Les Contes merveilleux de Méliès en couleur

À l’heure du digital où tout file et se perd dans les méandres des bandes passantes et de la 5G bientôt naissante, raconter et faire découvrir n’est plus seulement une passion, c’est aussi une nécessité. Car l’histoire du Cinéma n’est-elle pas également un témoin de l’Histoire ? Montrer des films d’antan est un acte plus qu’évocateur de nos sociétés de l’époque car ce sont ses dernières traces. Traces d’un temps passé qu’il nous est important de comprendre aujourd’hui.

La fin du 19ème siècle a vu naître beaucoup de nouvelles inventions. Les nouvelles techniques photographiques et cinématographiques allaient bon train et participaient à l’effervescence artistique qui battait son plein dans la vie culturelle parisienne et Méliès en fut l’un des acteurs, avant que la première guerre mondiale ne vienne y mettre une pause radicale (dans la production de Méliès également).

Il y a Méliès l’inventeur, Méliès le comédien, Méliès le prestidigitateur ou encore Méliès le metteur en scène avec ses fabuleux décors. Ce sont toutes ces facettes que l’on peut retrouver dans le DVD/Blu-ray édité par Lobster Films il y a quelques mois intitulé Les Contes merveilleux de Méliès . On peut y retrouver, plus de 80 ans après sa disparition, en version colorisée et bonimentée (ou non) les plus beaux contes visuels de Méliès, l’un des inventeurs et pionniers du cinéma de science-fiction.

Méliès utilisa les films celluloïd (aussi appelés “films flamme” car ils pouvaient s’enflammer très facilement) et leurs histoires fut à l’égale des récits cinématographiques : de véritables aventures. Tant dans le scénario que dans sa production. Georges Méliès était aussi un grand conteur et inventeur de nouvelles histoires qui sont rentrées au fur et à mesure du temps dans notre imaginaire collectif.

Nombre de ses films ont été perdus ou oubliés puis retrouvés et redécouverts. Certains aux quatre coins du monde par Serge Bromberg et Eric Lange, fondateurs de Lobster Films qu’ils ont créé en 1985 et dont l’unique objectif est de “restaurer les films et partager la découverte et la passion du cinéma”.

Avec un catalogue aujourd’hui bien fourni de grandes légendes tel que Buster Keaton, Abel Gance, Max Linder, Georges Méliès ou encore Laurel et Hardy et bien d’autres, le travail fourni par Lobster Films est immense et participe grandement à la découverte du cinéma d´époque. La société compte pas moins de 50 000 films restaurés depuis une trentaine d’années et plusieurs activités comme la restauration mais aussi la diffusion et la production et des partenariats riches et variés. Ils proposent la magie du siècle dernier dans de magnifiques séances ciné-concert (appelées “Retour de flamme” clin d’œil à ces films celluloïd cités plus haut) qui leur a valu de nombreux prix en festivals et qui sont à voir absolument, ne serait-ce que pour les talents de pianiste et de conteur de Serge Bromberg. Lobster Films propose aussi des coffrets DVD qui nous font découvrir l’immensité et la qualité de leur catalogue et notamment Les Contes merveilleux de Méliès que nous avons entre les mains et que nous vous présentons aujourd’hui.

Ce coffret DVD de Georges Méliès avec des versions bonimentées, narrées comme à l’époque de la diffusion des films, pourra permettre à quiconque de montrer, remontrer ou même démontrer (pour les plus indécis) le cinéma tel qu’il était il y a plus de 100 ans aux jeunes regards curieux et innocents. On peut visionner tous ces fabuleux courts-métrages à la suite ou bien un par un, que ce soient les versions narrées ou non, en Blu-ray ou en DVD.

Lorsque l’on explore le coffret, on découvre 13 films de Méliès sur une période allant de 1899 à 1909, dix ans de magie, dix ans de films fabuleux, contant et racontant des légendes, des histoires de sorcières, de savants fous ou de princes et princesses. Le tout en couleur car peint à la main déjà à l’époque.

Celui qui nous vient tout de suite en mémoire et que l’on aime redécouvrir à chaque fois est Le Voyage dans la lune (1902, 16”). Le plus emblématique, le plus symbolique aussi. Le film a été redécouvert il y a une quinzaine d’années et réalisé 67 ans avant l’envoi du premier homme sur la lune. Méliès visionnaire ? Peut-être.

Notre inconscient collectif retient encore aujourd’hui cette image de l’obus heurtant la face humaine de notre satellite. Image d’un film racontant l’histoire fantaisiste de scientifiques se mettant dans la tête d’aller découvrir la lune et ses habitants. La version narrée du DVD est fantastique et nous aide à comprendre certains détails qui pourraient passer inaperçus lors d’une projection accompagnée au “simple” piano. Elle nous aide aussi à nous laisser guider et regarder le film avec la plus grande des naïvetés et c’est un régal d’émerveillement.

Mais c’est Les Quat’cents farces du diable (1906) qui vole la vedette de ces courts-métrages d’époque. Le film est moins connu mais à voir absolument. Un savant du nom de William Crackford signe malencontreusement un pacte avec le diable et se retrouve embarqué dans une aventure abracadabrantesque. Avec des décors plus fabuleux les uns que les autres, Méliès signe l’un de ces chefs d’œuvre, un fabuleux tour de passe-passe visuel, enchaînant tours de magie, enchantements et autres illusions à l’aide de fondus enchaînés, de surimpressions, de décors en trompe-l’œil et d’arrêts caméra. La narration est fluide, les effets techniques, précurseurs à l’époque, sont impressionnants et les péripéties sont présentes à chaque instant. Ces effets, on les trouve dans presque tous les films de Méliès comme Les Aventures de Robinson Crusoé (1902) ou Le Voyage à travers l’impossible (1904) et son fameux soleil englobant un train un peu particulier.

On peut découvrir d’autres films moins connus mais qui ont tous la qualité de nous faire voyager dans les mondes extraordinaires et inconnus de Méliès tels que Le Locataire diabolique (1909) ou La Danse du feu (1899), ce dernier étant l’un de ces tout premiers films, naissant seulement 4 ans après la première projection cinéma au monde par les frères Lumière, il s’inscrit dans les premiers films de fiction du 19ème siècle (avec ceux d’Alice Guy-Blaché, première réalisatrice de l’histoire du cinéma que l’on oublie trop souvent).

Plus de 80 ans après sa mort, celui qui inspira tous les plus grands réalisateurs (Spielberg, Gavras, Jeunet, Gondry ou encore Chaplin) et qui est considéré comme le précurseur du film de science-fiction, a influencé et influencera le cinéma contemporain pour de nombreuses années à venir du fait de son style et ses efforts de mise en scène.

Pour beaucoup, au 19ème siècle le cinéma n’était qu’une attraction pour les foires et peu y apportèrent d’intérêt. Malgré tout, l’histoire a retenu Méliès et aujourd’hui ses films retrouvés en constituent une œuvre majeure. Non seulement par le fait que nombres de ses films sont restés longtemps oubliés ou perdus mais surtout par leur magie, leurs extraordinaires histoires et le travail incroyable de création et de réalisation de décors qui a été mis en place à l’époque. On ne peut que recommander de ce fait ce DVD. Bon visionnage.

Clément Beraud

Les Contes merveilleux de Méliès en couleur : édition Lobster Films. Exemplaires disponibles ici

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