Que je tombe tout le temps ? d’Eduardo Williams

Avec « Que je tombe tout le temps ? », sélectionné à la dernière Quinzaine des Réalisateurs, Eduardo Williams signe un film dans la continuité de « Pude ver un puma », son précédent court métrage présenté l’an passé à la Cinéfondation. Sa touche très personnelle autant visuelle que narrative lui assure un bel avenir cinématographique.

« Que je tombe tout le temps ? » parle du quotidien d’un groupe de jeunes hommes qui vivent ensemble dans un monde aux contours réalistes mais constitué d’étrangetés qui le décale dans un ailleurs difficile à situer.

Ici, les garçons vivent dans une grotte, ils sont raisonnablement préoccupés par la nourriture, le travail et l’argent, mais ils ne se posent pas de questions concrètes quant à leur lieu d’habitation pour le moins incongru. Dans cet espace, les autres, ceux qui sont extérieurs au groupe, semblent également extérieurs aux préoccupations des garçons. Ensemble dans leur grotte-repère, ils discourent. Peut-être ont ils un but commun, ou est-ce seulement pour ne pas être seuls qu’ils partagent leurs vies ?

Si objectif commun il y a, il faut regarder du côté de la quête énoncée en ouverture par l’un des protagonistes. Il recherche activement une mystérieuse graine dans un marché. Celle-ci semble être le pivot de la narration. À plusieurs occurrences, on comprend que la graine détermine quelque chose d’important dans la vie des garçons, qui ne sera jamais clairement énoncé.

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« Que je tombe tout le temps ? » est un film d’école, Eduardo Williams a effet intégré en 2012 l’école du Fresnoy, et par la même occasion, découvert les paysages du Nord de la France, bien loin de son Argentine natale. Dans son film d’ailleurs, il joue avec brio avec des décors qui sont juxtaposés à l’image et pourtant forts éloignés dans la réalité (la France et l’Afrique).

Le spectateur n’a jamais la possibilité de s’accrocher à quelque référence connue, qu’elle soit visuelle ou sonore, sans que celle-ci soit balayée à la séquence suivante. Ici, on parle français, créole, anglais et espagnol, les personnages déambulent sans transition dans les rues d’une ville du Nord puis dans la jungle. Tous ces éléments nous sont présentés ex nihilo. Chacun y trouvera, ou pas, au détour d’une phrase prononcée ou d’un décor incroyablement cinématographique, une piste de compréhension, une ouverture sur une réflexion plus ou moins onirique ou métaphysique, au choix.

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Eduardo Williams semble ici exceller dans la manipulation du réel pour le transcender vers un univers singulier. Il brouille les pistes, s’affranchit des codes visuels et narratifs usuels pour proposer son propre discours. La brutalité du montage très cut et la froideur des images tournées caméra à l’épaule participent à une expérience de spectateur assez aride mais maîtrisée par un réalisateur inspiré.

Fanny Barrot

Consultez la fiche technique du film

Article associé : l’interview d’Eduardo Williams et d’Amaury Ovise, le co-producteur du film

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