Festival Millenium : le septième art et la société

Le Festival Millenium est un événement unique et engagé qui promeut le genre documentaire dans sa dimension fondamentale, à savoir instructive et responsable, sans jamais perdre de vue les qualités artistiques essentielles qui le différencient du reportage. Le résultat, on l’a vu encore une fois, est un éventail d’œuvres fascinantes et interpellantes, pour tous les goûts et touchant les divers aspects de notre monde, déclinés suivant les différents objectifs millénaires de l’ONU. Des thèmes sociaux (droits de l’homme, lutte contre la pauvreté, santé, inégalités et discriminations, conflits religieux…), politiques (développement économique, bouleversements politiques, politiques d’immigration, conflits internationaux…) et environnementaux (déforestation, crises alimentaires, catastrophes écologiques…) se trouvaient côte à côte dans une programmation riche et variée.

Parce que ces questions concernent chacun d’entre nous, il convient de mener une réflexion collective autour d’elles; ce que le festival a très bien assumé en organisant non seulement des discussions en présence des réalisateurs, mais aussi une série de conférences et de débats parallèlement à la programmation, notamment sur les révolutions arabes, la place des lobbies dans la politique européenne, la crise des agriculteurs… Dans le cadre de ce dernier sujet, une conférence enthousiasmante, en présence de Olivier de Schutter (rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation à l’ONU) et de Mamadou Cissoko (président du Réseau des Organisations Paysannes et des Producteurs de l’Afrique de l’Ouest), a suivi la projection de « Bitter Seeds », documentaire prenant sur les suicides collectifs des fermiers en Inde en réponse au monopole agricole de Monsanto.

En tout, la sélection a permis de découvrir des films avec des thématiques très pertinentes, que ce soit des reconstructions historiques comme « Fragments d’une révolution » ou des présages alarmants tel que « Le piège de Dublin » qui a donné au public un avant-goût effrayant de la crise politique qui allait s’ajouter au marasme économique et humanitaire que la Grèce traverse aujourd’hui.

De même, « Up In Smoke » traite de son sujet de déforestation et d’agriculture sur brûlis en suivant de près et en encourageant le travail d’un agronome qui met en place une vraie solution au profit des agriculteurs du Honduras, offrant ainsi au documentaire un rôle plus proactif dans le changement.

Le festival s’est également soucié de mettre en avant du travail novateur sur le plan formel, le plus bel exemple venant de nouveau de « Fragments d’une révolution », ce documentaire anonyme/collectif iranien qui redéfinit les techniques de narration classique et remet en question la notion de prise de vue réelle et celle du regard de l’auteur.

Par ailleurs, le festival a offert une belle plate-forme créative au documentaire, avec une série de master-class autour du rapport entre l’auteur et le sujet et des enjeux déontologiques du documentaire, données, entre autres, par Stefano Savona, président du Jury, Ji Dan, réalisatrice chinoise invitée d’honneur et Thierry Odeyn, réalisateur et professeur à l’INSAS (Bruxelles). Finalement, une nouveauté très réussie, les rencontres autour du web-documentaire, une forme qui se répand à fond de train, face aux développements technologiques et à la démocratie informatique, qui amène la possibilité de narration à la portée de tous. Ces rencontres ont adressé les questions de narrativité, production, réalisation liées à ce genre naissant.

Adi Chesson

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