Tarfala de Johannes Östergård

Dans les grandes solitudes glacées du nord, là où le blanc immaculé et froid rencontre rarement la chaleur humaine, un homme seul, lutte contre les éléments (et des vents poussant parfois jusqu’à 290km/h). Il travaille comme gardien de quelques refuges près des grandes montagnes suédoises : Kebnekaise.

Epuré et authentique, Tarfala, le court-métrage de Johannes Östergård, était programmé le week-end passé lors de la carte blanche Format Court au Savonlinna International Nature Film Festival (SINFF). Le film, produit en Allemagne à l’Université TV & Film de Munich, a fait découvrir au public finlandais la vie de Lars Häger, un Suédois qui a choisi de passer plusieurs mois de l’année dans les froideurs de la Laponie suédoise.

Aborder une culture du calme et du silence, c’est ce que le jeune réalisateur Johannes Östergård, parvient à faire en touchant à la fois à certaines questions de société – si particulières aux sociétés du nord de l’Europe – et à des questions plus personnelles et psychologiques.

Nous sommes en hiver et dans la vallée de Tarfala, aux confins des montagnes suédoises, tout gèle. Lars vient ouvrir le refuge. Son seul compagnon est un vent violent, crissant et s’infiltrant dans chaque recoin des planches de bois de la petite cabane qui l’abrite. C’est lui qui se charge des quelques touristes qui vont s’aventurer dans le coin durant la saison. Jour après jour, heure après heure, il déneige et déblaie les neiges accumulées depuis plusieurs mois. Vérifie le répondeur du téléphone compulsivement, seul contact avec le monde extérieur, où Lars a enregistré un message de bienvenue.

Quand enfin, des touristes arrivent, Lars accueille des skieurs et randonneurs des neiges, venus se confronter aux « grandes glaciations ». Entre chaleur, rires et bonne ambiance, la vie au refuge contraste avec celle qu’il a quitté volontairement quelques semaines auparavant. Quand les touristes s’en vont, la solitude reprend sa place. Et ainsi va là vie de Lars Hager dans le refuge.

Au-delà de l’histoire de ce refuge et de cet homme, c’est la corrélation entre les deux qui se pose ici. À l’heure où les hommes se rapprochent physiquement – par les migrations vers les villes – où moralement – par l’avènement des internets et des réseaux sociaux – certaines âmes trouvent le besoin de s’échapper dans des lieux encore vierges de toute civilisation. Cet homme que l’on suit dans ce film trouve le besoin irrémédiable de se cacher dans ce refuge loin de tout. Il lui faut souffler d’une vie citadine qui l’étouffe. Tel un esprit en jachère, face caméra, il se confie, il raconte. Il parle de son besoin de s’éloigner, de respirer un air pur et de profiter des solitudes. Mais aussi du sens de nos vies dans une société de plus en plus globalisée, d’une normalisation des comportements, comme « avoir une Volvo et une famille », des difficultés à vivre à contre-courant des schémas sociétaux.

Au fur et à mesure du film, la solitude de Lars se fait ressentir. Après tout, il a déjà enduré une séparation pour assouvir son besoin chronique de venir se réfugier dans les montagnes.

Le réalisateur capte avec intelligence les mots lourds de sens qui résonnent dans ce refuge. On assiste, en l’exemple de Lars, au parfait paradoxe de l’humain du 21ème siècle, submergé par une pression sociale, s’échappant comme il le peut d’un environnement qui lui est hostile. Mais se retrouve dans une volonté persistante et inconsciente du manque de présence humaine. A tel point que Lars, l’homme à l’air tacite, accueille avec une surabondance quelque peu gênante les premières présences humaines qui arriveront sur le refuge par hélicoptère.

Lars concède qu’il apprécie la quiétude et le calme de la cabane, arguant durement sur une vie en collectivité qui a trop d’emprise sur nos existences.

Néanmoins, une mélancolie latente se fait sentir, et Lars, peut paraître comme un adolescent en crise existentielle, quelque fois touchant, quelquefois l’esprit ailleurs, qui cherche sa place dans une société entonnoir, formatée selon lui.

Le réalisateur démontre bien que ces montagnes blanches dissimulent un thème plus sombre. Celui des sociétés vides d’émotions, en désaccord avec l’affectif, et qui génèrent des hommes et femmes perdus, oppressés ou tristes.

Östergård apporte, alors, un complément aux paroles de cet homme solitaire dans son refuge par nombre de cadrages fixes sur la pureté des montagnes et la beauté des sommets enneigés. Plans larges du sexagénaire skiant et perçant le blanc immaculé des pentes désertes, s’opposent aux plans serrés où le spectateur se retrouve dans la chaleur du foyer, celle qui nous rassure.

Ce court esthétise parfaitement une alliance du social et du contemplatif abordé en douceur par Johannes Östergård. On reste pourtant sur notre faim face à un réalisateur qui aborde un thème intéressant, mais restant relativement en surface, n’impliquant pas plus son sujet dans une immersion vers le social et le sociétal.

Clément Beraud

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