Le Cinéma d’Animation en France

Édité par Qwazar en coproduction avec 8 Mont-Blanc, le aVD « Le Cinéma d’Animation en France » s’intéresse au paysage de l’animation en France à travers une série documentaire de Romain Delerps et Alexandre Hilaire, complétée par 17 court-métrages réunissant autant de jeunes talents que de maîtres établis. Cette sélection pointue des années 60 à nos jours regroupe des cinéastes célèbres comme Jean-François Laguionie, Michel Ocelot ou Florence Miailhe ainsi que de nouveaux créateurs comme Oleshya Shchukina ou Cécile Rousset.

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Les films présentés couvrent un demi-siècle d’animation française, juste après la figure majeure du « réalisme poétique » de Paul Grimault jusqu’aux cinéastes contemporains. Regroupant presque la totalité des techniques animées, cette production dresse un panorama général de l’animation française grâce aux films de référence, aux témoignages de créateurs et de producteurs, à leurs méthodes de travail (dessins préparatoires, représentations de personnages et décors, sujets dédiés aux créateurs filmés en pleine action, dessinant, peignant, animant, …), aux écoles et aux studios les plus représentatifs.

La première partie du DVD intitulée « Le Dessin animé après Paul Grimault » se centre d’abord sur la lignée « d’artisans poètes », représentée par les figures majeures comme Émile Reynaud, Paul Grimault et Jean-François Laguionie, pour poursuivre avec « le tournant du siècle ».

La deuxième partie se caractérise par les rencontres avec des studios comme Folimage, Les Armateurs, Prima Linea où chaque représentant défend son savoir-faire et ses principales caractéristiques, comme la liberté artistique, la systématisation des co-productions et la collaboration avec des auteurs reconnus. De plus, la richesse pédagogique et la diversité des écoles comme Les Gobelins, La Poudrière et l’EMCA, réparties sur tout le territoire national, forment aussi un véritable réseau de fabrication de films d’animation à partir d’une formation spécialisée.

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Enfin, la troisième partie du documentaire intitulée « Un cinéma de tous les possibles » relate des approches des expressions artistiques différentes telles que la bande dessinée ou le cinéma de genre et traite également de l’évolution des techniques.

En complément du DVD dédié aux documentaires, 17 courts-métrages illustrent des techniques d’animation et d’autonomie créative. Cet abrégé de films d’animation de courte durée invite à explorer les différents domaines d’animation en volume, (marionnettes, pâte à modeler) traditionnelle classique (cut-out ou papier découpé, dessins animés, peinture ou sable sur verre, animation d’épingles), par ordinateur (image de synthèse, généralement sous la forme 3D, mais également 2D avec des logiciels tels que Photoshop).

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Les périodes les plus importantes de l’animation cinématographique française du deuxième milieu du XXe et du début du XXI siècle sont représentées notamment par une sélection de iconographique. Ainsi, nous pouvons voir l’intimiste « La Demoiselle et le Violoncelliste » (Grand Prix à Annecy 1965) de Jean-François Laguionie. Le film est considéré comme l’un des premiers courts-métrages d’animation d’auteur faits dans la lignée de Paul Grimault, qui a détonné par son univers poétique très personnel. Réalisé en papier découpé au style naïf, ce film est un chef d’œuvre. Un violoncelliste provoque accidentellement une tempête en mer, faisant glisser une jeune fille qui pêche sur la rive. Pour essayer de la sauver, il se retrouve à combattre une série de créatures marines. Bien que l’animation puisse apparaître comme un peu lente par rapport aux normes hollywoodiennes d’aujourd’hui, les scènes de vagues et la résistance de la demoiselle et le violoncelliste sont très puissantes, faisant appel à un graphisme inspiré des œuvres de Matisse.

Développé avec la même technique, le court-métrage, « Le Vélo de l’Éléphant » de la cinéaste russe Oleshya Shchukina, a été produit par le vétéran studio Folimage. L’histoire est celle d’un éléphant urbain qui travaille comme balayeur. Un jour, il voit le panneau d’affichage vantant les mérites d’une petite « reine » (vélo) et fournit de nombreux efforts pour l’obtenir. Le film s’intéresse aux tentations de la société de consommation grâce à une histoire amusante et un message frappant. Une stimulante production destinée en priorité aux enfants.

D’autres courants d’animation sont aussi compilés dans ce DVD, comme le documentaire animé « Paul » de Cécile Rousset produit par Les Films Sauvages. Il s’agit de la biographie du propre voisin de la réalisatrice, un vieil homme de 83 ans qu’elle a enregistré, racontant sa vie avec des dessins animés esquissés qui conservent l’irrégularité du croquis et des images de prise de vue réelle en noir et blanc qui composent le portrait raconté à la première personne. On y voit une relation de camaraderie avec ce personnage, qui interpelle lui-même le spectateur. Dans ces histoires du passé et du présent qui se mélangent, ce qui se reflète est le quotidien, l’anecdotique, la proximité et la complicité entre la réalisatrice et son voisin.

En jouant également avec les dessins animés, ayant une esthétique plus achevée, on trouve également « Monstre Sacré » de Jean-Claude Rozec (réalisateur de « Cul de bouteille » et « La Maison de poussière »), produit par JPL Films. Ce court-métrage raconte comment un dragon inoffensif accidentellement né dans un nid de canards, devient à contre-cœur une super vedette Hollywood. Une comédie douce amère montrant l’ascension sociale et la tromperie des apparences.

Quant à la peinture animée sur plaque de verre rétroéclairée, où l’image est modifiée en s’aidant des mains pour étaler les couleurs, on distingue « Shéhérazade » de Florence Miailhe, coécrit avec Marie Desplechin. Dans cette œuvre, Shéhérazade  » est une narratrice d’histoires qui captive son mari par la parole, en étant une voix off féminine qui illustre le récit. Ce court-métrage d’animation conçu comme un tout chorégraphique de la peinture, du pastel et du sable animés sous la caméra, utilise un graphisme très sensuel et une animation de transformation du corps des plus intéressantes.

À destination des enfants, le film en pâte à modeler « Le Petit Cirque de Toutes les Couleurs » réalisé par Jacques-Rémy Girerd est un conte d’atmosphère onirique. Animé dans une station de métro, il laisse entrevoir un message pacifiste dans un style enfantin bien mené.

Autre technique en volume présentée, celle de l’écran d’épingles, à savoir un tableau blanc percé de milliers de trous dans lesquels coulissent autant d’épingles. La technique brevetée par les cinéastes Alexandre Alexeieff et Claire Parker a permis de nombreux essais expérimentaux et recherches graphiques, à l’image du « Cadavre Exquis » présenté dans ce DVD, par divers artistes sous la direction de Michèle Lemieux, avec le soutien du CNC.

Toujours autour de l’animation en volume, on retrouve la dynamique du court-métrage numérique 3D avec « Le Petit Dragon » de Bruno Colet, empruntant des références à Bruce Lee, Robert Clouse et Lou Wei, qui contraste avec la délicate animation de marionnettes « La Femme Papillon » de Virginie Bourdin et le chamanique « Le Printemps » de Jérôme Boulbès, basé sur la chorégraphie de Nicolas Vladyslav autour d’une cérémonie de masques pour célébrer l’arrivée du printemps.

Enfin « Vasco » de Sébastien Laudenbach (qui vient de réaliser son première long-métrage « La Jeune Fille sans Mains » brossé en pinceaux) utilise la technique du sable sur verre pour la première fois. Le film raconte l’histoire d’un homme qui rêve de s’échapper vers un horizon qui le fascine. Cependant, ses perspectives sont contrecarrées par une femme très attirante qui le retient. Une pièce minimaliste et organique qui tend des liens avec la métaphysique.

Pour finir cette série de courts-métrages, on retrouve l’exquis film de silhouettes en noir sur fond transparent « La Belle fille et le Sorcier » de Michel Ocelot, dans lequel un magicien montre ses pouvoirs magiques à un jeune villageois en le transformant en une belle princesse. Une fable sur l’importance accordée à l’apparence physique grâce aux magnifiques jeux d’ombres chinois, comme l’avait déjà proposé la réalisatrice allemande Lotte Reiniger auparavant (« Les Aventures du prince Ahmed », « Hansel and Gretel », …)

Avec son documentaire en trois parties et ses 17 courts en bonus, « Le Cinéma d’animation en France » s’intéresse aux grands noms et aux titres de référence du secteur de l’animation nationale, du plus traditionnel au plus innovateur. À noter cependant qu’il s’exprime un peu trop brièvement sur la qualité et de la diversité de cet “art total” qu’est le septième art bis et que l’échantillon de courts-métrages est considéré non comme une partie substantielle de ce pack DVD, mais comme un complément de la série documentaire. Les courts, proposés comme bonus, sont regroupés par techniques et ne proposent pas un témoignage suffisamment fort d’esthétiques et de plastiques possibles, ce qui est malheureusement regrettable.

Adriana Navarro Álvarez

Le Cinéma d’Animation en France (2 DVD) : série documentaires en trois volets + 17 courts métrages ! : Édition Doriane Films

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