Pouco mais de um mês d’André Novais Oliveira

Cette année, la sélection des courts métrages à la Quinzaine des Réalisateurs offre à la fois un panorama de films très différents les uns des autres et des thèmes traités plutôt similaires. C’est le cas des courts « Solecito » d’Oscar Ruiz Navia, « Man kann nicht alles auf einmal tun, aber man kann alles auf einmal lassen » de Marie-Elsa Sgualdo et « Pouco mais de un mês »  d’André Novais Oliveira qui se penchent tous trois de manière intime sur la complexité des relations amoureuses. Qu’ils se déroulent au tout début d’histoires sentimentales ou au moment de la rupture, ils évoquent les réflexions et les différents tâtonnements qu’elles provoquent, le tout entre réalité et fiction, sans réelle frontière entre les deux.

Intéressons-nous au film brésilien, « Pouco mais de un mês ». André Novais Oliveira, son réalisateur, revendique pleinement le fait que sa vraie histoire se mêle avec la fiction. D’ailleurs, s’il a assumé ce film en intégralité (scénario, réalisation, production, interprétation), c’est tout simplement parce qu’il représente ce film. Face à celui-ci, le spectateur se retrouve pendant 23 minutes, quasiment en temps réel, au début de sa relation amoureuse, dans sa partie la plus intime et la plus crue, où Élida, son amie, et lui jouent leurs propres rôles, où ils se mettent eux-mêmes en scène. Ce qui permet au film d’atteindre une certaine sensibilité.

En filmant le réveil d’Élida et d’André, le réalisateur montre à quel point les débuts peuvent être synonymes à la fois de banalité et de gêne, les individus ne sachant quel sujet de discussion aborder, quel intérêt porter à l’autre sans paraître indiscret, quel comportement soi-disant naturel adopter, etc… surtout comme le titre l’indique, au bout d’à peu près un mois où l’on pense mieux se connaître tandis que l’on est toujours dans la découverte de l’autre.

Si cette scène plutôt banale génère autant de gêne chez les deux personnages principaux, c’est justement parce qu’il s’agit de leur « vraie » réalité filmée ici. Qui plus est, on devine que la nuit qu’ils viennent de passer n’a pas été des plus chaudes puisque le jeune homme raconte qu’il n’a pas réussi à trouver le sommeil aux côtés d’Élida et qu’il a dû déambuler dans l’appartement, cherchant une quelconque distraction.

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Trois moments matinaux sont en réalité présentés dans « Pouco mais de un mês ». Tout d’abord, le réveil dans l’obscurité presque totale de la chambre où l’on découvre les personnages par le simple son de leur voix. Puis, le petit déjeuner où l’on prend en compte l’apparence physique des personnages dont les déplacements dans cet appartement étroit semblent timides et compliqués. Enfin, l’attente de l’autobus dans la rue. C’est finalement le seul moment où Élida et André parlent d’eux, évoquent leur relation et un éventuel chemin ensemble. Leur discussion prend une tournure suffisamment importante pour laisser passer un premier bus, jusqu’à l’arrivée du suivant où ils se laissent enfin aller à un baiser à la fois maladroit et plein d’affection, qui mettra fin à la conversation, donnant une réponse favorable à leurs questionnements. S’ensuit une scène épilogue, relativement inutile. À nouveau, l’obscurité de la chambre se déploie, prouvant que le jeune homme est revenu chez son amie. En réalité, le baiser précédent suffisait à conclure le film, lui offrant même une ouverture encore plus grande.

Le ton employé est si juste et si empli de pudeur qu’on se prend à être réellement touché par ces deux êtres qui s’apprivoisent assez difficilement, sans échapper à la comparaison avec nos propres débuts d’histoires. Ceci, malgré une scène d’ouverture au rythme assez lent en caméra obscure qui aurait tendance à distraire plus d’un spectateur. Fort heureusement, toute la force de ce film réside dans cette aisance à rendre si réelle cette situation, lorsque deux personnes qui se connaissent pourtant si peu, acceptent de dévoiler leur fragilité de la même manière qu’ils conservent une certaine distance, histoire de se protéger face à l’inconnu.

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André Novais Oliveira a bel et bien réussi à mettre en images ce moment unique et si délicat à raconter qu’est le début des relations amoureuses. En cela, le travail du réalisateur brésilien se rapproche légèrement de celui d’Abbas Kiarostami, avec cette faculté à filmer des scènes du quotidien de manière la plus réaliste possible, en n’oubliant jamais que la durée engendre l’intimité.

Camille Monin

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