Let Me Down Easy de Matthew De Filippis et Elisia Mirabelli

« Let Me Down Easy » (« Laisse-moi tomber simplement»), un bien joli titre pour le court-métrage de Matthew De Filippis et Elisia Mirabelli, présenté ces jours-ci dans la section Focus Québec/Canada du festival du nouveau cinéma de Montréal. Dans une petite bourgade d’on ne sait où, une poignée de garçons et de filles dans leur vingtième année se prête à un étrange rituel de passage. Six personnages, élevés dans un puritanisme exacerbé, vont faire l’expérience d’une nuit d’ivresse où leur innocence, si bien préservée, va être mise à rude épreuve.

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Le film s’ouvre sur une prière, un appel à la protection des pêcheurs, et sur le visage angélique d’une jeune femme blonde vêtue de blanc, personnage central du film qui porte en lui toute la pureté et l’innocence d’une jeunesse élevée dans le respect des lois de Dieu et de la communauté. Son visage est filmé à travers le voile blanc de la fenêtre, un voile de protection qui sera bientôt levé. « They want us to have fun » (« Ils veulent qu’on s’amuse ») lance un des jeunes garçon en route pour l’aventure. Qui est ce « They », qui est à l’origine de cette mise-en-scène lugubre ? L’objectif est-il de les mener à leur perte, de précipiter leur chute pour que ne survive que les plus vertueux d’entre eux ?

Laissés à leur propre sort, tels Adam et Eve dans le jardin d’Eden, les six jeunes gens sont menés vers un lieu où toutes les tentations sont réunies. Tour à tour, ils vont baisser leur garde et céder à la gourmandise, la luxure, la colère, l’avarice ou l’envie. La caméra tournoie et joue avec la netteté de l’image, créant également chez le spectateur cette sensation d’étourdissement. Témoins impuissants, nous assistons à une scène de déchéance digne d’une histoire de la Bible.

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Les deux réalisateurs capturent des corps baignés dans une lumière vive, littéralement surexposés et libérés de toute forme de carcan. La caméra s’attarde longuement sur les visages des jeunes gens, laissant percevoir la peur et l’excitation. Le personnage central, sur lequel s’ouvre et se clôt le film, incarne toute l’ambiguïté de l’être, entre innocence originelle et passion ardente. Sur son visage béat se dessine l’idée qu’il n’y a pas de fruit plus doux que celui du pêché et de la connaissance. Ce personnage sensuel, l’instabilité de la caméra, l’utilisation de la lumière et du son, crées un univers où se mêlent danger et volupté. « Let Me Down Easy » opère une forme de séduction sur le spectateur qui, embarqué dans un univers tantôt onirique, tantôt angoissant, se laisse aussi tomber, simplement.

Agathe Demanneville

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