Charley Bowers, bonimenteur et cinéaste

Le cinéma burlesque est une inépuisable source de découvertes et de redécouvertes. Les conditions déplorables de conservation des films n’ont permis qu’aux réalisateurs les plus célèbres d’être encore visibles aujourd’hui. C’était sans compter le travail de Lobster Films et de Serge Bromberg, toujours prompts à rechercher dans les caves et les greniers quelques mètres de pellicule en nitrate. Une découverte de taille leur est due : Charley Bowers, cinéaste burlesque étonnant, à la fois héritier de Méliès et des Keystone Cops.

Que savons-nous de Charley Bowers ? Très peu de choses. Menteur patenté à l’instar d’Orson Welles, il est difficile d’en démêler le vrai du faux, tant il a construit et développé sa propre légende. Comme la plupart des génies burlesque de cette époque, Charley Bowers est un enfant de la balle. Parti de rien, il accumule les petits boulots avant de travailler dans un cirque et de subvenir aux besoins de sa famille dès l’âge de 9 ans. C’est à l’age adulte qu’il se rapproche du cinéma devant tour à tour décorateur puis cinéaste d’animation avant de se mettre lui même en scène avec un personnage que les français nommeront « Bricolo ». Son cinéma est foisonnant, la preuve en deux films issus du double DVD édité par Lobster.

Dans « Many a Slip » (Bricolo inventeur), dont Lobster n’a retrouvé qu’une bobine, Charley Bowers est un inventeur loufoque enfermé dans la cave de son futur beau-père en attendant de trouver une invention qui fera de lui un homme riche. Il se lance alors dans la recherche de la « peau de banane anti-dérapante ». En dehors d’un contexte burlesque aussi classique qu’efficace (l’inventeur « teste » sur les gens les étapes infructueuses de son invention), on découvre un décor étonnant à savoir une maison, dont l’esthétique saugrenue n’est pas sans nous rappeler celle de Monsieur Hulot dans « Mon Oncle ». Les trappes y sont plus nombreuses que les portes, et tout ce que vous désirez se trouve à portée de main. Presque une caricature de décor burlesque. Dans ce court, on découvre aussi, à travers une courte séquence, les talents d’animation de Charley Bowers. Une animation en volume, conçue image par image, qui ajoute un mélange des genres qui n’était pas de mise à cette époque.

Dans « Believe It or Don’t » (Non, tu exagères), Charley Bowers aborde un sujet qui lui est intime : le mensonge. Au début du film, le spectateur se retrouve dans une réunion de menteurs patentés qui se livrent à un concours de mensonges et est entraîné dans une histoire où l’on rencontre des souris armées, des arbres à chats et à œufs et un procédé de greffe aussi révolutionnaire que fantaisiste.

Le réalisateur nous amène ici dans une Amérique où le mensonge est la valeur ultime (la médaille de meilleur menteur est à l’effigie de Georges Washington). Et comme Charley Bowers, dans ce film, est le seul qui énonce la vérité, on est tenté de se demander si « Believe It or Don’t » ne contient pas un message que l’on pourrait interpréter ainsi : la seule vérité est dans le cinéma.

Thierry Lebas

Charley Bowers – Un génie à redécouvrir (1917-1940 / USA). Édition Lobster Films

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