Annecy 2013, le programme 2 des courts métrages en compétition

Dans ce programme tout en émotions fortes, assez dur dans ses propos, le Canada s’ausculte et s’introspecte pendant que la Belgique flirte avec les fantômes de l’histoire de la Nouvelle Orléans. La poésie et le conte revêtent un côté punk décomplexé qui rivalise de trashitude avec une comédie « mortelle ». Merci en tout cas aux programmateurs de nous avoir autorisé à nous languir 3’40 » en milieu de programme sur le « Chemin faisant » du maître Schwizgebel, soit un peu de douceur dans ce monde de brutes.

De belles surprises constituent ce programme où il faut avoir le coeur bien accroché pour saisir ce que les réalisateurs nous proposent comme visions de l’espèce humaine. Entre les personnages belliqueux de « Fight », l’homme supposé violent de « Liebling », la jeune femme commanditaire d’un crime de « A wolf in the tree », l’obsédé « Norman », les représentants du Ku Klux Klan de « Betty’s blues », l’ivrogne pathétique de « Drunker than a skunk », le banal trou de mémoire perturbateur de vie sociale de « Subconcious password » ou encore l’ado incompris de « Le courant faible de la rivière », les hommes en prennent pour leur grade.

Vils, libidineux, faibles et violents, les personnages ne sont ici pas très héroïques ! Même lorsqu’ils prennent la forme d’animaux fabuleux comme dans « Kalté » et de loups de « A wolf in the Tree », les personnages principaux des films sont tout au mieux dépressifs et mal dans leur peau… La crise, l’inconfort… Ces antis-héros ont laissé leur confiance en eux chez leurs copains du long métrage où Monstres (« Monstres Academy ») et Cafards (« Oggy et les cafards ») s’éclatent dans les salles de projections voisines.

Du côté de la technique, nous ne reviendrons pas sur la maîtrise plastique de Schwizgebel qui propose ici un film de commande inscrit dans une collection consacrée à Jean-Jacques Rousseau. Dans son « Chemin faisant », il nous donne son interprétation toute en mouvement de la citation de Rousseau : « Je ne puis méditer qu’en marchant. Sitôt que je m’arrête je ne pense plus, et ma tête ne va qu’avec mes pieds ». Inutile également de revenir sur le travail reconnu de Bill Plympton pour « Drunker than a skunk ». En revanche, Il faudra s’attarder sur le très maîtrisé « Liebling » d’Izabela Plucinska. Son film en pâte à modeler est assez remarquablement maîtrisé. La réalisatrice a travaillé seule sur l’animation et affirme souhaiter laisser le spectateur assez libre dans son interprétation autant visuelle que dans le sens même de la narration.

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Le très visuel « Subconscious password » commis par le réalisateur de « Ryan » qui avait mis en émoi les spectateurs de nombreux festivals en 2004, est encore une fois une sorte d’ovni visuel dans le paysage de l’animation. Construit autour de l’idée que le personnage de Charles, interprété par le réalisateur, a oublié le prénom d’une personne à laquelle il est confronté et de la gêne engendré par l’oubli, Chris Landreth fait grossir le malaise et s’immisce dans le cerveau de Charles. Il transforme celui-ci en plateau de TV où se joue un étrange spectacle inspiré d’un jeu des années 60 (Password). Le réalisateur joue techniquement avec des éléments de 3D ainsi qu’avec des images de found-footage de personnages célèbres tels que Yoko Ono ou encore Samy Davis pour figurer les combats mentaux qui se trament dans le subconscient de Charles.

Pour le coup de coeur du programme, il s’agira sans doute du film de Joël Vaudreuil, « Le courant faible de la rivière », un retour doux-amer sur les troubles de l’adolescence mâtiné d’humour décalé (apprécions l’incongruité du « pouvoir » de la jeune femme). Egalement musicien, le réalisateur a particulièrement travaillé le rythme du film. Les séquences s’étirent juste ce qu’il faut pour que l’on ressente le trouble et la gêne des personnages mis en scène, gauches et touchants, drôles et singuliers.

Le programme 2 de la compétition des courts métrages laisse peu de place aux rires francs mais souligne à plusieurs occurrences avec un certain humour, qu’il soit noir ou décalé, les travers des hommes en tant qu’êtres faillibles.

Fanny Barrot

Le programme 2 sera présenté vendredi 14 juin à 16h au Décavision 2

À demain, pour le programme de la compétition 3 !

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