au Japon, en dehors du cadre des festivals, vos films ont-ils une visibilité en salle ?

Montrer des courts métrages en dehors des festivals est important pour moi. Les voir en salles de cinéma est quelque chose auquel j’ai toujours accordé une attention particulière. « Mont chef », « Le vieux crocodile », « Kafka, Un médecin de campagne » et « Les Cordes de Muybridge », mon nouveau film, sont passés ou vont passer par les salles.

En court métrage, les contraintes sont bien moindres qu’en long métrage : vous avez la possibilité d’explorer toutes sortes de recherches formelles et d’idées sur le plan de la narration. J’imagine aussi que mon attachement pour le format court est lié au fait que les films qui m’ont profondément marqué au début de mon parcours étaient tous des courts métrages. Par ailleurs, je ressens aussi l’influence importante de Borges, qui a essentiellement écrit autour de la nouvelle et du récit bref, sur mon parcours et sur ma vision du monde. C’est un auteur que je lis depuis mes 20 ans et qui a toujours autant d’impact sur moi. Dans des récits très courts, d’une vingtaine de pages, il a cette capacité d’enfermer, avec une très grande habilité technique, un univers tout entier. Par sa brièveté, le récit peut exprimer un monde dans sa totalité. Cette idée me fascine…

Vous n’avez jamais cherché à adapter Borges ?

Si. Il y a une quinzaine d’années, une chaîne de télévision a lancé un appel à projets et j’en ai proposé un qui s’inspirait directement de Borges. J’ai eu un budget pour réaliser un pilote mais le projet n’a pas eu de suite, la tentative a avorté. Depuis, l’occasion ne s’est pas représentée.

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Plusieurs de vos films sont des adaptations. Le plus connu, « Mont chef » part d’un récit individuel pour poser une réflexion sur la collectivité japonaise. Quelle liberté avez-vous prise avec l’oeuvre originale ?

« Mont chef » était une adaptation d’un récit d’un rakugo (conte japonais). Je voulais m’attaquer à un projet sur la représentation du Japon et à ma propre identité par rapport à autrui. La relecture d’une histoire que je connaissais depuis longtemps m’a semblé propice à une adaptation en animation et à un état d’esprit intérieur, raison pour laquelle je l’ai choisie. À chaque film, je m’attache au fait que l’acte de création peut avoir du sens et m’apprendre quelque chose sur ma propre existence.

Votre dernier film, « Les Cordes de Muybridge » va commencer  sa carrière en festival. Que pouvez-vous nous dire à son sujet ?

Il ne s’agit pas uniquement d’un film qui retrace la vie d’Eadweard Muybridge. D’autres motifs d’importance égale y apparaissent comme l’histoire d’une mère et de sa fille et le temps qui passe. Ce qui m’a intéressé, c’est le fait que Muybridge a commencé à utiliser, dans ses expériences chronophotographiques des fils et des cordes que le galop des animaux venait briser, déclenchant ainsi l’obturateur et permettant d’obtenir le caractère quasi instantané de la prise de vue. Ce motif des cordes a été pour moi une source d’inspiration bien plus que sa vie et a été un point de départ dans la recherche d’images et dans mes propres dessins.

On sent un intérêt pour les obsessions, les déformations, les proportions les hallucinations dans votre travail. De quelle manière le sombre, l’étrange, l’anormal vous intéressent-ils ?

Le registre de l’étrange est un domaine que j’apprécie beaucoup depuis mon plus jeune âge. Depuis mon entrée en primaire, j’ai commencé à lire les récits d’Edgar Allan Poe et des bandes dessinées faisant peur comme celles du dessinateur japonais Umezu Kazuo. Je jouais à me faire peur, je lisais des récits terrifiants, fantastiques, chimériques et grotesques. C’est quelque chose qui ressort sans doute dans mes films comme un goût délibéré ou comme un projet conscient, mais il s’agit avant tout de choses que j’aime et qui m’ont marquées.

Propos recueillis par Katia Bayer. Traduction : Ilan Nguyên

Article associé : Yamamura et la polyvalence de l’animation japonaise