Le film d’animation publicitaire en France 1912-2007

Les coïncidences font bien les choses. Le festival d’Annecy s’est terminé il y a 10 jours et il restait un DVD thématique dans la barbe de Noël Père. Réalisé à l’occasion d’une exposition sur le film d’animation publicitaire en France, présentée au Musée de la Publicité à Paris en 2007-2008, le support, rond comme un ballon, met en parallèle perles d’époque, pionniers du genre et animation riche et variée.

Pas toujours évident d’honorer les expositions pour des questions de dates, de distance géographique et de concurrence culturelle. Heureusement, les prolongations, les tournées et les DVD existent pour les séances de rattrapage. Si comme certains, vous avez raté il y a trois ans l’exposition sur l’animation publicitaire au Musée de la Publicité ou si comme d’autres, vous souhaitez vous laisser tenter par une tripotée de publicités animées, laissez-vous aller à la curiosité avec ce DVD que l’on vous propose dans le cadre du focus Annecy pour trois raisons : 1) le festival est attentif aux films publicitaires (21 films en compétition cette année), 2) cette compilation met en avant l’animation et 3) il s’agit aussi de forme courte.

Pour gagner leur vie, beaucoup de réalisateurs travaillent pour la publicité. C’est le cas pour la fiction (Rudi Rosenberg, Edouard Deluc, François Vogel, …) mais aussi pour l’animation (le collectif H5, Jonas Odell, Bill Plympton, …). De manière générale, la pub joue sur la créativité, l’humour, l’info pratique, la starification, la démonstration schématique, la répétition et la connivence avec le spectateur, dans le but de renforcer le pouvoir de la marque et du produit qu’elle cherche à vendre. Si aujourd’hui, Panzani est aisément associé à Depardieu, Kinder à des lardons en bonne santé et Juvamine à un slogan ridicule, Nesquick a tout autant son lapin, Kiss Cool ses monstres bizarroïdes et la Française des Jeux son cochon Dédé.

nesquick

Il suffit d’aller de temps à autre au Musée de la Publicité pour se rendre compte que la pub a une histoire, qu’elle se raconte à travers des expositions thématiques et qu’elle se voit sur des écrans compilant tous les spots possibles et imaginables. Le DVD édité par le Musée, accompagné d’un livret rédigé par la conservatrice Amélie Gastaut, revient sur cette histoire en lui donnant un accent animé et français. En parcourant l’historique, vous devriez d’ailleurs devenir incollable sur la naissance du genre, l’apparition des premiers studios, la concurrence avec la prise de vues réelles, des Etats-Unis et de la télévision. Et face aux publicités proposées, vous devriez découvrir des saveurs comme on n’en fait plus guère : des voix-off paternalistes, des messages machistes (“Votre mari veut toujours vous voir bien coiffée et bien maquillée” – Lavenfilets, Robert Lortac, le créateur des Pieds Nickelés), des produits économiques, des images d’un autre temps, mêlant magie et inventivité (des plumes Bic dansant la valse ou des ustensiles de cuisine métamorphosés en véritables artistes de cirque par Etienne Raïk), des slogans pas possibles (“Cassegrain. Des aliments sains pour palets fins” d’Omer Boucquey, l’inventeur de Bécassine), des contes revisités (La revanche de Cendrillon ou comment nettoyer un four en quelques minutes et mépriser instantanément ses affreuses belles-sœurs – Antoine Payen, Lion Noir), des animations bourrées de poésie et d’humour (des pelotes de laine et des marionnettes articulées, aussi ahurissantes les unes que les autres, dansant pour le plaisir de l’eau Rozana et de la laine Welcomme Moro sous l’égide des frères Bettiol et Stefano Lonati), …

lion-noir

Cette chronique ne peut aboutir sans deux coups de cœur : Le Messager de la Lumière, imaginé par Paul Grimault, le réalisateur du Roi et L’oiseau, pour les piles Mazda. Dans ce spot, le soleil, fatigué, perd son éclat resplendissant et se fait engueuler car sur Terre, on ne voit plus clair, on meurt de froid et la lumière est trop faible. Heureusement, une solution existe grâce à Mazda : le soleil mâche une ampoule et retrouve son énergie. Le sens du merveilleux et la poésie de Grimault ne sont pas loin et nous ne sommes qu’en 1938. Deuxième intérêt : Les méfaits d’un mauvais réveil pour Jaz, par Robert Lortac, précédemment cité. Un homme perd son travail car il ne se réveille pas à cause de son réveil. Forcément, c’est sa femme qui prend (“Crénom, j’étais en retard, ils m’ont balancé. Un bon réveil coûte moins cher qu’une situation perdue. Je vais acheter un Jaz, je ne serai plus en retard”), mais tout finit bien : Grincheux devient contre-maître grâce à son nouveau réveil à la “sonnerie cristalline” trouvable chez tous les bons horlogers. Merci Mr Lortac de nous faire part, dès 1924, des secrets d’une évolution professionnelle.

Ce sont évidemment les publicités les plus anciennes qui sont les plus intéressantes dans ce DVD. Au vu des actuelles, souvent pauvres en imagination, celles-ci et leurs consœurs, véritables témoins de leurs époques, acquièrent une valeur d’archives et laissent dans leur sillage un arrière-goût de nostalgie. Passé, poésie, émotion. Un slogan acceptable pour des images oubliées, découvertes ou retrouvées.

Katia Bayer

Le film d’animation publicitaire en France 1912-2007 : Editions Chalet Pointu

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