Retour sur la 31ème édition du Court en dit long

Au sein d’un Centre Wallonie-Bruxelles métamorphosé après plus d’un an de travaux de rénovations, se tenait du 24 au 28 octobre dernier la 31ème édition du plus belge des festivals français, Le Court en dit long, sous la direction de son fidèle programmateur Louis Héliot. Habituellement au mois de juin, le festival devrait retrouver ses dates originelles dès 2024 pour sa 32e édition. Mais avant de nous plonger dans l’année à venir, regardons un peu en arrière…

Le Court en dit long 2023

D’après la sélection de Louis Héliot, 37 films en compétitions (23 réalisatrices, 24 réalisateurs) répartis en 7 programmes thématiques, y étaient entre autres présentés à un public nombreux, venu découvrir l’actualité du court-métrage belge en présence des équipes.

Films de cinéastes chevronnés, premiers films ou films d’école, fictions d’animation ou en prises de vues réelles, abordant un panel de thématiques et d’esthétiques variés, tous étaient confrontés au regard du jury de cette édition au même niveau. Le festival proposait en parallèle des projections une master class du compositeur David Reyes ou encore un ciné-concert (L’Odyssée de Choum de Julien Bisaro). Format Court revient sur trois films forts de cette édition.

Coups de coeur Format Court

Tu préfères rester seul ? a obtenu cette année le Grand Prix du jury. Mettant en scène avec finesse l’expression des traumatismes d’un jeune exilé au sein d’un hôpital psychiatrique, le réalisateur Victor Ridley déploie sa narration selon un glissement continu où se mêlent cauchemars et réalité.

Présenté au FIFF 2023, cette fiction prolonge l’exploration du réalisateur sur les thématiques du trauma et de la difficile reconstruction initiée avec son documentaire Asile (FIFF 2019).

Le travail remarquable de l’image et un sens aigu du montage et des transitions portent cette confusion de l’espace et du temps qui incarnent le déchirement du personnage. Mais cette intensité émotionnelle n’aurait pu parfaitement éclore sans la très forte prestation d’Aziz Temari (prix d’interprétation masculine), qui campe le rôle principal, celui d’Ahmad. Le jeune comédien déploie sur le fil une tension dans laquelle on ressent les extrémités de la détresse, du drame, de la panique tout comme le besoin d’amour. Le traumatisme est-il irrémédiable ?

La puissance de cette plongée dans l’enfermement physique et psychologique du personnage relève également de la qualité du travail du son (Pierre Dozin) et de la musique originale (Ruben De Gheselle) qui suivent les méandres de l’angoisse sans jamais en forcer le trait.

Après plusieurs courts documentaires (dont Vaarheim et Asile) et Tu préfères rester seul ?, Victor Ridley poursuit le chemin de la fiction en écrivant actuellement son premier long-métrage.

Le jury a également remis une mention spéciale au court-métrage Oil Oil Oil, de Manoel Dupont. Dans ce film, l’intimité et les — parfois cruels — jeux de désir se nouent entres les deux protagonistes principaux au milieu de la dynamique sauvage d’un groupe d’employés-amis qui récoltent de l’huile usée. L’alcool, la gueule de bois, les fanfaronnades, la séduction, les jeux dangereux parmi les bidons d’huiles, tout se mélange dans la moiteur d’un été étouffant dont nous scrutons les entrelacs.

Pourtant, c’est un vent de liberté et de fougue qui souffle sur ce film où l’on perçoit une grande place accordée à l’improvisation. Le pari de cette joyeuse insolence fonctionne, soutenu par une habile construction des cadres et le naturel du duo d’interprètes (Mara Taquin & Baptiste Leclere)

Le réalisateur Manoel Dupont met en duel les contingences sérieuses de la vie et le plaisir, l’urgence de vivre, qui devient la seule vraie nécessité. On pressent le poids du sentiment, on devine l’arrivée d’une contrainte, mais c’est bien dans chaque scène l’importance de vivre l’instant qui l’emporte. L’image en noir et blanc pourrait être le reflet de cette opposition qui se joue entre les lignes. Il s’agit là d’un refus de la discipline de l’épanouissement, du mode d’emploi du bonheur ; un refus d’un âge adulte plus que de l’âge adulte ?

Revenons enfin sur la prestation de Viviane De Muynck (prix d’interprétation féminine) dans la comédie vampiresque de Sarah Carlot Jaber, Les Yeux d’Olga. Nous étions heureux de retrouver la comédienne dans un registre décomplexé, où l’on sent l’amusement planer tant dans la réalisation que dans l’interprétation.

Dans ce film, Olga intègre une maison de retraite sous l’injonction de sa fille qui constate que sa mère, en tant que bon vampire, a déjà tué tout ses voisins. Bon vampire ? Pas tout à fait, puisqu’Olga est pleine de remords après avoir vidé de son sang ses victimes. Est-ce que s’en prendre à des pensionnaires en fin de vie calmera ses scrupules ?

La maison de retraite devient rapidement un terrain de jeu scénaristique, offrant au spectateur une série des situations burlesques. Viviane De Muynck, l’œil pétillant, s’empare pleinement de ce personnage qui se lèche les babines et ronge son frein à ne pouvoir se nourrir à loisir.

Cette comédie rythmée qui laisse la part belle à ses interprètes ne se départie pas pour autant d’astucieux choix de mise en scène, pleine de curiosités et de trouvailles.

Gaspard Richard-Wright

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