Footing de Damien Gault

Le pitch de « Footing », le premier film de Damien Gault, présenté à Vendôme, est simplissime : Marco, parisien en visite chez ses parents à la campagne, accompagne son père pour un footing matinal. Pourtant, le film dépasse très rapidement son cadre de départ et met en scène avec subtilité la relation au père, les affres de la famille et ses non-dits. Une réussite.

« Footing » commence dans le noir. On entend Marco, la trentaine, qui dit à son père : « Mais je vais ressembler à une grenouille là-dedans ». La combinaison moulante dans laquelle il apparaît sur le pas de la porte n’est en effet pas du meilleur effet. Son père, ancien gendarme à la retraite, qui sautille déjà dans la rue, est un peu l’antithèse de son fils. Boule à zéro, carré, le visage dur et la voix grave, il lui assure qu’il a déjà fait un marathon dans cette tenue.

Les voilà donc partis dans le brouillard pour sept kilomètres à moins que ce ne soit huit. La discussion commence par des banalités sur la couleur des volets histoire de meubler le vide, un exercice que ces deux-là semblent maîtriser à merveille.

À la sortie du village les deux joggers croisent un ancien ami de Marco que ce dernier ne salue pas à la surprise de son père. Pas d’explications si ce n’est un « ça fait longtemps qu’on ne se parle plus avec Baptiste, une histoire à la con… ». Le père de Marco ne cherche pas plus loin, comme par peur d’apprendre une nouvelle désagréable. C’est d’ailleurs ce que son fils lui reproche quelques foulées plus loin, comme par provocation : « Tu me demandes pas comment ça se passe avec Frank ? » Le père s’exécutant du bout des lèvres, la réponse ne se fait pas attendre : « Bah, c’est fini depuis un mois ». Visiblement mal à l’aise avec la vie amoureuse de son fils, le père de Marco bifurque à nouveau. Le poids des non-dits est au cœur de ce et tout au long du parcours, chacun se répond à demi-mot comme par autocensure.

La dynamique est toutefois plus subtile qu’il n’y paraît, le père de Marco étant à l’évidence maladroit mais bien intentionné et Marco, derrière ses piques sarcastiques, plus fragile que l’image de garçon indépendant qu’il souhaite renvoyer à son père.

Toute la réussite du film tient à la finesse de l’écriture des dialogues entre les deux personnages, à l’importance des silences et au fragile balancement entre les deux.

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Manuel Vallade – déjà vu chez Sébastien Betbeder (« La vie Lointaine », « Yoshido »…), Christelle Lheureux (« La Maladie blanche ») et Nicolas Engel (« Les Voiliers du Luxembourg ») – apporte beaucoup à son personnage du fils de passage, celui qui, malgré un regard critique sur une vie qu’il a fuie, finit par accepter ses parents et leurs habitudes et tenter un rapprochement longtemps attendu.

Le film tient en cela à la fois de l’universel et du cas particulier. Chacun pourra se reconnaître dans l’illustration de cette relation problématique au père à qui l’on tente de plaire tout en revendiquant sa différence, ou dans la description du père lui-même, qui semble constamment marcher sur des œufs face à un fils qu’il tente de comprendre. Plus course de fond que promenade de santé, « Footing » est un film dont la petite foulée est trompeuse.

Amaury Augé

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