Tram de Michaela Pavlátová

Un tramway nommé désir

Cannes n’est pas le lieu dédié au genre animé, Annecy commençant peu de temps après le festival (début juin). Pourtant, plusieurs courts métrages faisant intervenir le mouvement animé ont fini dans la short list des sélectionneurs cannois. « Le Fleuve Rouge » de Stéphanie Lansaque et François Leroy s’est installé à la Semaine de la Critique, les limaces de « Slug invasion » de Morten Helgeland et Casper Wermuth se sont glissées jusqu’à la Cinéfondation, et « Tram » de Michaela Pavlátová a déboulé, tous freins lâchés, à la Quinzaine des Réalisateurs.

« Tram » est une comédie érotique bien inspirée sur le quotidien d’une conductrice du tram plantureuse, rêveuse et souriante. Chaque matin, elle se rend à l’entrepôt, attrape les manettes de son tramway, règle son miroir, fixe son rouge à lèvres et entame sa journée de travail. Le jour durant, elle transporte des hommes muets, gris et indifférents avec la même patience et la même énergie que la veille et le lendemain. Les nouveaux passagers et les secousses ne manquent pas durant le trajet et un matin, la conductrice se laisse emporter par son imagination, son désir et son excitation. Les sexes des hommes se mettent à dépasser de leurs pantalons et de leurs journaux et à s’infiltrer partout, devenant carrément des manettes personnifiées tandis que les tickets à composter s’introduisent désormais dans le sexe de la conductrice. Le voyeurisme entre en jeu, les joues commencent à rosir, les boutons de l’uniforme obligatoire se mettent à sauter, et l’extase n’est pas bien loin. Au terminus, probablement.

La réalisatrice de ce film, Michaela Pavlátová, n’est pas une inconnue dans le milieu de l’animation. Auteure d’une œuvre prolifique, elle s’est fait repérer avec plusieurs courts dont « Reci, reci, reci » (« Words, words, words »), nominé à l’Oscar en 1991 (rien que ça) et « Le Carnaval des animaux » en 2006. Le premier est une fantaisie pure comme on n’en voit plus beaucoup aujourd’hui, avec une attention particulière accordée à l’humour et au son, le deuxième représente en plusieurs tableaux bon nombre de fantasmes sexuels, et joue à nouveau énormément sur le comique de situation et la profusion de gags.

« Tram » est de cette veine-là. Même si Michaela Pavlátová délaisse la multiplicité des personnages et des sketches, elle revient à ce qui semble caractériser son travail : l’intérêt pour l’humour, l’amour et l’érotisme. Conduit par une petite musique drôle à souhait, signée Petr Marek, fidèle au rythme du film, « Tram » est le film le plus surréaliste et peut-être le moins tabou de la Quinzaine 2012.

Katia Bayer

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Article associé : l’interview de Michaela Pavlátová

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