Basri and Salma in a Never Ending Comedy de Khozy Rizal

Parfois, il arrive qu’un court-métrage se distingue de tous les autres par un sujet inattendu ou une réalisation mémorable. On se souvient de lui parfois comme un rêve fiévreux, parfois comme un moment qui marque avec curiosité une séance de visionnage. Sans hésitation, Basri and Salma in a Never Ending Comedy est l’un d’entre eux. Réalisé par l’indonésien Khozy Rizal, ce court métrage de 15 minutes est présenté en sélection officielle à Cannes 2023. Basri et Salma (Arham Rizki Saputra et Rezky Chiki) forment un couple qui gère un petit manège de campagne. Ils passent leurs journées à s’occuper des enfants des autres, tandis que leur famille leur met la pression pour en avoir eux-mêmes. Lorsque Salma reçoit un coup de fil anonyme d’un homme lui faisant du chantage sur une prétendue vidéo intime du couple qu’il garderait secrète en échange d’une importante somme d’argent, on croirait comprendre l’enjeu principal du film. Néanmoins, quelque chose de plus latent, de plus viscéral se trame ; une chose qui se tapit dans l’intimité du couple et qui l’empêche d’être heureux, que Khozy Rizal développe avec brio sur un quart d’heure de visionnage.

Déjà dans son premier court-métrage réalisé en 2021, Makassar is a City for Football Fans, Khozy Rizal mettait en scène un homme qui devait prétendre se conformer à la passion de ses amis de l’université pour le football, afin de s’intégrer en se conformant à des normes sociales qu’il n’approuvait pourtant pas. Dans Basri and Salma, nous retrouvons ce même type de personnages, amoureux mais entravés dans leur tranquillité par des attentes sociales lourdes, se vidant peu à peu de leur sens au fur et à mesure que leur mélancolie se tisse sous nos yeux. Entre les néons et les sucreries du manège, sont traités des thèmes délicats, tels que la charge mentale des femmes, la violence conjugale, l’intolérance assumée face à ceux qui s’écartent de la norme. En effet, le film interpelle par les contradictions surprenantes qu’il met en scène ; c’est un cercle social où on baisse le son d’un reportage informant de la distribution de préservatifs pour se protéger des maladies, avant de mimer les actes grivois de sa femme devant ses enfants, et devant son regard humilié. Lorsque la violence explose, c’est ce même son multimédia que Salma augmente pour ne pas y faire face, comme un enfant qui se bouche les oreilles quand ses parents se disputent.

Et puis il y a ces moments absolument surréalistes, extraordinaires, qui surgissent au milieu du film sans crier gare, où ce dernier se transforme en comédie musicale improvisée karaoké. Avec le sourire et leurs paroles affichées en couleur en bas de l’écran, la famille du couple chante gaiement sur le bonheur d’avoir une progéniture. C’est d’autant plus déstabilisant d’analyser ce jaillissement musical d’exubérance mis en parallèle avec la scène de dispute familiale, non seulement déconcertante mais bien violente. Elle se matérialise certes par les coups, mais surtout par le traitement qu’on réserve à cette femme sans enfants, qui n’existe que dans sa non-condition de mère, dégradée. Entre le conte philosophique et la braderie de fête foraine, Basri et Salma est une formidable satire aussi cinglante que créative, qui ne se prend pas au sérieux et qui, comme une sucrerie, nous ravit et nous pousse à en vouloir toujours plus.

Mona Affholder

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