Off-Courts 2013, un avant-goût de la compétition européenne et francophone

Ce vendredi 6 septembre 2013, s’est ouvert le 14e Festival Off-Courts de Trouville-sur-Mer qui, en quelques sorte, prend le relais du 39e Festival de Deauville qui se termine le même week-end juste de l’autre côté du Pont des Jumelages. Si le Festival de Deauville brille de toutes les paillettes hollywoodiennes, celui d’Off-Courts se veut plus familial, plus proche de la discipline artisanale. Ceci étant, les deux festivals ont en commun de mettre en lumière et d’être partenaires de deux pays d’Amérique du Nord : les États-Unis pour Deauville et le Québec pour Trouville-sur-Mer.

Passons sur cette comparaison et laissons-nous emporter par l’air marin cinématographique qui souffle sur Trouville (ou plus exactement sur le Village Off) pendant huit jours car durant ce festival qui sonne désormais comme un rendez-vous incontournable de la rentrée, il se passe de nombreux évènements aussi bien pour les professionnels de l’audiovisuel que pour les simples amateurs : rencontres, concerts, labo kino, tables rondes, projections en tout genre, etc.

Les films en compétition à Off-Courts se subdivisent en trois sélections (française, québécoise et internationale) face auxquelles les différentes jurys (le Jury Officiel, le Jury du Syndicat de la Critique, le Jury Jeune, Spirafilm et le public) devront être attentifs, tolérants (ou pas) et équitables (ou pas).

À l’origine, la compétition d’Off-Courts répertoriait exclusivement des courts-métrages provenant de France et du Québec, mais désormais, les différents jurys et le public compteront aussi sur une sélection de films européens et francophones. Un bon point pour le festival car les films internationaux sont souvent de qualité.

Cette année, la compétition démarre ce samedi 7 septembre, en matinée, avec une sélection de films étrangers dont 15 courts-métrages viennent des quatre coins du monde : Suède, Pologne, Espagne, Belgique, Allemagne, Bulgarie, Italie, Pays-Bas, Liban, Luxembourg et Madagascar.

Point commun entre la plupart de ces films : le suspense. En effet, plus du tiers de ces courts-métrages prennent le spectateur à la gorge ou au ventre, mais ne les laisseront pas dormir tranquilles. Parmi ces films assez angoissants, on citera « 22 :22 » de Julien Becker (Luxembourg) où un employé, sur le point de quitter son bureau un peu tardivement, voit la scène se répéter à l’infini dans un bâtiment aux allures froides et futuristes.

Se repère aussi « Balance » de Mark Ram (Pays-Bas) durant lequel on tremble pendant une dizaine de minutes pour le survivant d’une partie d’escalade pendu seul au-dessus du vide. « Doors » de Michele de Angelis (Italie), filmé à la manière d’une caméra de surveillance, provoque également l’inquiétude pour cette femme malencontreusement enfermée entre la porte du vide-ordure et celle du couloir de son immeuble, une situation potentiellement drôle, mais qui tourne vite à la claustrophobie. Autre film qui prend littéralement aux tripes : « Hotel » José Luís Alemán (Espagne) qui prouve que les Ibériques sont définitivement très doués dans le film de genre, même si le réalisateur n’en est pas à ses débuts (il a déjà mis en scène deux longs-métrages d’épouvantes, « Le territoire des ombres 1 et 2 »). Ici, un type perdu et assoiffé dans le désert, découvre avec joie un étrange hôtel fait de carton, mais plein de victuailles attrayantes. « Watcher » de Daniel Jude (Allemagne) emprunte aussi à cette catégorie en touchant plus à la science-fiction et en traitant de l’invasion de drones sur Terre. Un peu longuet, un peu surfait, un peu moyen, le film n’est pas forcément inintéressant.

En poursuivant sur la veine fantastique, un film remarquable venu de Madagascar et réalisé en rotoscopie pose la question sur ce que serait notre monde sans couleurs : « Colors » de Cid. Pour rappel, la rotoscopie est une technique complexe qui permet de redessiner une action filmée en prise de vues réelles. L’effet, souvent bluffant, l’est encore plus lorsque le film est de l’ordre de la science-fiction. Ce petit bijou de Cid, réalisateur un peu geek et adepte de mangas et d’autres histoires à la limite du réel, nous fait étrangement penser à deux autres courts-métrages : « Fard » de David Alapont et Luís Briceño (France, 2010) et « Chromophobia » de Raoul Servais (Belgique, 1966). « Colors » n’est pas pour autant une pâle copie de ces deux films forts remarqués, mais bel et bien un nouveau questionnement sur la différence avec les codes d’une jeunesse moderne.

La compétition internationale d’Off-Courts comprend des films nettement moins fantastiques mais tout aussi angoissants par les thèmes qu’ils traitent et/ou la manière dont ils sont réalisés comme « Mitt Fora Liv » de Sébastian Lindblad (Suède), film court ultra noir et archi glauque sur la pédophilie. On évoquera également « A Big Drama for a Little Man » de Nico Capogna (Italie), l’histoire d’un gardien de nuit découvrant des immigrés dans son lieu de travail alors que lui-même est étranger. L’image du film est tremblante, légèrement floue, sombre et imparfaite. Elle s’accompagne d’une musique envoûtante qui, après 4 minutes, nous embarque dans cette aventure nocturne et rend le film plus moderne, à la limite parfois de l’expérimental, surtout lorsqu’on découvre les visages noirs cachés derrière les frigos, et différents des autres films sur le thème de l’immigration.

Pour clore cette sélection de films, on citera rapidement « 4:13 do Katowic » d’Andrezej Stopa (Pologne), un polar assez violent et pétulant sur un père de famille coincé entre la justice et son désir de vengeance. Le film n’est pas mauvais, mais il tombe vite dans l’oubli.

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"Ingrid fait son cinéma"

Pour contraster avec ces films fantastiques ou d’action qui tiennent en haleine, il est toutefois possible de faire à Trouville une petite pause humour avec « Ingrid fait son cinéma » de Véronique Jadin (Belgique), énième film qui dénonce avec dérision les commissions de sélection cinématographique qui ne donnent de l’argent qu’aux réalisateurs confirmés ou qu’aux histoires psycho-dramatiques. Plaisant et finalement assez touchant, le film a malheureusement un côté déjà vu et revu malgré la chouette interprétation de la comédienne Ingrid Heiderscheidt.

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"Tooth of Hope"

Relevons trois autres petites pauses issues d’un registre différent. En premier lieu, « Tooth of Hope » de Nizar Sfair (Liban) dans lequel un père de famille n’ose pas avouer à sa femme qu’il a perdu son travail et demeure sans emploi malgré ses efforts pour en retrouver un nouveau. On ne dévoilera pas la chute plutôt poétique de ce gentillet court-métrage, mais on vous en livrera un petit indice en précisant que le titre y est pour beaucoup.

Deuxième film de cette compétition ne faisant pas de mal et pouvant éventuellement faire sourire malgré un côté amateur (on le pardonne au réalisateur puisque son film est issu d’un kino) : « War Room » de Thomas Stuyck (Belgique) qui évoque la déclaration d’une guerre déclarée entre la Belgique et l’Iran suite à la provocation d’un ministre belge (il aurait uriné sur l’ambassade iranienne).

Le dernier film sur lequel on se penchera dans cette compétition européenne et francophone est un peu notre coup de cœur malgré son côté mélodramatique poussé à l’extrême : « Electric Indigo » de Jean-Julien Collette (Belgique) dans lequel une jeune fille retrace sa vie depuis sa naissance jusqu’à l’évènement qui l’a fait changer, celui de couper le cordon de manière assez violente pour vivre sa propre vie. Elle grandit au milieu de deux hommes mariés mais assurément hétérosexuels jusqu’au jour où sa mère débarque pour la récupérer. Le pitch aurait parfaitement pu être celui d’une sitcom tragico-comique, mais Jean-Julien Collette a préféré en faire un film certes un peu trop « bobo », mais plutôt réussi. Le réalisateur n’en est pas à son premier film et on le remarque d’ailleurs par la notable direction d’acteurs (bien que l’utilisation de l’anglais au milieu du français n’apporte pas grand-chose), la maîtrise du choix de chaque plan, l’image fort esthétisante, la justesse entre le touchant et le grave. À la limite parfois de l’invraisemblable, cette histoire unique mérite l’attachement.

Dans l’ensemble, cette sélection d’Off-Courts propose un panel de films assez distincts les uns des autres même si certains genres priment plus que d’autres et pour la plupart, sont assez bien maîtrisés. De nouveaux réalisateurs côtoient des auteurs confirmés, ce qui s’avère positif pour ce début de festival.

Camille Monin

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