Love Games de Joung Yumi

Présenté en programme labo L4, à Clermont-Ferrand, le très esthétique Love Games de la coréenne Joung Yumi apporte un petit moment de quiétude tout en volupté retenue, de la délicatesse dans le propos et dans le trait qui ravissent les yeux.

Joung Yumi est une réalisatrice trentenaire dont les films sont sélectionnés par les plus grands festivals de la planète. À chaque essai animé, elle glane des éloges du public et la reconnaissance de ses pairs. Après avoir été sélectionnée dans plus de 50 festivals internationaux dont la prestigieuse Quinzaine des Réalisateurs en 2009 avec son film Dust Kid, puis enchaîné avec Math test qui a également connu une très belle carrière, son Love Games a été présenté notamment à la Berlinale 2013. C’est à Clermont-Ferrand que le film poursuit sa brillante ascension.

Dans Love Games , le parti pris esthétique de la réalisatrice est particulièrement épuré. Il s’agit d’une animation 2D en noir et blanc dénuée de décor. Seule compte l’interaction entre les deux protagonistes, la femme et l’homme qui entrent dans un jeu de séduction. Ici, le seul repère spatial donné est un rectangle tracé en ouverture par la femme, comme un tapis imaginaire qui contraint l’espace et le temps de leur jeu. Un espace ritualisé où les deux individus ne pénètrent qu’après s’être déchaussés, l’une invitant l’autre à l’y rejoindre pour qu’à la fin le jeu s’arrête et que chacun sorte du «tapis».

Dans le rectangle, la femme mène le début de cette danse de couple, elle invite l’homme puis se laisse inviter à jouer. Le duo oeuvre avec délicatesse dans cet échange presque enfantin. Ils se cherchent, s’attirent et se repoussent en toute complicité. À chaque jeu, chacun donne à l’autre des indices sur ses intentions de séduction même si nous ne saurons jamais vraiment de quelle nature est leur relation : un origami se détourne en bouquet de fleurs, un colin-maillard en baiser volé, … .

Dans un rythme doux, les déplacements des corps sont presque chorégraphiés. Ils occupent l’espace intérieur du rectangle comme des danseurs investissent une scène. Leur spectacle est intime mais la réalisatrice nous l’offre comme une boîte à musique qu’on ouvre. À l’intérieur, la danseuse se meut puis s’éteint dès que le couvercle se referme, comme une parenthèse…

Sans mièvrerie, Joung Yumi suspend les quinze minutes de son film dans une bulle où l’on regarde ces personnages tout en retenue. C’est un regard original et doux sur la séduction qu’elle propose. La gentille désuétude qui flotte sur ce rendez-vous poétique gagne en puissance et en modernité par une maîtrise et un style formel très affirmé.

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