Locarno, jour 1. Rewind Forward de Justin Stoneham

Le 72ème Festival de Locarno a commencé ce mercredi 7 août 2019. Il a lieu jusqu’au 17 août. Format Court couvre le festival pour la première fois et vous propose au jour le jour une sélection de courts-métrages anciennement programmés au festival, visibles en ligne, sélectionnés voire primés lors de précédentes éditions. Certains films ont été chroniqués en leurs temps sur notre site, d’autres ont été récemment découverts en vue de notre focus consacré au festival. C’est le cas de Rewind Forward de Justin Stoneham, un documentaire poignant ayant reçu le Pardino d’or du meilleur court-métrage suisse en 2017.

Le film retrace l’histoire du réalisateur et évoque sa relation complexe à sa mère. Celle-ci a eu un AVC quand il avait 4 ans. Elle est devenue handicapée, paralysée et incapable de parler. Bien après le décès de son père, Justin Stoneham découvre des enregistrements VHS de son enfance et des images de sa mère avant et après l’accident. Avant, la caméra la filme en pleine possession de ses moyens, belle, tendre, amoureuse, féminine et drôle; ce sont des images dont il se souvient à peine, ayant été très jeune au moment de l’accident qui a bouleversé la vie de chaque membre de la famille Stoneham. Après, la caméra filme la mère diminuée, assistée, perdue, mais aussi souriante par moments, sous le regard bienveillant de son mari et celui attristé, embarrassé de ses enfants et parents.

Après la découverte de ces images bouleversantes mais aussi après 12 ans d’absence et d’éloignement, le réalisateur décide de retrouver sa mère qui vit dans un centre spécialisé.

Son film montre ces retrouvailles. Justin Stoneham n’est plus cinéaste, il redevient l’enfant, celui qui a cherché longtemps à retrouver sa mère et qui n’a pas reconnu la femme revenue à la maison après plusieurs mois de coma, celui qui pousse timidement la porte de la chambre où elle réside désormais.

Il se raconte sans détours, revient sur son enfance, son quotidien entre souffrance, honte, culpabilité et forme de deuil vis-à-vis de sa mère, présente mais absente en même temps. En pointillé, surgit aussi le besoin de se protéger, de s’éloigner d’un passé trop lourd et de se construire seul.

En face, surgit une femme qui a vieilli, mais qui a gardé un brin de malice aperçu dans les premières images, celles avant l’accident. Une femme qui a souffert mais qui ne juge pas l’éloignement de son fils. La pudeur est de mise dans ce film qui retrace un parcours, celui d’un passé enterré vers un présent et un avenir assumé.

Du point de vue formel, les images d’archives (le passé avec et sans nuages) et celles des retrouvailles (la relation renouée entre une mère et son enfant) s’harmonisent entre voix-off et dialogues timides avec comme objectif un rapprochement, un lien, une vérité entre deux êtres qui n’auraient pas dû être séparés. Ces images disent beaucoup par les regards, les mots et les non-dits de chacun.

Le film est un témoignage poignant, déchirant sur la relation d’un fils à sa mère, sur la façon dont un proche appréhende et finalement accepte le handicap de sa mère et sur l’amour et le pardon réciproques. Une formidable leçon de vie, un documentaire nécessaire rendu possible par une histoire terriblement difficile et personnelle, primée il y a 2 ans à Locarno, découvert avec bonheur et émotion sur le Net.

Katia Bayer

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