Cocotte minute, nom féminin. Ustensile utile pour un panaché hétéroclite de très courts métrages européens

Rendez-vous incontournable du Festival Européen du Film Court de Brest, la compétition Cocotte minute est fébrilement attendue par le public tous les ans. Retour sur une composition filmique et acrobatique d’œuvres classées dans la catégorie des très courts.

L’entrée des artistes : une sélection européenne

Le programme Cocotte minute est présenté par l’équipe du festival comme un « bouquet de saveurs européennes, une variété de genres cinématographiques et une pincée de musique entraînante ». Cette année, ont été mis à l’honneur dans cette compétition, 16 films de 15 pays européens (la Suisse étant représentée deux fois). La part belle a été réservée aux pays de l’Europe du nord et de l’est. En effet, les cinématographies d’Islande, de Finlande ou encore de République Tchèque sont assez peu connues du public. Cocotte minute propose une brève introduction à la production de ces pays. Grâce à des films comme « Nesiseka Siandien » de Sarutyte Dovile, on peut découvrir un humour lituanien décapant ou encore, grâce à la proposition expérimentale de « Sarena Laza » du Tchèque Tomic Miloš, on peut aisément se sentir déconcerté, démuni face à cet objet non identifié.

Qu’ils soient très aboutis techniquement, comme le magnifique « Falling » de Cirulli Adriano, ou qu’ils soient plus bricolés, les courts métrages du programme sont de vraies découvertes de tendances artistiques européennes plus que des films de compétition. Le plus intéressant dans Cocotte minute est sans doute l’ouverture à des cinématographies différentes. On n’y retiendra pas d’auteur ou de réalisateur, plutôt des envies artistiques portées par des cinéastes inventifs.

Au-delà de ces constatations géographiques, la programmation Cocotte minute est visiblement élaborée autour d’un désir d’universalité. Les thèmes abordés sont compréhensibles par tous, les situations ne sont pas codées à outrance par des références vernaculaires et, plus que tout, le programme est totalement composé de films sans dialogue. La langue, les langues, barrières sociales indéniables, n’existent plus. Les images, accompagnées de sons et de musiques, rendent intelligibles les intentions et conquièrent les spectateurs sans relais de paroles. L’entrée des artistes dans la Cocotte minute est bel et bien un regard furtif sur l’Europe de la création sous la forme des très courts!

Un programme sous la contrainte

Annoncé comme un programme européen de films de moins de dix minutes, Cocotte minute induit d’autres contraintes très liées à ce mini-format. En lisant entre les lignes, force est de constater que, si les thèmes abordés dans les films sont aussi hétéroclites que surprenants, toutes les œuvres sont plus ou moins attachées à des critères intrinsèquement liés au format des très courts. Loin d’être un espace de liberté, la forme ultra courte implique un certain nombre de contraintes, de forme autant que de fond, dont il serait difficile de s’éloigner. Cocotte minute n’échappe pas à ce « formatage » un peu attendu mais d’une efficacité redoutable en projection. Le public est en général très friand des très courts : qu’on les aime ou non, on sait qu’ils vont passer vite !

Du point de vue artistique, les films très courts jouent souvent sur les mêmes registres. Qu’il s’agisse de clips (« Miss Daisy Cutter de Laen Sanches, « The city » de Dirk Koy), de films d’animation (« Porozmawiaj z niw » de Agata Pretka, « Pigeon’s milk » de Miloš Tomic, « Album » de Gian Claudio Pallotta, « Hurdy gurdy » de Daniel Pfeiffer et Daniel Seideneder, « The illustrated city » de Jan Andersson), de danse filmée (« Next » de Joshan Esfandiari Martin, « Falling » de Adriano Cirulli), il n’y a, semble-t-il, que deux vraies options de narration : soit le réalisateur fabrique un film autour d’une idée force unique, soit il s’oriente vers un film à chute.

Il est certain que la durée conditionne énormément le fond des films très courts. Loin d’être dommageable, ce constat permet surtout, en tant que spectateur, de demander toujours plus d’inventivité aux réalisateurs qui se frottent à ce format. Beaucoup de choses ont déjà été explorées, la demande est à l’innovation. Il faut créer, si ce n’est la surprise, au moins l’étonnement. Dans les films à chute du programme (« Chess story » de Stefansson Ingvar, « Loft » de Chambers Gareth, « Not lucky today » de Sarutyte Dovile, « Behind the wall » de Stevens Elbe), cet étonnement fonctionne principalement sur le mode de l’absurde. Les images, données pour être la réalité, nous bernent jusqu’à ce que le réalisateur nous donne la clef qui dénoue l’intrigue.

Pour les films qui tiennent sur une idée unique comme « Artlade » de Altuna Asier, ou encore « Ronaldo » de Mack Jan-Eric et Mettler Jan, la construction classique soutient la thématique. L’intérêt de ces films réside dans une narration élaborée autour de l’Idée. Dans « Ronaldo », la lutte footballistique enfantine et imaginaire entre un jeune garçon et une balançoire agit comme une petite madeleine de Proust. Dans « Artlade », le réalisateur joue sur la corde de la fable sociétale. Les mises en scène de ces films placent les acteurs au centre de l’œuvre, et jouent (un peu) sur le pathos pour rallier les spectateurs à la cause du film.

Du côté purement formel, la sélection des films ne fait pas émerger de petite perle d’innovation technique ou de mise en scène. Si on pouvait espérer quelque chose avec « Falling » ou « Hurdy Gurdy », films esthétiquement léchés et aboutis, le déclic du renouveau du cinéma européen n’est pourtant pas vraiment au rendez-vous…

Maybe… : un cas d’école !

Dans ce programme, pas d’unité de thème, pas d’unité de genre, mais un désir d’universalité, de découverte, de nouveauté européenne… Telle est l’orientation voulue par les programmateurs. Et pourtant, quand le festival propose au public de s’exprimer sur ses impressions et de voter pour son film préféré, l’œuvre plébiscitée est la plus en marge de l’axe de la programmation. En effet, « Maybe… » de Resende Pedro, film le plus long du programme et de loin, est tout simplement la proposition la plus classique, tant dans son fond que dans sa forme. Cette jolie bluette est tristement le reflet d’un besoin d’aller vers des choses rassurantes, claires, lisibles et faciles d’accès. Ici, on ne laisse pas beaucoup de place à l’imaginaire, puisque tout est prédit de la rencontre de deux adolescents dans un café à leur flirt romantique et un peu galvaudé. Est-ce que ce film se détache des autres par sa qualité ou seulement par facilité de lecture en opposition aux autres œuvres? Sa place est-elle bien dans le programme alternatif Cocotte minute ?

Le fil d’Ariane… tout un programme

Quelle est alors la ligne conductrice de Cocotte minute? Doit-on vraiment croire qu’il ne s’agit que d’une durée? Nombre de festivals se sont essayés à une programmation alternative aux classiques compétitions nationales, européennes et internationales de courts métrages.

Mais aujourd’hui, comment trouver une proposition cohérente avec les productions et les attentes d’un public qui voit des films sur des écrans de plus en plus petits et mobiles? Le fil d’Ariane énoncé pour Cocotte minute (films de moins de 10 minutes) ne tient qu’en élevant un peu le débat. Si les «très courts» ont une identité propre, celle-ci ne peut tenir uniquement sur sa forme, elle doit porter en elle d’autres caractères.

Peut-être que l’indice le plus probant sur l’identité profonde des très courts se trouve du côté de l’expérimentation, de l’essai… Peut-être que les très courts sont une porte ouverte sur des productions moins réservées aux spectateurs de courts métrages mais plus orientées vers les publics du Net.

hurdy-gurdy

« Hurdy gurdy »

La pression dans la Cocotte

Toujours très efficace, la programmation Cocotte minute apporte un souffle léger dans le festival de Brest. Accessible à tous les publics, forte en émotions autant visuelles, sonores que mentales, Cocotte minute fait passer un bon moment de cinéma européen. Ce programme ouvre sans doute un peu nos esprits zappeurs à la curiosité de pousser un peu plus loin, sur des formats un peu plus longs, notre connaissance des cinémas d’ailleurs.

Fanny Barrot

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