Le Naufragé et Un Monde sans femmes, un diptyque de Guillaume Brac

Potemkine, boutique de DVD située dans le 10ème arrondissement de Paris, est née en 2006, avec la volonté d’offrir aux spectateurs un accès à un cinéma éveillé et éclectique. Elle leur propose aussi bien des grands films de l’Histoire du cinéma que des films plus intimistes et méconnus, tout aussi grands par leur qualité. Afin de mener à bien cette mission de découverte et d’accès au cinéma, Potemkine a agrandi son secteur d’activité l’année d’après en se lançant dans l’édition DVD, puis, dans la distribution en salle en 2012. Co-édités avec Agnes b. Production depuis 2008, les films sortis en DVD reflètent autant de coups de cœur, d’exigence et d’originalité.

« Un Monde sans femmes » est sans conteste de ceux-là. Sorti en salle en 2012, le film procure une double révélation, celle de Guillaume Brac, le réalisateur et celle de Vincent Macaigne, l’acteur interprétant le personnage principal. Déjà lors de sa sortie en salle, ce moyen métrage, lauréat d’une Mention Spéciale Format Court au Festival de Vendôme 2011, était précédé d’un court métrage, « Le Naufragé », réalisé deux années auparavant par même auteur et mettant en scène le même personnage dans la même ville d’Ault.

Le trentenaire mélancolique perdu et attachant, aujourd’hui connu, que Vincent Macaigne incarne dans la plupart de ses films, est probablement né de ce diptyque. Sylvain, célibataire mollasson, vit seul dans son appartement de station balnéaire picarde. Totalement dépeuplé de toute jeunesse en dehors de la saison touristique, l’endroit où vit Sylvain ne l’aide pas à trouver l’amour, mais il y est tout de même attaché et semble se contenter d’une vie simple. Pourtant, que ce soit dans « Un Monde sans femmes » ou « Le Naufragé », le quotidien du jeune homme est perturbé par l’arrivée de voyageurs dans sa région.

Dans « Le Naufragé », Luc (Julien Lucas), un cycliste parisien bloqué au village après avoir crevé, fait la connaissance de Sylvain qui lui propose son aide. Ce dernier, non mécontent d’avoir trouvé de la compagnie mais ne partageant pas les mêmes règles sociales que le parisien, paraît un peu trop insistant. Il l’invite ainsi à passer une soirée avec lui et lui offre le gite et le couvert, ainsi que le trajet jusqu’à la gare la plus proche dans sa petite voiture bleue. Luc, froid et solitaire, ne voit pas les choses du même œil. Tout ce qui semble être pour le picard un geste d’amitié et d’entraide apparaît comme une intrusion dans la vie privée du parisien.

Dans « Un Monde sans femmes », ce sont deux femmes (Laure Calamy, la mère et Constance Rousseau, sa fille) qui s’introduisent dans la vie de Sylvain. En pleine période touristique, celles-ci s’installent dans un appartement avec vue sur la mer loué par Sylvain. Toujours bienveillant auprès du visiteur, ce dernier accompagne ces deux femmes dans leurs activités : pèche à pied, baignade, promenade au marché… La mère excentrique et la fille réservée sont à la fois proches et distantes l’une de l’autre. Elles n’ont a priori pas la même vision de l’amour et le même rapport à l’autre mais toutes deux feront chavirer à leur manière le cœur de Sylvain. Ce dernier, peu habitué au contact des femmes, ne sait pas comment s’y prendre pour les séduire et fait preuve de beaucoup de maladresse.

macaigne

Guillaume Brac, nouvelle figure du cinéma français depuis passé au long-métrage avec « Tonnerre », est un digne représentant de la descendance cinématographique d’Eric Rohmer. Tous les personnages, même les secondaires, sont bien définis et possèdent leur singularité. La place laissée à la spontanéité du jeu des acteurs renforce leur importance. Aussi, les thèmes chers à Rohmer se retrouve chez Brac : la séduction, le rapport à l’autre, l’introspection de la jeunesse,… Les longs plans larges, laissant l’action se dérouler, savent offrir la place qu’ils méritent aux décors. Le travail du chef opérateur, Tom Harari, y est pour beaucoup dans la qualité de ces images, au rendu faussement naturel. L’édition DVD de Potemkine propose par ailleurs de nombreux bonus dont une interview croisée de Guillaume Brac et de Tom Harari qui éclairent le spectateur quant à la construction d’ « Un Monde sans femmes » et du « Naufragé ». Tous deux reviennent sur leur rencontre, évoquent des anecdotes de tournage, parlent de l’équipe technique et des acteurs et expliquent les procédés artistiques utilisés pour la photographie de leurs films.

Zoé Libault

« Le Naufragé » et « Un Monde sans femmes : Ed. Potemkine : films + bonus

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