Le Skate moderne d’Antoine Besse

La pratique du skateboard renvoie assez naturellement aux rampes et autres obstacles tels des trottoirs, des tubes, des escaliers repérables dans les grandes villes, peut-être aussi à des graffitis, assurément à du béton et aux sons urbains.

Antoine Besse, réalisateur du film « Le Skate moderne », Prix Format Court et Grand Prix ex-aequo (avec « La lampe au beurre de yak » de Hu Wei) au Festival de Grenoble, nous montre que le skate s’est fait aussi une place dans les milieux ruraux. Il a suivi le quotidien d’une bande de jeunes en Dordogne pour qui cette pratique est devenue une raison de vivre, un moyen de remédier à l’ennui en s’influençant des cultures citadines. L’un d’entre eux le dit d’ailleurs : « faut bien qu’on fasse quelque chose ».

Ce documentaire ne dure que six minutes et pourtant, il saisit complètement son spectateur tant par l’originalité du sujet que par la manière dont le réalisateur axe sa vision et sa narration. Il alterne des plans de skateurs filmés comme dans un clip ou un ballet avec des regards face caméra dont les propos sont superposés en voix off.

Les images de glisse sont sublimées par l’utilisation de travellings et de ralentis rythmés par de la musique classique. On note également un travail précis sur la lumière permettant de reconstituer au mieux l’ensoleillement des champs en fin de journée ou cette brume matinale qu’on ne voit que dans les campagnes. La nature est belle, tranquille et les skateurs apparaissent alors comme des chevaliers des temps modernes sortis de nulle part.

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Dans son film, Antoine Besse donne la parole à des familles qu’il connaît, des paysans et des fermiers voisins. Les plans sont figés sur leurs visages immobiles, expressifs, cadrés dans leurs cuisines. Leurs regards reflètent à la fois la dureté du travail rural et le trouble d’exprimer leurs pensées. À l’évidence, on pense à Raymond Depardon et tout particulièrement à son film « La Vie moderne », non seulement parce que le réalisateur se penche sur le quotidien de personnes en milieu rural, mais aussi et surtout parce qu’il créé ici un vrai documentaire de par son esthétique, évitant au passage tout misérabilisme qu’on attribue trop souvent à la vie paysanne. On se plaît alors à imaginer que les jeunes qu’il suit ici, sont les enfants des « profils paysans » de Depardon, tout comme Antoine Besse lui-même tel un fils, s’inspire de l’œuvre du père documentariste.

Antoine Besse signe par conséquent un film extrêmement lyrique sur une pratique et un milieu qui n’évoque pas habituellement la délicatesse. Il révèle ainsi un lien plutôt méconnu entre la ville et la campagne. Le skate est bel et bien la discipline de ceux qui savent réinventer leur espace, quel qu’il soit.

Camille Monin

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