Pointdoc : Parcours en terres réelles

A l’origine de l’idée de promouvoir et diffuser le documentaire sur la toile du virtuel, le Festival pointdoc qui pour sa première édition, offre une sélection des plus originales. Entre intimité et distance, entre reportage et cinéma, entre film sur l’autre et autoportrait filmé, l’approche du genre varie.

Filmer la réalité peut se révéler passionnant pour qui s’intéresse de près ou de loin à cet être étrange et particulier qu’est l’homme. L’homme morcelé en autant de portraits, de vies et de récits racontés au travers de dispositifs cinématographiques effleurant du bout de l’objectif la métaphore, l’allégorie ou encore le poème. Filmer la réalité pour répondre au désir de la transcender tout simplement.

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L’ailleurs

Souvent, l’ailleurs attire le documentariste explorateur un brin anthropologue, alors, il prend sa caméra et s’en va filmer cette autre réalité qui finalement, n’est pas si différente de la sienne. « Basse-cour » d’Adrien Camus a élu domicile au Sénégal, à Missirah où un directeur d’école s’enrichit sur le dos d’œuvres humanitaires françaises. L’intérêt de cette première création réside dans les questions que le protagoniste suscite par son comportement. Elle dévoile les fragilités de la relation humanitaire parfois taxée de néo colonialiste tant l’aide étrangère s’avère problématique tout comme elle met en lumière l’utopie égalitaire du dialogue Nord-Sud en éternelle construction. Muni d’une caméra non interventionniste, le premier film d’Adrien Camus fait sourire par une certaine fraîcheur de mise en scène, ce qui n’enlève en rien l’audace de son propos.

Le film d’Ingrid Vido, « Imperium », quant à lui, traite de l’exode européen, celui qui voit partir des jeunes de l’Est, remplis d’espoir vers un paradis illusoire et souvent artificiel. Une véritable ruée vers l’or qui a conduit Genia et Oksana, deux jeunes ukrainiennes, à dévoiler leurs charmes à Rzeszów, une petite ville de l’Est de la Pologne. Avec une mise en scène proche de la fiction, la réalisatrice signe un film captivant qui touche la sensibilité et l’engagement de chacun. Elle nous fait comprendre les raisons qui poussent la jeunesse à déserter son pays d’origine comme elle en délimite avec justesse les pièges et les contraintes. Parce que derrière les strasses et paillettes, se cache souvent l’énergie du désespoir.

Çiva de Gandillac livre dans son excellent « Amerikan Psyko » un portrait remarquable d’une Amérique conservatrice, celle qui ne croyait pas à l’élection d’Obama. Une Amérique fière de ses valeurs libérales et théistes. Ce sont autant de portraits riches et surprenants que le réalisateur a glané lors d’un voyage improvisé en terre outre-atlantique. Grâce à une caméra stylo, ultra légère et de petite taille, il arrive à l’essence même du cinéma direct qui est celui de montrer la réalité presque sur le vif, sans censure ni consensus. La brutalité du discours n’en demeure que plus révélatrice et authentique. Fidèle à l’école anglaise et au tandem Rouch et Morin, Gandillac donne à voir ce qui pourrait être sa « chronique d’un été américain ».

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Sans toi ni moi

En dehors des frontières physiques, les cinéastes aiment explorer l’intérieur de l’être et se servent de la caméra pour le connaître et l’apprivoiser. Ce qui en fait des œuvres qui mêlent intimement dispositif et discours, forme et contenu. Dans « La Chambre cambodgienne, situations avec Antoine D’Agata », Tommaso Lusena De Sarmiento et Giuseppe Schillac atteignent un degré d’intimité avec leur personnage tel qu’ils ne font plus qu’un avec lui. Plus aucune distance n’existe et le spectateur fait tout à coup partie prenante de ce huis clos étouffant et apocalyptique que sont ces quelques mètres carrés situés quelque part au bout (du bout) du monde. La notion d’enfermement (psychologique et artistique) y est traitée avec beaucoup de vérité, ce qui en fait une œuvre à part dans la sélection. Proches et différents, « Les Episodes » de Thomas Bartel et « La Pieuvre » de Laetitia Carton sont des films qui exposent la relation forte, intime et conflictuelle existante entre le cinéaste et son sujet. Entre dévoilement et thérapie, les films ont un réel point de vue qui nous permettent une prise de conscience et une ouverture sur une micro réalité.

Aussi, nombreuses créations documentaires présentées à Pointdoc nous proposent un voyage à travers le temps et l’espace, une odyssée homérique faite de belles rencontres (« Roule Toujours » de Murielle Lourenço et Anne-Sophie Plaine), de questionnements identitaires et d’envies d’exhumer le passé tout en interrogeant le présent et l’avenir (« Marie-France » de Arno Bitschy et « Vive l’indépendance du Texas » de Damien Faure).

Marie Bergeret

Consulter les fiches techniques de Amerikan Psyko et La Chambre cambodgienne, situations avec Antoine D’Agata

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