Le Roi David de Lila Pinell

Dans ce moyen-métrage, Lila Pinell, lauréate du Prix Jean Vigo 2021, du Prix étudiant et du Grand Prix national de Clermont 2022, dépeint le portrait d’une jeune femme en pleine émancipation face aux tumultes de la réalité. Dans les banlieues parisiennes, en proie à de mauvaises fréquentations et à une certaine inconscience du danger, Shana (Eva Huault) tente de trouver du travail et de prétendre à de plus grands projets.

Le cadrage et le montage intimistes du film de Lila Pinell (interviewée sur notre site en 2014 pour son film Boucle Piqué, co-réalisé avec Chloé Mahieu) permettent au spectateur de suivre les mésaventures de la protagoniste (interprétée par Eva Huault) avec proximité et empathie. Le réalisme brut de la vie en banlieue et les nombreux obstacles de la construction de soi sont mis en valeur un à un, à travers différents sujets de société.

L’image du corps par exemple, ironiquement abordé avec le thème de la chirurgie, soulève la question du rapport à l’apparence. Parallèlement, le sujet est poétiquement mis en image avec quelques plans sur des tableaux de corps dénudés. La question du réel réside également dans le contexte, le langage et les apparences des différents personnages.

Le parti pris de la réalisatrice est fascinant. Lila Pinell choisit de cadrer en majorité la jeune femme, souvent en gros plan, plutôt que ses interlocuteurs, témoignant d’une intéressante volonté de maintenir cette femme d’action au centre de l’image et de l’histoire.

Dans Le Roi David, Shana fait preuve d’une touchante humanité, malgré ses petits délits et ses montées d’agressivité. Elle reste une jeune femme, perdue et seule, en quête d’amour et de stabilité. La performance de l’actrice Eva Huault qui l’incarne est impressionnante. Seuls quelques regards et intonations de voix suffisent à faire transparaître ses émotions les plus profondes.

Le fil conducteur de la fiction de Lila Pinell, donnant d’ailleurs son titre à l’œuvre, est le mystérieux David. Un homme, apparemment peu fréquentable, qui fait faillir le cœur de la jeune femme et qui exerce un contrôle sur ses gestes et ses pensées. Entre quelques séquences, comme hors du temps, à la manière d’un tableau vivant, David apparait emblématiquement comme un sujet de représentation. Ces scènes permettent au spectateur de comprendre le rôle central de David dans la vie de Shana.

Il faut attendre la dernière partie du film pour émettre l’hypothèse que le sentiment de solitude de cette dernière et son manque de responsabilités, provient de la relation brisée avec sa mère. Shana tente maladroitement de se prendre en main et laisse couler quelques larmes, en constatant le détachement de sa mère à son égard. Durant cette séquence de détresse, le spectateur réalise qu’elle n’est encore qu’une jeune fille, désireuse d’être aimée et soutenue.

Le film se clôture, telle une boucle, sur le départ de David dans un autre univers, extérieur à celui de Shana : la prison. Comme un coup de massue ou une chance d’entamer quelque chose de nouveau, la jeune femme est en quelque sorte libérée de l’emprise de cette figure d’ombre.

Les différentes facettes de la jeunesse, dépeintes dans ce moyen-métrage, touchent le spectateur. La proximité de cadrage de Shana et sa spontanéité donnent l’occasion de se sentir physiquement et psychologiquement proche de ce qu’elle vit, ou du moins, de mieux la comprendre. La fin laisse libre cours à l’imagination du spectateur sur l’avenir incertain de la jeune femme.

Mathilde Semont

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